Hélène Genet - "Pédagogie du buzz" (28/03/12)

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29 Mai 2012 22:51 #745 par Loys
A lire sur ce blog hébergé par Mediapart, cet article d'Hélène Genet, professeur agrégé de lettres et "formée à la psychanalyse".


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29 Mai 2012 23:22 #747 par Loys
Pédagogie du buzz

A Paris, un enseignant de lettres a piégé ses élèves en élaborant un faux commentaire de texte, diffusé sur internet auprès des sites peu regardants de revente de cours. L'opération lui aura coûté quelques mois de travail : contributions à Wikipédia pour assurer une réputation l'autorisant à corriger la biographie d'un obscur poète baroque (Vion d'Alibray)...

Je me demande bien comment Mme Genet sait que j'ai passé "quelques mois de travail"... Ce serait plutôt quelques heures, en vérité. Quant à "ma réputation" sur Wikipédia, il a suffi de deux ou trois contributions minimes.

...dialogues fictifs sur plusieurs forums entre des pseudo-élèves en mal d'inspiration et lui, l'expert littéraire, truffant ses réponses de faux renseignements ; enfin rédaction d'un commentaire bidon aussitôt mis en ligne par Oboulo et autres Oodoc, des sites qui encouragent activement la servitude intellectuelle en même temps que le profit. Nom de code : Ciarlatano. Dernière étape : assurer le référencement de son canular.

Techniquement, je n'ai mis en ligne qu'un faux renseignement, sur Wikipédia. Le reste n'a pas valeur d'information.

Quelle ne fut pas sa surprise de constater que les 4/5è de ses élèves avaient pompé tout ou partie des ses boniments, "sans discernement" en plus.

Pas du tout. Je n'ai pas été surpris, ce sont mes élèves qui l'ont été. :roll:

Quelle ne fut pas la honte des apprentis littéraires de se voir ainsi floués.

Quand on est floué, on éprouve de la colère, pas de la honte... :mrgreen:

Il en tire cette leçon éclatante et revancharde que les profs savent aussi bien utiliser l'outil que leurs disciples ; que les infos du net ne sont pas fiables ; qu'il a fort bien rempli sa mission d'initiation aux NTIC*; que nos lycéens sont asservis, et que, ô stupeur, ils ne pensent pas par eux-mêmes. (Source : Rue89 du 22/03/12). En tous cas, ce jeune professeur se trouve désormais clairement instruit des dispositions intellectuelles d'un adolescent, ainsi que de sa véritable mission, sinon des moyens de la conduire. Le bénéfice est grand.

Le professeur n'est pas si jeune... et a même un peu de bouteille.

Mais comme souvent, "la morale de l'histoire" n'est pas là où on la croit. Ce que réalise cette anecdote, c'est un joli "buzz". Quel insecte est-ce là ? Le buzz (anglicisme de bourdonnement) est une technique de marketing qui vise à faire du bruit autour d’un nouveau produit ou d’une offre. Le buzz cherche à occuper tous les canaux de communication afin de faire parler d’un objet ; il consiste à instrumentaliser le consommateur qui devient lui-même un vecteur publicitaire. Le buzz est aujourd'hui recherché par tous les communicants, y compris politiques, car il assure une publicité entièrement gratuite et diablement efficace : reprises et commentaires en cascade, débats passionnels, ici entre ceux qui condamnent le sadisme du maître et ceux qui louent sa pédagogie du choc ; entre ceux qui y décèlent les crispations conservatoires du corps professoral et ceux qui y voient la démonstration de l'échec de certaines méthodes institutionnelles. Mais le buzz est surtout une technique de manipulation éminemment perverse puisqu'elle dévoie la valeur de l'information ou du produit ainsi promu.

Ce raisonnement est très curieux : si le buzz était une simple "technique de manipulation", que ne l'appliqué-je pas à chacun de mes articles ! :mrgreen:

Ce buzz n'était ni prévisible ni recherché, même si un blog a pour vocation d'être lu par le plus grand nombre et si je suis ravi de jeter ainsi un tel pavé dans la mare consensuelle du numérique.

Par rigueur lexicologique, j'indique au passage l'équivalent français méprisé, qui est "ramdam" (de l'arabe "ramadan", en référence aux fêtes nocturnes accompagnant ce rituel)... Comme quoi, devant les assauts du discours libéral, notre langue ne manque pourtant pas de ressources.

En attendant, l'avantage du buzz est que personne n'en est individuellement responsable. Phénomène de mass médias, c'est un avatar de la rumeur. En mission spéciale, les journalistes se croient obligés d'hurler avec les loups.

Et les blogueurs, de bloguer. C'est, paraît-il, une technique bien connue pour récupérer une partie de l'audience du buzz.

Les particuliers y voient l'occasion de saler la conversation. Les marchands se frottent les mains. Enfin les politiques en font le tremplin de leur éblouissante réactivité. Et comme vous le voyez, j'ai moi aussi mon mot à dire...

En l'occurrence, les marchands du temple - comme Oboulo et Oodoc - ne se frottent pas les mains... Et les politiques ont bien été les seuls à ne pas réagir, constatant prudemment que le succès de mon article allait tout contre l'idéologie incontestée du tout numérique à l'école. Pour ma part, je n'ai rien à vendre.

Aujourd'hui, l'auteur du coup fourré s'étonne du bourdonnement médiatique, il se plaint de la violence des critiques, veut se défendre, déplore la circulation de fausses informations, plaide la pureté de ses intentions, implore un débat de société. (Source : laviemoderne.net)

C'est bien la preuve que ce buzz n'était pas recherché... :roll:

L'impétrant pédagogue saura désormais qu'on n'éduque pas en humiliant...

J'enseigne depuis treize ans, je ne suis donc pas tellement "impétrant". :mrgreen: Et quand on emploie des mots aussi durs, on prend au moins la peine de lire l'article car mes élèves ont ri avec moi et ont applaudi mon stratagème. Ils en ont témoigné depuis.

...que l'imposture fait jaser, et que les élèves ont parfaitement bien intégré les codes traditionnels de l'évaluation scolaire.

Je traduis : s'ils trichent, c'est parce que l'école les y pousse. Un beau message venant d'un professeur. Si Mme Genet a des comptes à régler avec "les codes traditionnels de l'évaluation scolaire", qu'elle s'en prenne directement à l'institution scolaire. Moi je me contente de préparer mes élèves au baccalauréat, sans leur faire subir mes états d'âme.

Quand à mon imposture, elle a été ludique et pédagogique. Quid de l'imposture permanente des sites de corrigés ? Comment Mme Genet la dénonce-t-elle efficacement, au lieu de sermonner un jeune collègue ?

Pédagogie du buzz : ne pas prendre les vessies pour des lanternes, ni la confiance pour de la bêtise, ni les élèves pour des intellectuels.

En recopiant des corrigés sur des sites payants, les élèves entretenaient avec moi une relation de "confiance" ? :roll:
En donnant un commentaire de texte à mes élèves, je les prends pour des "intellectuels" ?

Cela s'arrête là. Dommage qu'il faille rappeler de pareilles évidences.

Rien sur l'enseignement des lettres confronté au pire du numérique : de la part d'un professeur de lettres, c'est décevant.

Un article bien condescendant pour le reste.

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