"De la tablette d'argile à la tablette tactile" (Philosophie magazine)

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20 Sep 2012 00:07 #1374 par Loys
A lire dans le dernier numéro de septembre 2012 de "Philosophie magazine", dans le dossier "Apprendre à l'ère d'internet".


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20 Sep 2012 00:12 #1375 par Loys
C'est quand même triste que ce titre d'un article de "Philosophie Magazine" ne fasse que reprendre un message publicitaire.



La suite bientôt. ;)

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20 Sep 2012 00:41 #1377 par Frist
Les titres de Philosophie Magazine sont toujours très inspirés www.philomag.com/list-anciens-numeros.php pourquoi cela devrait-il changer en septembre 2012 ? :D

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20 Sep 2012 07:27 #1379 par Loys

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30 Sep 2012 21:39 - 22 Avr 2014 11:01 #1466 par Loys

De la tablette d'argile à la tablette tactile

Trop fort, ça rime ! :P

De Sumer à la Silicon Valley, les technologies de l'écriture ont profondément bouleversé les manières d'enseigner. Tour d'horizon.

Les Sumériens réfléchissaient sans doute aux mêmes enjeux pédagogiques que nos spécialistes actuels en ingénierie éducative ! :mrgreen:

Antiquité et moyen-âge
Technologies de l’esprit : Invention de l’écriture
Type d’éducation : La paideia

Antiquité et Moyen-âge, c'est à peu près pareil, on en va pas chipoter.

C'est sans doute au sud de la Mésopotamie, vers 3 400 av. J.-C., qu'une première forme d'écriture, utilisant des dessins simplifiés ou « pictogrammes », voit le jour. L'écriture cunéiforme (du latin cuneus, « coin »), obtenue par l'empreinte de stylets en roseau sur de l'argile humide, se complexifie à mesure que ses usages se diversifient. Servant d'abord à enregistrer les transactions commerciales, on l'utilise ensuite pour consigner les lois, les chroniques historiques ou les textes religieux.

Et rien sur les sciences de l'éducation ? :mrgreen:

Dans l'Égypte ancienne, les apprentis scribes doivent mémoriser un grand nombre de hiéroglyphes avant de pouvoir les tracer sur des tablettes de calcaire. Leur formation s'achève par la copie et l'illustration, sur papyrus, de scènes mythologiques. Avec la fixation de l'alphabet - plus facile à enseigner -, l'écriture cesse d'être réservée à une élite.

Nous voilà donc encore devant cette représentation d'un progrès continu et linéaire vers la démocratisation des connaissances ("De Sumer à la Silicon Valley"), dont l'école numérique serait l'aboutissement ultime. Nous sommes en vérité face à une reconstruction rétrospective de l'Histoire, orientée par une idéologie, consciente ou inconsciente, le numérisme.

En Grèce, à partir du VIIIe siècle av. J.-C., l'alphabet phonétique d'origine phénicienne détermine un nouveau type d'enseignement, fondé sur la combinaison de syllabes simples (principe du b.a.-ba). C'est là que l'apparition de l'écriture va bouleverser le plus profondément la culture et l'éducation. Homère est au cœur de ce basculement de la civilisation orale vers la civilisation de l'écrit. Les grands récits homériques, transmis oralement jusque-là, vont être cosignés par écrit et faire d'Homère le grand « éducateur de la Grèce ».

Homère n'est pas au cœur de ce basculement puisque les poèmes homériques ont été fixés par écrit au VIe siècle, soit au moins un siècle et demi après leur composition. Que le texte d'Homère soit oral ou écrit, il reste le même objet d'étude. En quoi consiste précisément le grand basculement de l'oral à l'écrit dans l'enseignement ?

Si l'Iliade brosse un tableau idéalisé des vertus viriles, l'Odyssée exalte les aptitudes intellectuelles: Ulysse excelle d'abord par son adresse et sa ruse. Les grandes figures épiques confèrent aux idéaux de la noblesse une dimension culturelle: la vertu de l'areté, mélange de moralité et de valeur guerrière, est au centre de la paideia la formation de l'homme grec. Mais l'invention de l'écriture soutient aussi le surgissement des différentes écoles philosophiques, chacune lui donnant un sens particulier. Platon s'oppose ainsi aux sophistes, qui rédigent des traités et enseignent la rhétorique. Par l'usage abusif et mécanique qu'ils font de l'écriture, ces derniers substituent à la recherche du vrai des méthodes toutes faites qu'il s'agit de retenir et d'utiliser à bon escient.

Les sophistes enseignent la rhétorique, l'art de bien parler, et non l'art de bien écrire... :scratch:

En fondant l'Académie, Platon cherche au contraire à guérir ce que l'écriture peut avoir de toxique pour la mémoire.

Certes.

Le dialogue de l'âme avec elle-même, qui conserve une forme d'oralité, doit remplacer les notes vite oubliées et autres automatismes. Le professeur modèle s'apparente au « maïeuticien », capable de faire accoucher le savoir de l'esprit de son l'élève.

Bref c'est l'oralité des dialogues platoniciens qui rend vivant l'écrit.

En plus du corpus mythique, les Romains récupèrent en partie ce système mais le structurent en l'orientant vers la connaissance du droit: dès 7 ans, les enfants se rendent chez le maître d'école (magister ludi) pour y apprendre à lire, à écrire et à compter. Ils intègrent ensuite la classe du grammairien (grammaticus): l'enseignement secondaire repose sur l'explication des auteurs et le perfectionnement théorique de la langue. À la fin du Ier siècle ap. J.-C., les programmes se stabilisent autour des « classiques »: l'élève accompli doit connaître par cœur son Virgile ou encore les grands discours de Cicéron. Un rhéteur (rhetor) forme enfin les plus riches à l'art oratoire et aux premiers éléments du droit.

L'éloquence est toujours l'art de bien parler.

Le Moyen Âge ajoute à ce cursus une méthode d'exégèse des écritures, perfectionnée dans les monastères. Étudier implique d'abord de comprendre les divers sens des textes (littéral, historique, allégorique, spirituel). Au XIIIe siècle, un artisanat du livre se développe avec l'essor des universités. Mais les manuscrits, encore majoritairement copiés dans les abbayes, restent extrêmement rares et difficiles d'accès.

Même rare, l'écrit est déjà au service de l'enseignement. Les étudiants pouvaient consulter les livres.

Renaissance
Technologies de l’esprit : Invention de l’imprimerie
Type d’éducation : L’école humaniste

L’invention de l'imprimerie bouleverse les méthodes de transmission du savoir.

Les méthodes fondamentalement non, puisqu'il s'agit toujours de livres, d'écriture. L'imprimerie bouleverse seulement le degré de diffusion des livres, mais fondamentalement le livre, l'écrit reste bien au centre d'un champ qui lui s'élargit.

La Bible de Gutenberg, imprimée à Mayence entre 1452 et 1456 à 180 exemplaires, est le premier livre moderne, réalisé à l'aide de caractères métalliques mobiles.

C'est - à peu de choses près - la même bible qu'une bible manuscrite recopiée par un moine-copiste au Moyen-Âge. Avant ou après l'imprimerie, nous restons dans un monde (et une religion) du Livre.

En plus d'accélérer la circulation de l'information, l'imprimerie invite le lecteur à réfléchir par lui-même aux sens profonds des textes, marquant la naissance du « libre examen », quitte à contredirai les versions officielles.

L'imprimerie a servi avant tout à diffuser les mêmes textes religieux, bibles et commentaires patrologiques : la Bible de Gutenberg en est un bon exemple.
Cette vision d'une imprimerie rebelle contre l'ordre religieux établi est romantiquement naïve et surtout totalement fausse : elle sert de cadre à une pensée simpliste qui veut voir dans la révolution numérique le prolongement contestataire à travers les siècles de la révolution de l'imprimerie. Dans cette comparaison implicite, l'école est l'ennemi de la pensée, comme l'était supposément l’Église. Si tel était le cas, l’Église aurait promu ce qui devait devenir son ennemi : de ce point de vue, la comparaison avec l'école d'aujourd'hui semble très pertinente ! :twisted:

Pour Luther, cette innovation permet de « faire connaître la cause de la vraie religion à toute la Terre ».

L’Église a connu bien d'autres schismes et hérésies, et ce bien avant l'invention de l'imprimerie. Bien sûr l'imprimerie a permis la Réforme, non pas parce que les lettrés se sont éloignés des textes de l’Église, mais parce qu'ils y sont revenus ! L'humanisme est avant tout un retour à l'écriture et aux écrits.

Portées par l'imprimerie, les studia humanitatis(« études de l'humanité ») ou lettres antiques promeuvent la libre culture née de la fréquentation des grands auteurs. Aux séries de syllogismes abstraits et stériles, Rabelais veut opposer des hommes vifs d'esprit, se servant aussi habilement de leur imagination que de leur intelligence.

Cette promotion de la "libre culture" n'est malgré tout pas le moins du monde démocratique : cette diffusion du savoir reste limitée à une petite élite intellectuelle européenne. Quant à l'éducation idéale de Rabelais ou Montaigne, elle concerne un "prince" ou à un "enfant de maison" et son précepteur. On est bien loin de notre horizon démocratique d'un enseignement collectif de masse.

La science politique, la poésie, la musique et le dessin s'intègrent désormais au système éducatif, avec l'astronomie et le corpus ésotérique. Pour la première fois, l'Académie platonicienne de Florence, fondée par les Médicis, rend accessibles les œuvres de la sagesse venue d'Orient.

Dans l'histoire de la pensée humaine, c'est l'absence de la transmission de l'écrit qui s'est révélée catastrophique. L'humanisme c'est la redécouverte des écrits, perdus ou oubliés, bref une Renaissance.

Époque moderne
Technologies de l’esprit :
Type d’éducation : L’école de la république

Au XVIIe siècle, les sciences progressent à grands pas, aussi les enseignements théoriques sont-ils complétés par une formation pratique. Colbert, ministre du Roi-Soleil, inaugure l'Académie des sciences, l'Observatoire de Paris et le Journal des savants. Peu à peu, l'ancienne démarcation entre le monde du travail manuel et les disciplines classiques perd de sa cohérence. En témoignent la création d'écoles d'ingénieurs et l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert. Les esprits se forment au contact de la nature, tel l'Émile de Rousseau.

C'est peut-être l'idéal d'éducation théorique de Rousseau mais son esprit à lui s'est formé au contact des livres qu'il a lu précocement dans le cabinet de son père... :mrgreen:

L'école moderne, œuvrant pour le bonheur public, a pour mission de faire du citoyen un élément actif de la société. Mais la fonction pédagogique du manuel scolaire, pilier de l'enseignement religieux, ne s'affirme qu'avec l'instruction publique obligatoire. Le décret de janvier 1890 impose aux instituteurs de recourir à des manuels. Publié en 1877 et utilisé jusque dans les années 1950, Le Tour de la France par deux enfants est le premier livre scolaire moderne. Au gré des aventures de Julien et d'André, les écoliers sont censés acquérir des connaissances de base en histoire et en géographie, ainsi que des notions d'hygiène, d'économie domestique ou d'agriculture.

Ce n'est donc ni l'écrit en soi, ni l'imprimerie, ni le manuel qui sont la cause de la démocratisation de l'école, bref aucune "technologie" d'aucune sorte, mais le volontarisme politique, l'idéal républicain. :twisted:

Époque contemporaine
Technologies de l’esprit : Internet pour tous
Type d’éducation : Les humanités numériques

Le milieu du XXe siècle se caractérise par un essor rapide des mass média et des industries culturelles axées sur l'image et le son. En découlent un détachement, voire un rejet à l'égard de l'enseignement classique.

A commencer par l'écrit (au sens savant). Car les "industries culturelles" sont un bel euphémisme pour désigner tout ce qui s'oppose au fond à la culture humaniste et à sa transmission.

Dans les années 1960, marquées par la massification de l'enseignement supérieur, beaucoup souhaitent remplacer les cours magistraux par un libre dialogue entre le professeur et ses élèves.

Quel rapport avec cette réflexion ?

Des méthodes alternatives voient le jour.

C'est bien hâtif : il y aurait pourtant beaucoup de choses à dire. :twisted:

Un tournant se produit au début du XXIe siècle avec la généralisation des réseaux numériques, introduite dès 1992 par la mise sur le marché du Web. L'expansion de ces nouvelles technologies perturbe profondément le milieu dans lequel vivent les enfants ainsi que la gestion du savoir, notamment dans les milieux universitaires. Le statut de l'enseignant en tant qu'unique source du savoir est bousculé.

Et la généralisation du livre de poche, des bibliothèques municipales et des CDI dans les établissements scolaires, elle a attendu le début du XXIe siècle ? :evil:
Si le savoir est dans les livres, il y a longtemps que ce savoir est accessible à tous. L'accessibilité en ligne ne change pas grand chose, ce n'est encore qu'une question de degré.
Par ailleurs cette vision de l'enseignant "unique source du savoir" et du savoir disponible en ligne est aberrante.

La facilité des recherches documentaires, la possibilité de travailler hors des murs de l'école ou de la bibliothèque, la prise de notes sur ordinateur et l'usage « en direct » des ressources en ligne...

Des progrès finalement mineurs dans la diffusion de l'écrit, mais avec une grande et inquitéante différence : le nouveau médium propose bien d'autres choses que le seul écrit, qui se retrouve perdu, noyé et oublié. Autant l'humanisme remet l'écrit au centre de la pensée humaine, autant le numérisme s'en éloigne.

... ou encore le recours systématique au copier-coller, donc le risque de plagiat, changent totalement la donne.

Le plagiat n'a pas attendu le numérique pour exister. Le copier-coller n'est pas dangereux parce qu'il serait le renoncement à penser par soi-même, il est dangereux parce qu'il est un renoncement à penser tout court. On peut copier-coller un texte sans le comprendre ou même sans le lire.

L'école de l'ère numérique est à inventer.

Au sens plein du terme, parce qu'aujourd'hui c'est rien moins que la fin des humanités qu'elle propose.
Dernière édition: 22 Avr 2014 11:01 par Loys.

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08 Oct 2012 16:03 #1550 par Loys
Dans la foulée, ce graphique (c'est la nouvelle mode pour argumenter) :


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On note que ça commence avec la Bible de Gutemberg et ça finit avec Twitter et le "content marketing"... :pendu:

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09 Oct 2012 09:34 #1553 par Bug Neurone
J'ai dans l'idée que le niveau d'expressivité a nettement diminué...

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