Les pratiques de lecture de la jeunesse

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05 Nov 2015 10:33 - 05 Nov 2015 11:38 #15146 par Loys

C'est l'histoire d'un rapt. [...] Ces derniers ont purement et simplement kidnappé un sujet ô combien grave et ont exigé, en guise de rançon, le retrait de la vidéo.

Il y a des mots pleins de mesure, surtout dans ce contexte. :doc:

Entendons-nous bien, les enseignants qui se sont sentis insultés ont le droit le plus strict d'exprimer leur agacement, mais qu'il ne fassent pas semblant d'ignorer que leur bronca allait éclipser le sujet principal.

Qu'ils protestent, mais en faisant en sorte que leur protestation ne soit pas entendue ! :santa:

Difficile aussi, même si certains s'en sont défendus, de ne pas y voir une forme de nombrilisme. C'est peu de dire que les enfants victime de harcèlement sont, de facto, condamnés au silence.

Eh oui : si vous critiquez un message sur sa forme, c'est que vous êtes indifférent au fond, voir hostile à la cause qu'il défend. :doc:

C'est l'objectif même de cette campagne. Le message qui leur était adressé était «Parlez»...

En montrant un professeur à qui on ne peut pas parler...

Ce que semblent avoir oublié les profs qui s’insurgent contre ce spot, c’est son caractère allégorique. Quand l’enseignante qui a terminé d’écrire au tableau se retourne enfin vers la classe et qu’elle demande «Baptiste, t’es avec nous?» à l’élève recouvert de projectiles, il faut bien comprendre que dans la réalité, les boulettes de papier et les instruments de géométrie ne restent pas réellement collés sur les victimes, aussi surprenant que cela puisse paraître. En revanche, et c’est l’intelligence de ce spot, on peut interpréter ce moment de plusieurs façons: soit l’enseignante ne s’est rendue compte de rien et exige de l’élève qu’il reste concentré alors que celui-ci est à mille lieues de pouvoir se focaliser sur le cours, soit elle est parfaitement consciente du problème mais choisit de faire abstraction du problème pour pouvoir poursuivre sa leçon au lieu d’avoir un problème épineux à gérer.

Dans les deux cas, elle fait un bon travail !

Même pour les profs les plus attentifs, certaines situations insidieuses sont bien difficiles à repérer (et personne ne peut les blâmer pour ça, si ce n’est eux-mêmes). Quant aux autres, ceux pour qui l’important est d’avoir fini le programme dans les temps et qui préfèrent jouer les aveugles parce que c’est bien plus simple, ils sont hélas extrêmement nombreux. En salle des profs, lorsque sont signalés des incidents pouvant relever du harcèlement, la diversité des réactions est toujours hallucinante. Il y a ceux qui en rient («Ils sont jeunes, ils s’amusent, pas la peine de surinterpréter») et ceux qui affirment n’avoir rien remarqué (soit parce qu’ils n’ont effectivement rien remarqué, soit parce qu’ils s’en contrefoutent).

Quelle sympathique portrait des collègues !

Parce qu’il est allégorique, le spot ne pointe pas l’incompétence des enseignants. Les situations sont trop variées pour ça.

Mais le clip, lui, n'est guère varié...

Ce qui est problématique, c’est que ceux qu’on entend actuellement élever la voix et demander son retrait ne semblent y voir qu’un procès à l’encontre des membres de l’Éducation nationale. C’est non seulement faux, mais aussi et surtout très inquiétant: personne ne semble voir que le coeur du problème, c’est cet élève qui souffre parce qu’il est la tête de turc de ses camarades, non seulement en classe, mais aussi très probablement en dehors. Pour les élèves harcelés, la cour de récréation et les rues qui jouxtent les établissements sont très souvent le théâtre d’autres formes de harcèlement, sans parler du cyber-harcèlement, qui rend la porte du domicile perméable aux attaques. Avec les réseaux sociaux, le harcèlement peut réellement durer du matin au soir, ne laissant aucun répit aux victimes.

D'où la subtilité d'un clip qui montre le harcèlement en classe, au vu et au su du professeur ! :santa:

Encore une fois, personne ne reproche aux profs de ne rien voir, déjà parce que la plupart du temps, ils ne sont pas présents quand les événements se produisent.

:santa:

En revanche, oui, on peut leur reprocher de ne pas faire l’effort d’observer et analyser les situations, de ne pas transmettre les informations dont ils pourraient disposer, de ne pas essayer de parler avec les élèves concernés pour comprendre comment aider. Puisqu’un élève de collège sur dix est victime de harcèlement scolaire, il y en a forcément dans tous les établissements et dans toutes les classes, ou presque.

Heureusement il y a les bons professeurs, comme Thomas Messias. :doc:

Double peine
Par ailleurs, puisque quand on parle de harcèlement, il s'agit désormais plus que jamais de nommer les choses, ne sombrons pas dans l'angélisme. Oui, il y a des enseignants qui, par leur attitude, constituent une double peine pour l'enfant harcelé. Et oui, ils ne représentent certainement pas la majorité, mais ces enseignants tacitement complices des harceleurs existent.

Tiens, finalement il faut parler des professeurs ? Mais pour leur jeter l'opprobre...
Bonne nouvelle cependant : l'article précise que les professeurs "complices des harceleurs" "ne représentent certainement pas la majorité" : on est rassurés !

Dans cet article, deux cas différents de harcèlement été évoquées, mais dans les deux cas l'équipe pédagogique s'est révélée inefficace voire sciemment distante. Y était évoqué le cas d'un directeur qui convoque une enfant harcelée pour lui dire «d'arrêter de raconter à ses parents ce qu’il se passe à l’école parce que cette mère quand même, "elle aime bien faire des histoires pour pas grand-chose"». Et celui d'une maîtresse, qui, quand lui ont été rapportés les insultes et coups dont une fillette a été victime, a immédiatement déclaré que sa classe était composée de «petits anges incapables d'avoir de tels comportements».
Sur Twitter, en réaction à cette bronca d'enseignants, nombreuses sont les ex-victimes qui racontent que malgré la violence et l'aspect parfaitement visible du harcèlement subi, leurs enseignants se sont montrés parfaitement indifférents à leur sort.
Ici, une ex-victime de harcèlement racontait comment elle se faisait déshabiller au fond de la classe «pendant que son prof d'histoire récitait son cours sans sourciller» et que le jour où des élèves lui ont entaillé le bras avec un compas, sa prof de français l'a gratifiée d'un «Oh ça va, c’est rien, ça te fera un souvenir».

Un article principalement fondé sur une expérience personnelle de la journaliste et sans donner la parole aux professeurs ainsi lourdement accusés...

Nier la souffrance des victimes et de leurs proches

Quel rapport entre critiquer un mauvais clip et nier le harcèlement ? :scratch:

Il est tout a fait audible que les enseignants qui, eux, ont eux des comportements différents, ne veuillent pas prendre pour les autres et subir un amalgame, mais nier, en tant que prof, le fait que certains profs sont capables d'être en dessous de tout quand ils sont confrontés à des violences scolaires, c'est aussi nier la souffrance des victimes et de leurs proches.

S'il s'agit seulement de "certains profs", pourquoi ne montrer que ceux-là ? C'est un message qui encourage à prendre la parole ?

Nora Fraisse, dont la fille Marion s'est suicidée à l'âge de 13 ans, après avoir subi un harcèlement odieux et continu, a parfaitement décrit dans son livre l'inertie des encadrants et «un personnel fuyant». Ne lui faisons pas l'affront de faire semblant de croire que les enseignants n'ont rien a voir avec tout cela.

Disons les choses clairement : ils porteraient bien une part de responsabilité dans ce suicide.

Et quand bien même le monde entier reprocherait ouvertement aux enseignants d’être impuissants et incompétents face aux situations de harcèlement qui se jouent devant eux ou dans leur dos au quotidien, est-ce que ce serait si grave par rapport à la souffrance de ces ados qui finissent généralement par rater leur scolarité, développent des angoisses qu’ils traîneront avec eux toute leur vie, voire en viennent à penser au suicide pour se défaire enfin de tout ça?

Effectivement, c'est moins grave : il n'y a que les auteurs de l'article qui peuvent supposer que des professeurs pensent le contraire. Mais ça ne retire rien au fait que ce clip est non seulement insultant mais stupide puisque non pédagogique...

Ce «On n’est pas tous comme ça» répété en boucle est particulièrement agaçant: non seulement il ne résoud rien, mais il montre en plus que les profs n’ont rien compris au problème (et à la thématique du spot). Car voyez-vous, la victime de harcèlement se fiche éperdument de savoir si tous les profs sont comme ça: elle veut juste s’en sortir (dans le meilleur des cas) ou mourir (dans le pire).

Ah... ces professeurs qui "n'ont rien compris" : heureusement qu'ils ne sont pas pédagogues...

«Et vous, vous faites quoi contre le harcèlement?»
On peut discuter les qualités esthétiques du spot, ou contester son efficacité, mais il n’a en revanche rien de choquant. Il s’agirait même d’aller plus loin, quitte à scandaliser l’ensemble des enseignants de l’hexagone, pour qui le harcèlement est une chose horrible puisqu’il nuit à leur image (pauvres bichons).

Il faut oser écrire une phrase pareille... :shock:

Si Mélissa Theuriau veut poursuivre son action, on lui conseille de s’adresser directement aux profs dans son prochain spot. Le slogan pourrait être «Et vous, vous faites quoi contre le harcèlement?».
Parce que la réponse actuelle, dans la majorité des cas, c’est: rien. Absolument rien.

Voilà qui est moins nuancé que tout à l'heure...

Les campagnes sont toujours tournées vers les élèves, et leur font notamment comprendre qu’être un témoin muet, c’est être coupable à sa façon. Le même genre de campagne pourrait s’adresser aux profs, de ceux qui vannent chaque jour l’élève sans répartie (qui est généralement l’élève dans la plus grande situation de mal-être) à ceux qui se lavent totalement les mains de ce qui peut se passer hors de leur salle de classe. On sait bien ce que provoquerait un tel spot: une levée de boucliers de la part des profs et de leurs syndicats, refusant une nouvelle fois d’admettre que leur petite souffrance personnelle n’est rien par rapport à celle que vivent au quotidien des dizaines de milliers d’élèves à travers la France.

La détestation des enseignants dans cet article fait plaisir à voir...

Par ailleurs, il est assez troublant de constater qu'hormis quelques prises de paroles isolées d'enseignants, les même syndicats qui ont dénoncé cette campagne ne proposent rien en échange et ne se sont jamais massivement exprimés sur le sujet. On a eu beau chercher, on n'a trouvé aucun clip à destination des victimes qui aurait été réalisé par le SGEN-CFDT ou le SNUipp-FSU et dont l'objet aurait été de dire à ces enfants «Ne vous taisez pas, parlez-nous».

Parce que ce n'est pas le rôle de syndicats d'enseignants ?
On note que le MEN préfère travailler avec Mélissa Theuriau ou Walt Disney et n'a pas consulté d'enseignants. Mais ça, l'article de Nadia Daam et Thomas Messias n'en parle pas.

Les victimes, leurs parents, les ex-victimes s'expriment courageusement, tandis que les prises de paroles d'enseignants sur le sujet, elles, ne sont que trop timides. Quand certains dénoncent une «vidéo hors sujet» parce que la prof de la vidéo tourne le dos ou écrit à la craie au tableau, ce sont eux qui sont hors sujet. Car le sujet, cette fois, c'est le cauchemar éveillé vécu par les enfants victimes de harcèlement et comment nous, adultes, pouvons les sortir de cet enfer.

D'après le clip, on peut en sortir sans les adultes...
Évidemment, dans cet article, aucune critique sur le clip lui-même, sur le fait que cette campagne n'ait fait l'objet d'aucune préparation sérieuse (mais d'une belle communication ministérielle en ces temps de polémiques scolaires), sur les conditions d'enseignement qui rendent le harcèlement plus facile (vie scolaire, effectifs en classe, climat de discipline ), sur l'image plus généralement renvoyée des enseignants dont témoigne ce fil.
Non. Il s'agit d'amalgamer toute critique d'un clip qui n'a rien de pédagogique avec indifférence au harcèlement, voire comportement de harceleur. Merci !
Dernière édition: 05 Nov 2015 11:38 par Loys.

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19 Déc 2015 23:40 - 20 Déc 2015 09:35 #15507 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet L'image des enseignants selon le MEN
Avec cette campagne...
Attention : Spoiler !

Au-delà du surf marketing, à quand les campagnes pour proposer de devenir "flic" ou "toubib" ?
Dernière édition: 20 Déc 2015 09:35 par Loys.

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20 Déc 2015 08:39 #15509 par archeboc

Loys écrit: Au-delà du surf marketing, à quand les campagnes pour proposer de devenir "flic" ou "toubib" ?

Ou "maton", ou "milouf".
Monsieur B, c'est de votre faute : avec votre parodie transformant "enseignant" en "en saignant", vous avez rendu ce mot tabou.

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20 Déc 2015 10:41 - 08 Juil 2017 14:37 #15510 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet L'image des enseignants selon le MEN
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Amusant que le modèle choisi soit aussi transmissif et élitiste. :mrgreen:
Dernière édition: 08 Juil 2017 14:37 par Loys.

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30 Déc 2015 11:44 #15565 par modigliani
La coiffure de la princesse Leila
Tu adopteras! :lol:

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22 Fév 2016 21:28 - 22 Fév 2016 21:29 #15964 par Loys
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Dernière édition: 22 Fév 2016 21:29 par Loys.

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02 Nov 2016 12:25 - 10 Nov 2016 00:00 #17599 par Loys
Un exemple de synthèse ici : www.laviemoderne.net/detox/154-science-sans-confiance

Oui, notre école grise, ennuyeuse et si peu bienveillante, est une vallée de larmes.
Il suffit de lire la presse éducative en France pour s’en convaincre. Dans ce « lieu de tourment », « lieu de torture », « les écoliers sont scotchés à leurs chaises » pendant des milliers d’heures, « élèves ligotés à leurs bancs de galère » subissant « la paire de gifles » de la « dictée-punition » avec des enseignants qui « anesthésient l’envie d’apprendre et transmettent un savoir postiche ». Comment en serait-il autrement, compte tenu d’une éducation nationale vivant dans « un ahurissant obscurantisme » ?
Est-ce étonnant quand la notation est présentée comme obéissant à une « constante macabre », quand des sociologues répètent depuis des années que les élèves se sentent « mal à l’école », quand un ministre de l’éducation assène que les élèves français sont « ceux qui souffrent le plus »2, quand un président du Conseil supérieur des programmes soutient que « l’école aime tant l’échec » ?
Est-ce étonnant quand, en France comme à l’étranger d’ailleurs, de grands penseurs de l’éducation tout pénétrés d’un progressisme lumineux, affirment, comme l’universitaire John Taylor, que « l’école n’apprend pas à penser » ou, comme Vincent Cespedes, que « l'école dévitalise les enfants » ? Quand le philosophe Michel Serres dépeint l’école comme « la caverne multimillénaire » qui fait des élèves des prisonniers « immobiles et silencieux, à leur place, bouche cousue, cul posé » ? Quand le philosophe David Precht déclare que « notre école est un crime » ou quand Ken Robinson, en fustigeant « la vallée de la mort de l’éducation » clame, que « l'école tue la créativité » ? Certains d'ailleurs vont plus loin : l'historien François Durpaire appelle de ses vœux « la fin de l’école » et propose de la faire exploser, façon projet Manhattan.

Ajout : www.laviemoderne.net/veille/vers-la-priv...ching-orthographique

Daniel Pennac écrit: L’école peut anéantir la merveille qu’un enfant est à 10 ans

#Eeduc16 "un jour on s'excusera auprès des élèves pr les avoir obligé à rester enfermés dans une salle pour qu'ils apprennent" F. Gamboa
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Dernière édition: 10 Nov 2016 00:00 par Loys.

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02 Nov 2016 12:26 - 02 Nov 2016 12:27 #17600 par Loys
Voir aussi les attaques brutales d'Antoine Prost contre les enseignants : www.laviemoderne.net/veille/la-reforme/7...-et-3-mai-2016#16373
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Dernière édition: 02 Nov 2016 12:27 par Loys.

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06 Nov 2016 13:30 #17650 par Loys
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