Quand les idéologues fous st lâchés en liberté ds 1 CM2, l'orthographe rectifiée est *IMPOSÉE*, et l'autre *RAYÉE* 😱
La réforme de l'orthographe
- Loys
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Bien sûr que la notion d'usage ne peut se restreindre aux sources imprimées mais vous ne pouvez pas faire comme si ces usages n'existaient pas ou n'importaient pas ! Si partiel qu'il soit, il n'en reste pas moins que c'est le meilleur indice statistique que nous ayons des usages orthographiques : si vous en avez un autre à produire, je veux bien le consulter. Par ailleurs, partant des manuels scolaires, la polémique concerne bien les sources imprimées. Avec ces rectifications, les manuels scolaires seront bien les seules sources imprimées contraires aux usages dans les sources imprimées : c'est précisément ce qui est consternant.
Bien sûr que l'Académie (dont je ne suis par ailleurs pas le représentant ou le défenseur attitré) a pu, au cours de son histoire, aller contre l'usage, et de manière autoritaire, ne serait-ce qu'en imposant une graphie parmi des graphies alternatives (peu de rectifications actuelles correspondent à cette nécessité : "évènement"). Mais ses principes ont bien changé depuis son origine et elle est aujourd'hui beaucoup plus mesurée et prudente ("conservatrice", diront certains), à tel point que les rôles se sont - pour ainsi dire - inversés : ceux qui l'accusent d'avoir créé et imposé des graphies arbitraires (en respectant les principes de l'étymologie par exemple) veulent aujourd'hui prendre sa place (en justifiant nénufar par l'étymologie par exemple) !
J'ai bien noté votre remarque contradictoire sur les dictionnaires et j'y souscris volontiers.
S'agissant de la profession de Marie-Anne Paveau, elle donne plutôt raison à ma thèse qu'à la vôtre : quel sens d'écrire contre les usages (à part par idéologie) ? Et il ne s'agit pas des sources imprimées ici, mais d'articles de blog et de leurs commentaires.
Dans le même esprit, je m'étais amusé à étudier les erreurs de graphie dans les deux premières versions des nouveaux programmes. Malgré tous les efforts des rédacteurs, elles se comptaient encore par centaines. Si ce n'est pas la preuve d'un idéologie contre les usages !
La question des traits d'union me laisse un peu indifférent, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.
Pas d'accord. "barman" existe en anglais et c'est bien la prononciation anglaise qui s'impose. Avec "barmans" on crée un monstre grapho-phonologique : une prononciation anglaise mais avec une graphie qui n'existe pas en anglais et qui ajoute un phonème en français. Au moins, "scénarios" se prononce conformément à la prononciation française...Beniamino Massimo dit:
La différence de prononciation est assez dérisoire en comparaison de l'harmonisation générale des pluriels étrangers, d'autant qu'elle ne fait que reproduire une différence qui existe déjà au singulier (un barman vs. un caïman)...Pire : avec "jazzmans", on crée tout simplement deux prononciations pour une même graphie en français (mamans, caïmans, musulmans, romans, ottomans, talismans d'une part, rugbymans, caméramans, gentlemans, barmans d'autre part).
Peu de gens se sont penchés sur le rapport de 1990, c'est une certitude. Mais vous auriez tort de croire que ce défaut n'a concerné que les "conservateurs" (Delphine Guichard avec "nénuphar" en est un bon exemple). Fondamentalement, ce ne sont pas les rectifications qui ont posé problème (puisque facultatives), mais leur application autoritaire et pour ainsi dire idéologique. Evidemment, les deux polémiques se sont confondues....il faut bien avouer qu'il y a un autre combat à mener : contre la paresse (voire la malhonnêté) intellectuelle de certains qui, par peur d'être associés de près ou de loin aux pédagogistes ou au « nivèlement » par le bas, ont hurlé avec la meute, jeté en pâture un pauvre ognon et un nénufar au peuple en manque de francitude et entretenu les confusions entre orthographe, intelligence et « génie de la langue ». J'ai découvert jour après jour l'ampleur de la moutonnerie et je n'en reviens toujours pas.
Je ne me souviens pas de votre position sur le second point. Sans lui, pourtant, pas de polémique.
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- Loys
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Vous vous étiez référé vous-même à ce test du "Figaro". Un certain nombre de mots suivent bien les "usages" mais précisément ce ne sont pas des usages datant de 1990 ("scénarios", "évènements", "référendum"). En toute logique, je ne peux pas m'opposer (avec mes faibles moyens !) à ce que ces graphies soient proposées comme des graphies alternatives. En revanche, ce sont les graphies nouvelles et arbitraires (contre les usages ou correspondant à un usage très minoritaire) qui posent problème à mes yeux, d'autant plus qu'elles sont imposées de manière autoritaire dans les manuels scolaires.
Pour "ognon", il est vrai que cette graphie a existé : elle a été utilisée, de façon minoritaire, jusqu'au début du XIXe siècle mais n'existe plus qu'à l'état résiduel dans les sources imprimées depuis un siècle : même "onion" est plus courant !
L'auteur de cette citation est Nina Catach... qui fait partie des dix linguistes (avec M. Encrevé) à l'origine - avec un manifeste en 1989 - des rectifications de 1990 ! Ce qu'elle condamne ici (en supposant qu'il s'agisse de rectifications contre l'usage), elle veut le reproduire en déformant à son tour la langue contre l'usage !Beniamino Massimo dit: Vous allez un peu vite en besogne. Les ph et th étymologiques rajoutés de manière aléatoire en 1835, c'était de la rationalisation ? Les asyle, aphthe et autre diphthongue ? J'ai sous les yeux un mémoire de recherche (qui vaut ce qu'il vaut, ce n'est certes qu'un mémoire), où je lis ceci : « Selon cette idée de retour aux sources, l’Académie s’attache à revenir, dans sa sixième édition (1835), à un « étymologisme outrancier » C’est peut-être la première réforme de l’orthographe qui va résolument contre l’usage, et qui joue la carte de l’élitisme. »

Dans le détail des mots choisis par Nina Catach ("anthropophage, amygdale, analyse, anévrysme, anonyme, asyle, et aussi aphthe, diphthongue, rhythme, phthisie…"), il est vrai que les graphies -phth- notamment semblent caricaturales. L'usage a d'ailleurs unanimement tranché.
Mais s'agit-il vraiment de rectifications "contre l'usage", comme vous l'affirmez ? Nina Catach se garde bien de préciser que la plupart de ces graphies existaient bel et bien : "diphtongue" et diphthongue" ou bien "rythme" et "rhythme" étaient concurrentes à égalité au début du XIXe siècle. Dès lors le choix de l'Académie semble moins outrancier. De même pour "antropophage" et "anthropophage" : l'Académie a d'ailleurs suivi l'usage majoritaire et l'étymologie et la graphie a été définitivement adoptée. A l'inverse "asyle" , bien que suivant l'étymologie, était d'usage minoritaire : son usage a décliné malgré l'Académie.
On se demande enfin ce que "analyse" ou "anonyme" ont d'outrancier.
En somme, selon Nina Catach, la graphie "analyse" inscrite dans tous les usages en 1835 serait négative mais la graphie "aout" qui n'est dans aucun usage en 1990 serait positive.

Je ne crois pas.Beniamino Massimo dit:
Pour être tout à fait honnête, il n'y a pas nécessairement contradiction : Delphine Guichard peut très bien dire qu'il y a des professeurs qui appliquent déjà les rectifications et regretter qu'il n'y en ait pas plus.Loys dit:
C'est ici sous-entendre que le refus serait lié à la mauvaise volonté des enseignants, ce qui est assez contradictoire avec l'affirmation préliminaire que les enseignants appliquent déjà ces rectifications.Delphine Guichard dit: ...que notre langue est ce qu’elle est aujourd’hui et que nous la trouvons belle. Aujourd’hui, c’est à nous, professeurs, de faire le même effort.

Vous me faites ce reproche mais vous ne reprochez pas à Delphine Guichard ses affirmations péremptoires et erronées ("Victor Hugo, Monet, Zola... écrivaient nénufar"). J'ai, pour ma part, pris la peine de vérifier...Il est faux de dire que nénuphar s'est toujours écrit avec un f jusqu'en 1935, mais il est assez vain de s'acharner à prouver que Hugo n'a pas toujours écrit nénufar.
Pourquoi Proust plutôt que Hugo ou Zola ?Il faut et il suffit que de grands auteurs comme Proust aient employé cette forme pour qu'on puisse se permettre de la favoriser...

Le bon sens serait d'autoriser les deux usages, au lieu d'imposer un usage minoritaire....quand bien même elle ne serait pas majoritaire, au nom du principe étymologique qui a poussé le français à se doter de cet attirail de ph-. La forme nénufar ne sort pas de nulle part. Un peu de bon sens ne nuit pas.
Pour "coutume" je vous donne raison : j'ai parlé trop vite. Bien sûr que les réseaux lexicaux sont imparfaits, comme en témoigne "coutume". Mais ma position, ce n'est pas de rationaliser la langue à la perfection mais de tirer profit de ce qu'elle offre de rationnel. Faut-il supprimer des usages et des réseaux lexicaux qui existent au motif que tous les réseaux ne sont pas parfaits ? Il serait rationnel d'écrire "moûtarde" (mustard) mais l'usage qui s'est imposé ("moutarde") n'a aucune raison d'être remis en cause.
On pourrait décliner avec les rythmes scolaires, par exemple : la position de Delphine Guichard est exactement la même.Beniamino Massimo dit:
Là encore, je trouve que vous lui faites dire ce qu'elle ne dit pas : ce n'est pas parce qu'elle utilise le mot changement qu'elle recourt à l'argument du changement pour le changement, même si vous la soupçonnez (peut-être à raison, je n'en sais rien) d'être une moderniste partisane de l'innovation pour l'innovation.Loys dit: L'argument du "changement" laisse pantois : l'innovation pour l'innovation, en somme
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- Beniamino Massimo
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Personnellement, je n'accuse pas l'Académie d'avoir imposé des graphies arbitraires — s'il y a un système cohérent derrière l'attirail de lettres étymologiques, pourquoi pas ; j'aimerais simplement que, là où c'est possible, on suive jusqu'au bout ces mêmes principes étymologiques et qu'on évite la poudre aux yeux, merci bien (« Oh oui mais nénuphar, c'est tellement plus beau avec ph » : bon, d'accord...). Dans le domaine des lettres grecques, le ph tiré du phi grec est précisément le point sur lequel on peut se permettre d'ajuster le tir (comme je l'ai déjà écrit, on frise l'univocité). Je trouve plus beau de calquer l'orthographe sur les avancées en matière d'étymologie que de s'en tenir ad vitam æternam à une graphie faussement savante, alors que, comme vous le dites vous-même, c'est un mot qu'on écrit très rarement... Pourquoi se faire du mal ? À trop vouloir jouer les malins, on sabote le système même qu'on défend. Je me sens moi-même assez puriste, mais il y a des limites. Pardonnez-moi de revenir à la charge avec cette pauvre plante, mais Finkielkraut l'a fait il y a quelques jours sur France Culture, et je continue donc à répondre. Pour oignon, l'usage (je ne l'ignore pas) fait que le problème est plus délicat, sans doute.Loys dit: Avec un peu de retard.
Bien sûr que l'Académie (dont je ne suis par ailleurs pas le représentant ou le défenseur attitré) a pu, au cours de son histoire, aller contre l'usage, et de manière autoritaire, ne serait-ce qu'en imposant une graphie parmi des graphies alternatives (peu de rectifications actuelles correspondent à cette nécessité : "évènement"). Mais ses principes ont bien changé depuis son origine et elle est aujourd'hui beaucoup plus mesurée et prudente ("conservatrice", diront certains), à tel point que les rôles se sont - pour ainsi dire - inversés : ceux qui l'accusent d'avoir créé et imposé des graphies arbitraires (en respectant les principes de l'étymologie par exemple) veulent aujourd'hui prendre sa place (en justifiant nénufar par l'étymologie par exemple) !
Nous sommes d'accord.Loys dit: Dans le même esprit, je m'étais amusé à étudier les erreurs de graphie dans les deux premières versions des nouveaux programmes. Malgré tous les efforts des rédacteurs, elles se comptaient encore par centaines. Si ce n'est pas la preuve d'un idéologie contre les usages !
J'ai bien compris le problème que pose ces monstres. Ce que je veux dire, c'est qu'une fois le mot étranger assimilé sous l'une de ses formes (singulière ou plurielle) dans sa graphie et dans sa prononciation, il est comme « mis dans une capsule » et subit un traitement à la française : barmans, c'est [« barmane »] + s muet, où [« barmane »] représente la prononciation du singulier, mais une prononciation en quelque sorte fondée sur l'existence d'un hypothétique e muet dans l'esprit des francophones. Mais je suis bien d'accord pour dire que cette solution n'est pas idéale, surtout lorsque l'emprunt est en fait un pseudo-anglicisme...Loys dit:
Pas d'accord. "barman" existe en anglais et c'est bien la prononciation anglaise qui s'impose. Avec "barmans" on crée un monstre grapho-phonologique : une prononciation anglaise mais avec une graphie qui n'existe pas en anglais et qui ajoute un phonème en français. Au moins, "scénarios" se prononce conformément à la prononciation française...Beniamino Massimo dit:
La différence de prononciation est assez dérisoire en comparaison de l'harmonisation générale des pluriels étrangers, d'autant qu'elle ne fait que reproduire une différence qui existe déjà au singulier (un barman vs. un caïman)...Pire : avec "jazzmans", on crée tout simplement deux prononciations pour une même graphie en français (mamans, caïmans, musulmans, romans, ottomans, talismans d'une part, rugbymans, caméramans, gentlemans, barmans d'autre part).
Je ne crois absolument pas que ce défaut ne concerne que les « conservateurs ». En fait, nous sommes fondamentalement d'accord mais nous ne prenons pas le problème par le même bout. Personnellement, je connaissais déjà bien ces modifications et je tenais pour acquise leur relative impopularité (ou absurdité, pour certaines d'entre elles). Dès lors, il m'a semblé plus intéressant de dire « tout n'est pas bon à jeter dans cette révision » et de rappeler qu'il ne s'agissait pas d'un débat entre « je suis ÉTYMOLOGIE » et « je suis MODERNITÉ », plutôt que d'ajouter au dénigrement quasi-général de ces modifications. Les réactions dans les medias et sur les réseaux sociaux n'allaient presque que dans un seul sens: il n'y a pas vraiment eu « deux polémiques »... Vous comprendrez qu'après avoir vu des interventions comme celles de la vidéo suivante, j'ai préféré m'en prendre davantage à la moutonnerie dont j'ai parlé qu'à la révision de 1990 ou à la décision du ministère, d'autres (dont vous-même) ayant déjà fait le travail :Loys dit: Peu de gens se sont penchés sur le rapport de 1990, c'est une certitude. Mais vous auriez tort de croire que ce défaut n'a concerné que les "conservateurs" (Delphine Guichard avec "nénuphar" en est un bon exemple). Fondamentalement, ce ne sont pas les rectifications qui ont posé problème (puisque facultatives), mais leur application autoritaire et pour ainsi dire idéologique. Evidemment, les deux polémiques se sont confondues.
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J'ai bien compris vos statistiques. Je rappelais simplement qu'ognon ne sortait pas de nulle part. Quand un pauvre certifié d'anglais à peine plus âgé que le rapport de 1990 apprend à une agrégée de lettres modernes au bord de la retraite l'existence même du trigramme ign, vous comprenez qu'il y a comme un problème.Loys dit: Pour "ognon", il est vrai que cette graphie a existé : elle a été utilisée, de façon minoritaire, jusqu'au début du XIXe siècle mais n'existe plus qu'à l'état résiduel dans les sources imprimées depuis un siècle : même "onion" est plus courant !
Une question posée sans ironie : avez-vous vérifié que certaines occurrences d'onion ne viennent pas de phrases anglaises ? (je suis tout prêt à croire qu'onion est plus fréquent qu'ognon en français dans vos sources).
Je n'affirme pas grand chose, je ne fais que comparer vos propos avec ceux de gens qui se sont penchés sur la question. Ma remarque ne visait qu'à vous faire détailler ce que vous écrivez ci-dessus.Loys dit: Mais s'agit-il vraiment de rectifications "contre l'usage", comme vous l'affirmez ? Nina Catach se garde bien de préciser que la plupart de ces graphies existaient bel et bien : "diphtongue" et diphthongue" ou bien "rythme" et "rhythme" étaient concurrentes à égalité au début du XIXe siècle. Dès lors le choix de l'Académie semble moins outrancier. De même pour "antropophage" et "anthropophage" : l'Académie a d'ailleurs suivi l'usage majoritaire et l'étymologie et la graphie a été définitivement adoptée. A l'inverse "asyle" , bien que suivant l'étymologie, était d'usage minoritaire : son usage a décliné malgré l'Académie.
On se demande enfin ce que "analyse" ou "anonyme" ont d'outrancier.

Vous faites bien de préciser que Nina Catach n'a eu son mot à dire que dans le manifeste de 1989 : bien que grande spécialiste reconnue de l'orthographe, elle n'a pas participé aux travaux qui ont accouché de la révision de 1990.
J'ai tiqué comme vous sur son affirmation, ne vous inquiétez pas. Vous avez eu raison de vérifier, bien sûr, mais son raccourci ne prouve pas qu'il y ait de quoi défendre la graphie nénuphar.Loys dit:
Vous me faites ce reproche mais vous ne reprochez pas à Delphine Guichard ses affirmations péremptoires et erronées ("Victor Hugo, Monet, Zola... écrivaient nénufar"). J'ai, pour ma part, pris la peine de vérifier...Il est faux de dire que nénuphar s'est toujours écrit avec un f jusqu'en 1935, mais il est assez vain de s'acharner à prouver que Hugo n'a pas toujours écrit nénufar.
Proust et d'autres, ce n'était qu'un exemple... Je suppose que si j'ai d'abord pensé à Proust, c'est parce qu'il représente une caution assez crédible en matière de subtilité linguistique. On peut donner dans l'esthétisme, dans la sophistication stylistique et écrire nénufar, voilà tout.Loys dit:
Pourquoi Proust plutôt que Hugo ou Zola ?Il faut et il suffit que de grands auteurs comme Proust aient employé cette forme pour qu'on puisse se permettre de la favoriser...
N'est-ce pas ce que fait le rapport de 1990 ?Loys dit:
Le bon sens serait d'autoriser les deux usages, au lieu d'imposer un usage minoritaire....quand bien même elle ne serait pas majoritaire, au nom du principe étymologique qui a poussé le français à se doter de cet attirail de ph-. La forme nénufar ne sort pas de nulle part. Un peu de bon sens ne nuit pas.
Il y a une certaine contradiction à répéter que la décision du ministère est « autoritaire », et à déplorer dans le même temps que la révision orthographique instaure « deux états de la langue » par son caractère facultatif.
Oui, vous avez donc interprété ses propos sur l'orthographe à la lumière de ce qu'elle a écrit sur d'autres sujets. Je ne vous le reproche pas, c'est simplement que je ne connaissais pas Delphine Guichard. Comme je me suis retrouvé étiqueté « moderniste » pour avoir osé une timide défense de certaines rectifications, vous comprendrez que je me méfie des amalgames.Loys dit:
On pourrait décliner avec les rythmes scolaires, par exemple : la position de Delphine Guichard est exactement la même.Beniamino Massimo dit:
Là encore, je trouve que vous lui faites dire ce qu'elle ne dit pas : ce n'est pas parce qu'elle utilise le mot changement qu'elle recourt à l'argument du changement pour le changement, même si vous la soupçonnez (peut-être à raison, je n'en sais rien) d'être une moderniste partisane de l'innovation pour l'innovation.Loys dit: L'argument du "changement" laisse pantois : l'innovation pour l'innovation, en somme

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Dans "Le Figaro" du 18/04/16 : "Pour Hélène Carrère d'Encausse, la réforme de l'orthographe ne verra pas le jour"
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- Beniamino Massimo
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Je crois que vous enseignez en région parisienne et vous souhaite donc, depuis ma zone B, de bonnes vacances. À bientôt, je l'espère.
Le Figaro, 19 avril 2016 : Hélène Carrère d'Encausse revient sur ses propos
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Le Larousse junior applique "les nouveaux programmes" mais "conserve l'ancienne orthographe" #ToutChangeRienNeChange
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Aucune personnalité politique n’a fait, autant que Najat Vallaud-Belkacem, les frais de la rumeur. Ses adversaires ont, sur la Toile, déformé les propos comme les intentions, attaqué la personne presque autant que l’action. Si la ministre de l’éducation nationale ne sous-estime pas l’attrait des théories complotistes sur les élèves – un « ennemi intime du savoir et des connaissances auquel il nous faut faire face », soulignait-elle devant un parterre d’élèves et d’enseignants il y a tout juste un an –, elle a choisi, la concernant, d’y répondre par l’humour, la dérision. « Troller ceux qui la trollent », résume-t-on dans son entourage.
« Internet a révélé ces derniers jours un complot contre l’accent circonflexe. Un complot que je prépare depuis mes 13 ans, patiemment », expliquait-elle le 9 février 2016, à l’occasion d’une journée d’étude sur le complotisme organisée au Muséum d’histoire naturelle, à Paris. En guise de « complot », sa supposée réforme de l’orthographe (des rectifications orthographiques remontant à 1990) qui enflammait, alors, les réseaux sociaux. « On ne pourra pas m’accuser de l’avoir décidé dans la précipitation. Nous sommes en 1990, je suis en 5e, et j’ai sans peine réussi à convaincre l’Académie française de me prêter main-forte pour conduire à bien ce projet inavouable ».
Intéressant de constater que la MEN présente cette orthographe comme "facultative" :

Et amusant de voir que les journalistes pensent que l'Académie est aujourd'hui habilitée à réformer l'orthographe, quand celle-ci se donne pour règle de suivre l'usage...
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Pour preuve, @najatvb n'applique pas les "rectifications" orthographiques sur les circonflexes… dans sa propre auto… twitter.com/i/web/status/8…
.@najatvb Pouvoir imposer les rectifications orthographiques aux 855.000 enseignants en France mais pas à son propre éditeur… 🙄
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Début de dissertation laborieux.L’invention de l’écriture représente une avancée technologique majeure ayant révolutionné la pensée humaine.

Une trentaine de phonèmes/graphèmes en finnois plutôt (28 exactement). Et en rappelant que l'anglais offre une complexité bien supérieure avec... plus de 1100 graphèmes pour 40 phonèmes ! Alors "la complexité de l'orthographe française"...En conséquence, cela a effectivement permis de représenter tous les sons mais au prix d’une complexité énorme : plus d’une centaine de possibilités pour coder 36 sons alors qu’une langue comme le finnois en possède seulement une vingtaine.

L'harmonisation est tout ce qu'il y a de plus logique : elle permet de distinguer une unité grammaticale, ici un groupe nominal. Rien d'opaque ou de difficile. Il est utile de distinguer : "un paquet de cigarettes abîmées/abîmé".On se retrouve alors avec des cas comme le suivant où il y a une seule marque de pluriel à l’oral (la différence de prononciation entre le et les) pour cinq à l’écrit: Le_s_ joli_s_ petit_s_ tableau_x_ multicolore_s_. L’orthographe française est donc très peu transparente c’est-à-dire que le passage du français parlé au français écrit est extrêmement complexe et difficile à prévoir à partir de règles.
Parce que c'était l'usage le plus répandu... C'est tout le paradoxe de ceux qui veulent simplifier la langue au nom de son évolution mais en définissant arbitrairement son évolution contre les usages.Pourtant, l’orthographe est une construction issue de choix explicites d’un petit nombre de personnes et non d’une évolution naturelle. L’orthographe, ce n’est pas la langue mais seulement sa codification écrite. En 1835 par exemple, l’Académie française a proposé et obtenu la modification graphique de plusieurs milliers de mots dont la suppression du h ou la substitution de ph par f dans certains mots comme fantaisie, flegme et trône (qui précédemment s’écrivaient phantaisie, phlegme et thrône). Et nénufar n’est devenu « officiellement » nénuphar qu’en 1935.

M. Benzitoun ne songe pas le moins du monde à rappeler que l'orthographe permet d'éclairer les liens grammaticaux, de distinguer les homophones, de garder une trace de l'histoire des mots et d'établir des réseaux lexicaux dans la langue.Bref, les choix d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que ceux d’hier ou de demain, comme le montrent ces deux extraits des « Observations de l’Académie Françoise sur les Remarques de M. de Vaugelas » (1704) qui exhibent les formes recommandées à l’époque : du parti de ceux qui cro_yent__ et ne sont plus employ_ez_. Mais, si cela dépend de choix, pourquoi avoir conservé une orthographe aussi compliquée ?
Ce qui est étonnant, à vrai dire, c'est que cela pose problème en 2017 (beaucoup plus qu'en 1987) mais M. Benzitoun ne s'interroge guère à ce sujet.Les raisons de la complexité
De manière assez étonnante, l’orthographe du XVIIe siècle, élaborée par et pour les lettrés connaissant le latin, n’a pas été repensée à l’époque de la démocratisation de la scolarité en France, période durant laquelle l’école représentait le seul contact avec le français pour des millions d’enfants. On a donc conservé des conventions fort complexes et depuis 1835 aucun changement notable n’est intervenu.

Parce qu'aujourd'hui ils sont plus incapables qu'hier.Cette situation a pour conséquence qu’aujourd’hui l’orthographe pose des problèmes dans l’apprentissage de l’écriture et de la lecture, avec un nombre élevé d’enfants dyslexiques ou dysorthographiques et d’adultes en situation d’illettrisme.

Pour supprimer l'échec scolaire, supprimer la difficulté : il fallait y penser !De plus, le français écrit est central dans la scolarité. C’est lui qui donne accès aux autres matières. Il est donc la cause d’une part importante de l’échec scolaire.

Dans les examens, plus vraiment : c'est d'ailleurs sans doute une des causes de la dégradation constatée entre 1987 et 2015. Meme à L'ENA l'orthographe n'est plus prise en compte !Par ailleurs, l’orthographe sert d’outil de sélection dans le cadre d’examens, de concours, de recrutements professionnels voire même de rencontres amoureuses.
Contresens complotiste : pour fixer l'orthographe, en choisir une plutôt qu'une autre (ou plutôt que bien d'autres)...Or, l’aspect discriminant n’est pas, comme on pourrait le penser, un dommage collatéral. C’est au contraire une conséquence tout à fait voulue, comme l’atteste la célèbre citation de Mézeray (1673), membre de l’Académie française:
«[L’Académie] déclare qu’elle désire suivre l’ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes.»

La langue est le fruit d'un complot de l'Académie : les Illuminati de la Coupole. Mais alors, qui sont les ténébreux responsables de la monstrueuse langue anglaise, qui ont réussi à l'imposer à l'ensemble de la planète ?Tout ceci explique pourquoi, quand on écrit en français, on a l’impression que celui-ci a été truffé de pièges, de formes les plus éloignées que possible d’une écriture à base de règles intuitives, à l’image de sonneur qui prend deux n et sonore qui n’en prend qu’un.
Toujours pas d'interrogation à ce sujet ?Cette situation oblige à consacrer un temps considérable à l’enseignement de l’orthographe du français, au détriment des autres matières et des autres compétences langagières (savoir structurer un texte, présenter de manière claire et ordonnée une argumentation). Et cela pour un résultat somme toute assez modeste et qui empire dans le temps.
Elle n'est pas beaucoup plus transparente, elle est transparente. Ce serait tellement plus simple si les petits Français apprenaient le finnois !Par comparaison, les petits Finlandais obtiennent des résultats meilleurs que les Français en lecture pour un temps d’enseignement de l’orthographe nettement plus faible, le finnois étant une langue beaucoup plus transparente que le français.

A noter que M. Benzitoun ne s'insurge pas contre la baisse des horaires en français, les méthodes d'enseignement constructivistes, contre l'enseignement de l'anglais en primaire : sa cible est l'orthographe française, coupable de tous les maux.
Une langue évolue naturellement : ce que souhaite M. Benzitoun est tout sauf une évolution. Il veut un élagage brutal et arbitraire.L’orthographe n’est pas intouchable et elle n’a pas atteint une sorte de perfection indépassable, ce qui n’aurait aucun sens. Heureusement, le français n’est pas une langue morte et continue d’évoluer.
Il ne tient évidemment pas compte du fait que la plupart des grandes œuvres de la littérature ont été composées dans une orthographe très proche de la nôtre, ce qui contribue à expliquer l'admirable permanence de la langue française depuis plusieurs siècles : les changements qu'il évoque ont été tout à fait mineurs...
Argument ridicule quand on constate que la langue dont l'orthographe est une des plus complexes - l'anglais - s'est imposées partout dans le monde...Il est donc important de lancer un grand débat sur le rôle que la société souhaite assigner à l’orthographe (outil de sélection ou moyen d’accès facilité vers l’écrit). Cela conditionnera notre capacité à améliorer l’apprentissage des élèves et à amplifier la diffusion du français à l’étranger.
Peut-être que la question du temps est à poser en effet...Le perfectionnement des méthodes d’enseignement seul ne permettra pas d’avancées significatives. Le temps consacré à l’orthographe, aussi important soit-il, est insuffisant et le restera si l’on continue à enseigner sa forme actuelle.
Il est très souhaitable de supprimer l'enseignement de l'anglais en primaire, au contraire.Sauf à diminuer le temps dévolu aux autres matières, ce qui n’est pas souhaitable.
A ce compte il faudrait simplifier aussi les mathématiques...Il faut donc une réflexion sur les conventions orthographiques elles-mêmes, dont la complexité doit être étudiée avec toute la rigueur nécessaire.
Pour qu’une grande langue comme le français puisse apporter toutes ses richesses au plus grand nombre, pour que l’apprentissage de ces formidables outils que sont la lecture et l’écriture ne soit plus synonyme de supplice...
La conception de M. Benzitoun est très condescendante, voire méprisante pour tous ceux qu'ils n'estiment pas capables d'apprendre la langue française....il est urgent que la société s’empare de ce sujet, sans se laisser aveugler par une conception élitiste de la langue.

D'où ce très logique renoncement.Il en va de notre capacité à partager ce bien commun que représente l’écrit, d’autant plus dans le monde contemporain où nous n’avons jamais autant eu besoin de savoir lire et d’écrire.
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tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/onpc-naja...7-a674-5c9ba05fdcbf/
www.lepoint.fr/medias/fake-news-najat-va...2017-2129129_260.php
www.leparisien.fr/people/video-onpc-la-c...-05-2017-6969009.php
www.marianne.net/politique/video-moment-...e-news-najat-vallaud
francetvinfo.fr/politique/ps/najat-valla...elkacem_2200902.html
lelab.europe1.fr/video-najat-vallaud-bel...es-fake-news-3336845
tempsreel.nouvelobs.com/en-direct/a-chau...sociaux-apres-m.html
www.liberation.fr/france/2017/05/21/vall...es-fake-news_1571110
www.liberation.fr/desintox/2017/05/21/le...t-pas-couche_1571120
www.lemonde.fr/actualite-medias/article/...em_5131376_3236.html
Et mon billet à contre-courant : www.marianne.net/debattons/blogs/lutte-d...en-impose-la-reforme
Oui, le ministère de l'Éducation nationale a bien imposé la réforme de l'orthographe
Publié le 21/05/2017 à 12:15
Quand Najat Vallaud-Belkacem n'assume pas la réforme de l'orthographe imposée par ses propres programmes scolaires
Au cours de l'émission "On n'est pas couché" (ONPC) du 20 mai 2017, l'ex-ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, interrogée sur la réforme de l'orthographe dans les nouveaux programmes, l'a assuré : "Je n'ai jamais mené de réforme de l'orthographe : c'est une fake news !"
Bien sûr, le Ministère de l'Éducation nationale n'est pas l'auteur des rectifications orthographiques proposées par l'Académie française en 1990, rectifications qui ne sont, pour la plupart d'ailleurs, jamais entrées dans le mœurs depuis un quart de siècle : dans son autobiographie parue récemment, l'ex-ministre de l’Éducation nationale ne les applique pas elle-même !
Mais ce qui importe pour les élèves, c'est bien l'application soudaine de ces rectifications dans leur classe ou dans leurs manuels en 2016.
En 2008, sous un ministère de droite donc, les nouveaux programmes faisaient de l'orthographe révisée "la référence" en primaire et demandaient aux professeurs, pour l’enseignement de la langue française, d'en tenir compte (seulement). Mais, de fait, les programmes eux-mêmes ne respectaient pas les rectifications de 1990 : on y trouve 238 fois le mot "maître" (et apparentés) avec l'accent circonflexe qui devait pourtant disparaître ! Et, de fait encore, les éditeurs scolaires n'ont pas appliqué ces rectifications.
Mais en 2016 et pour la première fois, les rectifications orthographiques sont appliquées par les programmes eux-mêmes et la consigne devient la même en primaire et au collège ("L'enseignement de l'orthographe a pour référence les rectifications orthographiques publiées par le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990"). Ce n'est d'ailleurs pas sans mal : les deux premières versions des programmes ne respectaient pas les rectifications, preuve de leur caractère artificiel, et il a fallu une relecture attentive de la troisième et dernière version des programmes pour qu'elles soient enfin appliquées.
Mais le plus important est que les éditeurs scolaires ont, pour la première fois en 2016, reçu des consignes pour appliquer les rectifications de 1990, comme l'indique l'enquête d'"Arrêt sur image" en 2016 qu'on peut difficilement considérer comme un site de "fake news" :
"Contactée par @si, Elina Cuaz, responsable du département primaire
aux éditions Bordas qui intervient dans le sujet de TF1, explique : "En 2008, on était mal à l'aise car les nouveaux programme préconisaient l'orthographe rectifiée mais les programmes eux-mêmes n'étaient pas rédigés en orthographe rectifiée. Dans les évaluations de CE1 et CM2, les exercices étaient rédigés en orthographe traditionnelle. Donc on pouvait se poser des questions sur les motivations du ministère". Bordas a donc décidé de ne pas appliquer la réforme en 2008, contrairement aux éditions Hâtier qui l'ont appliqué pour le primaire, mais pas pour le collège ("car il n'était pas logique de mettre des explications en orthographe rectifiée pour commenter des textes classiques écrits en orthographe traditionnelle", nous dit-on chez Hâtier). Pourquoi Bordas et Nathan ont-ils changé d'avis en 2016 ? "Dans les nouveaux programmes applicables en 2016, il est recommandé d'enseigner l'orthographe rectifiée en primaire et en collège, nous explique Elina Cuaz. Et les programmes, ainsi que les documents émanant du ministère ont été écrits en orthographe rectifiée. On s'est donc dit qu'il y avait cette fois-ci, une cohérence". Un simple choix d'éditeur donc ? Pas tout à fait. Car l'application de la réforme de 1990 serait une demande expresse du Conseil supérieur des programmes. "En juin/juillet, les groupes d'experts du CSP nous ont sensibilisé sur le sujet", précise Cuaz."
L'Académie française a bien proposé, en 1990, d'écrire au choix "goût" ou "gout" (en laissant l'usage trancher). Mais c'est bien le ministère de l'Éducation nationale qui, en adoptant les programmes du Conseil supérieur des programmes (malgré leur rejet par le Conseil supérieur de l'Éducation en 2015), a imposé, vingt-cinq ans plus tard, l'usage de la seule orthographe "gout" aux enseignants.
De fait, quel intérêt, pour les élèves, de comprendre que "déguster" en français, "gustar" en espagnol, "gusto" en italien ou "disgusting" en anglais sont liées à la même racine latine "gustus", dont notre petit circonflexe sur "goût" garde la jolie et fragile mémoire ?
@loysbonod
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@samuellaurent Mais c'est bien la main invisible du ministère ! arretsurimages.net/chroniques/201…
Sur "Arrêt sur images" du 22/05/17 : www.arretsurimages.net/contenu.php?id=9881
A dérouler également :
Non, @Marie_Peltier : le mépris, c'est refuser la pensée complexe sur une question complexe et bloquer le moindre c… twitter.com/i/web/status/8…
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Extraits éloquents :
S'affranchir de l'orthographe, c'est sortir du domaine de la "loi", c'est une transgression, un espace de création" (Aurore Vincenti, linguiste
Heureusement les enfants refusent de plus en plus les règles qu'ils ne comprennent pas. "C'est tout le paradoxe de l'éducation : on veut que les élèves aient l'esprit critique mais on se plaint qu'ils ne soient plus dociles dans leur apprentissage." Entre les anglicismes, le langage Web et l'écriture inclusive, pourquoi ne pas se réjouir de la vivacité de la langue et de l'orthographe ? "L'écriture est un lieu où les gens font preuve de liberté, conclut Arnaud hoedt. Cela rappelle que l'orthographe est un outil qui peut être modifié en fonction d'objectifs personnels, politiques ou collectifs. On peut s'en emparer sans demander la permission." Car, à la fin, c'est toujours l'usage qui gagne. Bah ouais.
Et un autre article qui mêle confusément lecture et écriture : www.20minutes.fr/societe/2535779-2019060...ier-langue-francaise
Le lien entre simplification de la langue et fin de l'illettrisme laisse pantois...
Dans certains pays, la langue est transparente phonétiquement, comme en Finlande. A noter que la linguiste ne déplore pas l'enseignement d'une langue encore moins régulière du point de vue morpho-phonologique dès le primaire : l'anglais.Dans certains pays, l’apprentissage de la lecture ne commence que vers 7-8 ans. », poursuit la chercheuse, rejoint par Maria Candea.
Experte qui confond donc lecture et écriture : quel rapport logique entre "l’envie de lire" et "le souci absolu d’éviter les fautes ou la maîtrise parfaite de l’orthographe ou de l’exception grammaticale" ?« Il faudrait davantage orienter les programmes vers la lecture plaisir, transmettre l’envie de lire plus que le souci absolu d’éviter les fautes ou la maîtrise parfaite de l’orthographe ou de l’exception grammaticale. Et augmenter le nombre de dictées n’y changera rien », assure l’experte.

Il est intéressant de noter qu'aucun de ces experts ne s'interroge sur la dégradation des compétences de lecture depuis 1987 par exemple et sur la conclusion qu'il faut en tirer : que la langue est tout sauf responsable des difficultés de lecture. "Simplifier la langue française" est une solution à contre-sens. Les enseignants savent d'expérience que les fautes les plus graves constatées ne sont pas que d'orthographe lexicale...
Ces "règles de conversion" sont inchangées depuis plus d'un siècle, sauf à la marge : pourquoi leur complexité pose-telle problème plus aujourd'hui qu'il y a trente ans ? D'ailleurs, à de nombreux points de vue, l'écrit offre précisément plus de clarté que l'oral (les homophones par exemple, mais également les accords).Exit les dictées, exit l’apprentissage à tout prix. Car malgré les efforts de l’Education nationale, resteront les mots de la langue de Molière qui, selon Fanny Meunier, n’est pas la plus simple à restituer sur papier ou clavier. « Le français est une langue à l’orthographe non-transparente, c’est-à-dire qu’il ne s’écrit pas forcément comme il se prononce. C’est donc une langue complexe à pratiquer, contrairement à l’espagnol ou à l’italien. Surtout, les règles de conversion entre l’oral et l’écrit ne sont pas régulières, ce qui complexifie encore la lecture », abonde Saveria Colonna, maîtresse de conférences en sciences du langage à l’université de Paris 8.
Pour le reste, "Exit les dictées, exit l’apprentissage à tout prix" (sic), voilà comment s'explique en partie la dégradation des compétences des élèves sur la même période. On pourrait d'ailleurs faire les mêmes observations en mathématiques.
Mais Mme Candea ne donne aucun exemple concret de ces "difficultés artificielles" et de ce "décalage total"...Maria Candea assure que les difficultés ont augmenté au fur et à mesure que l’écart entre le français écrit et parlé s’est creusé. Pendant que l’écrit est resté figé, l’oral, lui, a évolué, ce qui rendrait aujourd’hui plus complexe encore la compréhension d’une écriture presque… anachronique. « On a une bonne centaine d’années de retard sur les réformes de la langue pour mettre l’écrit à jour de l’oral, avance la sociolinguiste. Il faudrait enlever les difficultés artificielles et éliminer les exceptions orthographiques en total décalage avec la langue parlée car leur apprentissage prend un temps fou que l’on pourrait largement mieux utiliser ailleurs. »

Pour le reste, si l'on suit la langue parlée, "ils" remplacent bien souvent "elles"...
L'exemple d'"oignon" est intéressant, d'abord parce qu'il montre que la rectification proposée n'a été suivie par personne ou presque depuis 1990 et qu'il semble aberrant de l'imposer. Mais surtout parce que ce mot est très secondaire dans les difficultés rencontrées par les élèves : ce sont les limites d'un diagnostic qui n'est pas apposé par des enseignants de terrain du primaire ou du secondaire...
L'utilisation du mot "bouquin" montre bien en quelle estime sont tenus les efforts des enseignants de terrain...Restera alors à combattre, selon l’experte, cette ancrage de la lecture dans un prisme uniquement scolaire : « Il faut faire de la lecture une activité de réussite. Les progrès sont réels quand la lecture est pratiquée. Et avec les nouvelles technologies, il est tout à fait possible d’imaginer des applications permettant de lire dix minutes par jour pour s’améliorer plutôt que de forcer quelqu’un à lire trois heures un bouquin qu’il ne finira jamais.
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Arnaud Hoedt, comédien, ancien professeur de français
Jérôme Piron, comédien, médiateur culturel, ancien professeur de religion catholique
L'étymologie a bon dos
Samedi 13 juillet 2019
Où l'on découvre, grâce à Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, qu'il est absurde d’imaginer que l'orthographe du français est parfaite, et que l'étymologie, cette science de l'origine des mots, est elle aussi un mythe !
Bonjour à toustes !
Bien campée sur les lois de la phonétique historique et sur l’évolution sémantique des termes, voici l'étymologie dans toute sa splendeur ! Une science qui assène des vérités souvent figées, surtout en orthographe, là où chacun cherche le mode d'emploi d'un outil de communication partagé.
Dans cette chronique, nous découvrirons que le sens d’un mot n’est pas dans le mot lui-même, mais dans l’utilisation qu’on en fait, que les mots n’ont pas un seul sens, et pour finir, qu'en linguistique, quand tout le monde a tort, tout le monde a raison !
il s'agit tout simplement de l’usage !
Beaucoup d'erreurs factuelles dans cette courte chronique se voulant iconoclaste, mais la plus grave et la plus atterrante est celle qui dénie à l'étymologie de se constituer en science ("Aujourd'hui on voulait vous parler d'un grand mythe qui passionne tous les francophones : l'étymologie."). De fait, si la science étymologique "est un mythe", quel intérêt alors de vouloir rectifier l'étymologie de tel ou tel mot ?
En parlant de "mythe", @ArnaudHoedt et @jerome_piron, permettez-moi quelques remarques sacrilèges, à propos de votr… twitter.com/i/web/status/1…
On a longtemps cru : - à la la théorie des humeurs : la médecine "est un mythe" - à la chute plus rapide des poids… twitter.com/i/web/status/1…
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La grammaire, cauchemar de générations entières ?
La grammaire, cauchemar de générations entières ? © Getty / Isabelle Solano
Historiquement, c'est le dix-neuvième siècle qui voit la sacralisation de l'orthographe.
Dans son ouvrage remarquable, Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français, le linguiste André Chervel retrace l’histoire de la grammaire scolaire du début du dix-neuvième siècle à nos jours et éclaire certains aspects de notre rapport conflictuel à la langue française.
André Chervel, chercheur en histoire au sein du Service d'Histoire de l'Éducation, s'exprime ainsi :
La grammaire scolaire utilise des méthodes terroristes pour faire taire toute forme de réflexion grammaticale critique au profit d’une prière républicaine fondée sur le par cœur !
Bibliographie
Chervel A. Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français : histoire de la grammaire scolaire. Paris: Payot; 1977. 306 p. (Langages et sociétés).
Wilmet M. Petite histoire de l’orthographe française. Bruxelles, Belgique: Académie royale de Belgique; 2015. 80 p. (L’Académie en poche).
Commentons :
Le ton est donné par une citation sonore décontextualisée : il s'agit du linguiste Alain Bentolila en janvier 2017, à l'occasion de la polémique sur le prédicat dans les nouveaux programmes de collège : pour Alain Bentolila précisément, le prédicat "interdit l'analyse"..."La grammaire et l'orthographe grammaticale portent l'intelligence" "Tu parles, bla bla bla..."
Cette polémique suffit d'ailleurs à montrer que la grammaire scolaire est bien soumise à des réformes, dont le prédicat n'est qu'un exemple...
Petite confusion d'emblée ("on appelle grammaire la langue elle-même") : la "grammaire immanente", telle que la définissent les auteurs de la Grammaire méthodique du français (7e édition 2018) ne désigne pas la langue elle-même, mais ses principes d'organisation...Aujourd'hui on a choisi de vous parler d'un grand mythe fondateur de l'école républicaine : la grammaire scolaire. Alors tout d'abord il faut s'entendre sur les mots : on confond souvent la grammaire et la grammaire. On appelle grammaire la langue elle-même et la description de la langue mais il ne faut pas confondre la carte routière et la route elle-même. Il y a d'une part la grammaire qui désigne les structures, et qui fait qu'on se comprend quand on communique. Et d'autre part la grammaire comme modèle de description de la langue, donc le bouquin, qui tente de décrire ces structures et qui est par définition imparfait.
Bref, la distinction vieille comme le monde entre grammaire descriptive et grammaire prescriptive, avec cette idée que la norme, c'est le mal...Parmi ces bouquins il en existe deux sortes. D'une part les grammaires des linguistes qui décrivent par l'observation objective et qui proposent régulièrement de nouveaux modèles pour s'adapter aux évolutions de la langue. Et d'autre part la grammaire scolaire ou normative, celle que vous connaissez ou plutôt que vous aimeriez connaître et qui décrit la langue non pas telle qu'est mais telle que l'école la conçoit, celle qu'on interroge lorsqu'on se demande "Est-ce que j'ai le droit ? Est-ce que c'est correct ? Est-ce que c'est français ?" Est-ce que c'est français...
Les grammaires scolaires sont descriptives : il s'agit bien de faire comprendre la langue aux élèves, même si la description est simplifiée (les grammaires scientifiques, au delà des controverses entre linguistes, présentent une complexité qui n'a pas sa place à l'école). Pour le reste, cette compréhension n'exclut pas une volonté prescriptive (pour partie du moins car une grande partie du travail en grammaire n'a aucun rapport avec des "règles"), en référence à une norme sociale que les enseignants présentent comme telle : par exemple, savoir utiliser "dont" plutôt que "que" dans une relative est bien dans l'intérêt des élèves, à l'écrit comme à l'oral.
Et ces outils changent sans cesse dans les programmes scolaires : on a parlé de l'absurde "prédicat" plus haut, mais on pourrait parler des "compléments de phrase", des "propositions complétives", des "déterminants"...Or cette grammaire scolaire n'est qu'un modèle de description de la langue. Changer ce modèle, ce n'est pas changer la langue, c'est changer les outils qui permettent de la décrire.
Cette affirmation est fausse pour deux raisons : le modèle de description scolaire a - évidemment - beaucoup évolué depuis deux siècles (les étudiants préparant les concours de l'enseignement en lettres le savent bien puisqu'on leur demande de connaître les derniers états de la recherche linguistique) et la grammaire immanente de la langue française a, au contraire, peu évolué depuis le début du XIXe siècle. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron se gardent d'ailleurs de donner le moindre exemple d'une évolution de "la logique intrinsèque de la langue"...Et le modèle de description que nous utilisons à l'école aujourd'hui date du début du XIXe siècle, c'est-à-dire avant l'invention de la la linguistique elle-même.Il ne correspond pas à la logique intrinsèque de la langue. En gros, la carte ne correspond plus au territoire.
Cette thèse volontairement polémique - quelque peu datée d'ailleurs puisque exhumée de 1977 - est évidemment excessive ("n'est que") donc ridicule par elle-même. La grammaire est évidemment au service de l'expression écrite mais aussi orale (le "dont" précédent), en référence à une norme qui dépasse l'école, mais la grammaire telle qu'elle est enseignée vise tout autant à la compréhension de la langue et des textes (le choix d'un temps, le sens d'un pronom indéfini, la distinction entre relatives explicatives et déterminatives...), évidemment dans une mesure qui est celle de l'école. Les élèves, même au lycée, ne sont pas des chercheurs en linguistique. Il est d'ailleurs amusant que la citation d'un linguiste en début de chronique fasse référence à l'enseignement du prédicat, une tentative de simplification de la grammaire allant à l'encontre de la compréhension de la langue (la distinction entre attribut et complément du verbe par exemple)...Et c'est ici que les recherches d'André Chervel peuvent bouleverser en profondeur notre rapport à la langue. Dans un livre incontournable qui s'intitule Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français, André Chervel retrace l'histoire de la grammaire scolaire du début du XIXe siècle à nos jours et démontre à quel point cette grammaire n'est en réalité qu'un manuel d'orthographe.
Mais - on le voit bien - la portée prescriptive (caricaturée en seule "orthographe") est méprisable en elle-même.
La grammaire a préexisté à la grammaire scolaire : il suffit de lire l'ouvrage d'André Chervel pour le savoir...En un mot, c'est l'école qui a inventé la grammaire pour enseigner l'orthographe, pas pour comprendre la langue.
Pour le reste, il est évident que les enseignants s'efforcent tous les jours de faire en sorte que leurs élèves ne comprennent pas la langue... Quel dommage pour les élèves qu'Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ne soient pas restés des enseignants et soient devenus de brillants chroniqueurs radio !
Comme si les deux concepts s'opposaient... En réalité, il est aussi absurde vouloir faire apprendre sans faire comprendre que faire comprendre sans faire apprendre...Il ne s'agit pas de comprendre, mais d'apprendre.
L'étiquette "complément d'objet direct" est toujours la référence en vigueur dans la dernière édition de la Grammaire méthodique du français : on voit mal en quoi elle serait "mal pensée"...Alors on me au point une batterie d'étiquettes mal pensées, entièrement dédiées à la graphie. Le complément d'objet direct, par exemple, on ne l'utilise que pour faire ce fameux accord du participe passé avec avoir, ça ne sert qu'à ça.
Par ailleurs, l'accord du participe passé est très secondaire dans l'identification du complément d'objet direct : celle-ci permet par exemple de distinguer un complément du verbe et un attribut du sujet ou bien encore, de comprendre la flexion des pronoms (pourquoi "il" devient "le"). Ce dernier point permet d'ailleurs d'entrer dans d'autres langues subissant les mêmes flexions, y compris l'anglais.
Au delà de la caricature brutale de M. Chervel (ici euphémisée : il n'est pas fait mention des "méthodes terroristes" des enseignants), les élèves ne sont pas évidemment des scientifiques à qui il conviendrait de décrire la langue dans toute sa complexité puisque les linguistes eux-mêmes n'y parviennent qu'imparfaitement : les élèves n'apprennent en effet de la grammaire que ce qui peut être utile (pour l'expression autant que pour la compréhension des textes qu'ils abordent). Le temps de l'enseignement est compté, et à vrai dire bien réduit en français depuis 1977 ...Et le jugement d'André Chervel est sans appel : "La grammaire scolaire fait taire toute forme de réflexion grammaticale critique au profit d'une prière républicaine fondée sur le par-cœur." Marc Wilmet, le spécialiste mondial du participe passé [...] n'est pas plus tendre : "Le jacobinisme centralisateur assigne à cette entreprise utilitariste la mission d'inculquer l'orthographe. La grammaire cesse d'être une science".
On retrouve ici une déclinaison de la pensée constructiviste opposant l'activité de l'enfant-chercheur avec sa caricature : l'élève ânonnant sans comprendre. Les modes pédagogiques constructivistes (refus de l'apprentissage systématique et de la répétition, interdisciplinarité de la langue, observation réfléchie de la langue, dictée négociée etc.) ont précisément fait beaucoup de ravages dans la maîtrise de la langue. Les effets sont d'ailleurs documentés scientifiquement .
De quelles exceptions - si nombreuses - parle-t-on ici dans l'enseignement de la grammaire ? On voudrait bien le savoir.C'est vrai qu'on imagine mal Albert Einstein en chaire universitaire qui affirme "E=MC2 sauf..." Et Bam ! Vingt pages d'exceptions.
Curieuse analogie par ailleurs... D'abord parce que les grammaires descriptives, si elles n'emploient pas le terme "exceptions", montrent précisément la langue dans un infinie complexité qui n'a pas sa place à l'école. Mais surtout parce que précisément - et de façon contradictoire - l'analogie scientifique suppose la simplicité de la langue, réduite à une expression simple et mathématique. La langue n'est pas simple, elle est parfois illogique. C'est en réalité trahir, de la part des auteurs, leur volonté de simplifier la langue, déjà rencontrée à l'occasion d'une chronique précédente (décrivant l'étymologie comme un "mythe" également cf supra).
Au demeurant, la théorie de la relativité restreinte est assez complexe et n'est pas enseignée dans le secondaire : faut-il aussi la simplifier ?
Dommage que MM. Hoedt et Piron ne donnent pas des exemples concrets de cet "illogisme" : la grammaire scolaire est plutôt fonctionnelle... dans son propre intérêt. L'accusation d'"inefficacité" contredit par ailleurs quelque peu l'accusation d'utilitarisme...Franchement, tous les jours, aux quatre coins de France, des élèves, des parents d'élèves ou même des enseignants sont confrontés à l'illogisme et à l'inefficacité des étiquettes de la grammaire scolaire mais ils se disent que c'est peut-être eux qui sont trop bêtes pour les comprendre.
Le mépris du travail quotidien des enseignants en une seule phrase, sur le service public...La grammaire scolaire est une insulte à l'intelligence de nos enfants. [Et re-Bam !]
Quel rapport ?Et du coup, aujourd'hui, quand tous les linguistes défendent un nouveau modèle d'accord du participe passé, par exemple, des gens se plaignent en disant : "Mais alors on ne saura plus ce que c'est un complément d'objet direct !"
On voit bien, en tout cas, qu'il ne s'agit plus ici de décrire la langue de façon scientifique : nos deux chroniqueurs se font ici prescripteurs, à l'instar de la grammaire scolaire qu'ils fustigent tant : les deux cartographes se voulant scientifiques deviennent paysagistes-élagueurs. Et - ultime paradoxe qui ne manque pas de sel - réclamant une simplification qui - il ne faut pas en douter - ne serait pas une remise en cause de l'intelligence de nos élèves !
Dans cette analogie, plus aucun rapport avec la grammaire, puisqu'il s'agit d'orthographe lexicale, qu'il faut également et évidemment simplifier par respect de "l'intelligence de nos enfants"... A croire qu'expliquer l'orthographe des lettres muettes par leur étymologie ne ferait pas appel à leur intelligence ! La simplification proposée ici est d'ailleurs d'une grande naïveté (les lettres qu'on n'entend pas) puisque ce qu'on n'entend pas, on peut précisément le voir à l'écrit : écrire "c'est" au lieu de "ses" par exemple...Ce genre de réflexion me rappelle une petite histoire : une maîtresse proposait aux enfants de mettre des points sous les consonnes muettes pour les identifier. Comme dans le mot "poids", un point sous le "d", un point sous le "s". Un jour une petite fille lève la main et demande : "Madame, pourquoi on les écrit si on les entend pas ?" Et le petit garçon à côté qui lui répond : "Ben parce que, si on les écrit pas, on ne saura plus ou mettre les points".
L'étymologie est une insulte à l'intelligence, la grammaire scolaire est une insulte à l'intelligence, l'orthographe non simplifiée est une insulte à l'intelligence, et même l'orthographe elle-même (sic) : à croire que pour nos deux chroniqueurs iconoclastes la langue elle-même est une insulte à l'intelligence. En tout cas, les voilà qui s'évertuent - avec bien d'autres - à la déconstruction et au mépris de l'école avec une constance qui force l'admiration !
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Avec la grammaire scolaire, donc... Décidément, l'école insulte beaucoup l'intelligence.«L'orthographe est une insulte à l'intelligence»
A défaut de l'ouvrir (la porte).Un spectacle hilarant sur des dogmes linguistiques qui pousse la porte à un débat passionnant.

Le malentendu serait surtout de construire cette représentation naïve d'une orthographe "sacrée"...Véritable passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, l'orthographe de la langue française est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s’agit peut-être que d’un énorme malentendu.
La langue est ce qu'elle est...Dans leur spectacle «La convivialité», ce vendredi soir pour une dernière représentation au Kinneksbond à Mamer, Jérôme Piron et Arnaud Hoedt, des anciens professeurs de français, portent un regard critique, rafraîchissant et décomplexant sur l'orthographe, ce dogme intime et lié à l'enfance.
Deux professeurs belges qui critiquent la langue française – mais qu'est-ce qui vous a pris?
Quel rapport avec les difficultés orthographiques, et avec l'orthographe tout court ?Notre objectif est de distinguer la langue de l’orthographe – tout ce qui fait partie de la conjugaison, de la syntaxe, du vocabulaire, cela fait partie de la langue. Nous ne voulons dans aucun cas critiquer l’évolution de la langue. Elle évolue, il y a des choses qu'on n'écrit plus, qu'on ne dit plus, comme la marque de négation «ne» qui disparaît surtout à l'oral.

Venue du langage enfantin, cette disparition de la négation (affaiblissement en réalité puisque la "disparition" n'est que partielle à l'oral) n'est de toute façon propre qu'aux registres familiers et parfois courant et - à vrai dire - elle est très ancienne. Mais même dans ces registres, la négation s'emploie toujours (avec un sujet lexical ou dans certaines tournures d'insistance par exemple) et elle s'emploie toujours systématiquement dans le registre soutenu (entendrait-on un discours "Les Français veulent pas que..." ?).
Dans un souci de description de la langue, l'enseignement de la grammaire ou du lexique distingue toujours les registres : faudrait-il qu'il renonce à enseigner le registre soutenu, à plus forte raison à l'écrit, que d'ailleurs les deux comédiens ne se privent pas d'utiliser. Dans cet entretien, ils ne disent pas "Nous voulons dans aucun cas cas critiquer l'évolution de la langue"...
Les élèves comprennent facilement que "reum" et "mère" ne s'emploient pas dans le même contexte. A croire, les deux comédiens l'école ne devrait plus enseigner que "reum"...
Renvoyer à la subjectivité, c'est nier l'existence de différents registres selon les situations d'énonciation. Curieuse position linguistique...Cela fait pourtant mal à l'oreille d'entendre «j’aime pas» au lieu de «je n’aime pas».
Ah, c’est vous qui dites ça. Cela relève du subjectif.
Quel rapport avec les registres de langue ?La femelle d’un crapaud est une crapaude. Est-ce que cela ne fait pas plus mal à l'oreille?

Le "ne " n'est pas "devenu superflu". D'abord parce que son affaiblissement à l'oral est très ancien (le jeune Louis XIII déjà omettait très souvent le "ne" à l'oral au début du XVIIe siècle cf le corpus Héroard). Ensuite parce qu'il s'emploie encore dans de nombreux cas, même dans les registres familiers ou courants...En français on met le «ne» parce qu’au Moyen Âge on avait une unité de mesure qui suivait tout ce qu’on niait. On disait «je ne marche pas», «je ne mange mie», «je ne cous point», «je ne bois goutte», «je ne bataille guère». Sans la marque négative «ne», toutes ces exclamations ne seraient pas des négations. Depuis, le «ne» est devenu superflu. On comprend la négation, on a gardé le «pas» qui prend en charge la négation, mais on pourrait se débarrasser facilement du «ne».
Que signifierait ici l'évolution ? Autoriser, voire contraindre les élèves à ne pas utiliser "ne" dans leurs écrits ?Dans le cas du «ne», la langue pourrait donc selon vous évoluer. Pourquoi elle ne le fait pas?
C'est souvent le cas... dans le registre enfantin ou familier. L'école a pour but de porter une autre exigence, exigeant des réponses sous forme de phrases par exemple au lieu d'un mot jeté sur le papier...Parce qu'elle est sacrée. Pour certains l'oubli du «ne» relève de la paresse, d'autres parlent de perdition. Mais voyons, c’est de l’économie: on va au plus rapide.
Ce sont donc également les terminaisons verbales qu'il faudrait "simplifier".Autre chose: Au départ, la deuxième personne du singulier n'existait pas. Pour «tu aimes» on disait il y a mille ans «amas», proche du latin et donc sans le pronom «tu». Depuis ça a donné «aimes», toujours avec «s». La deuxième personne du singulier, le pronom «tu», s’est peu à peu mise en place, pourtant on a gardé «tu aimes» avec «s», une lettre en somme superflue.

A ce compte, puisque "ai", "es" se prononcent comme "es", pourquoi des graphies superflues ?
Parce qu'en français le s dans le graphème st se prononce (seul exception "est") ?Par contre, les accents circonflexes font l'inverse en marquant des «s» qui ont disparu de l’écrit...
Attention: certains «s», pas tous. Pourquoi n’a-t-on pas laissé ces «s» dans «fenêtre», «hôtel», «hôpital»?
Ce s est final : aucun rapport donc. La terminaison des mots masculins de la seconde déclinaison ne gardent jamais le s du nominatif puisque le français se forme à partir de l'accusatif...On a laissé le «g» dans doigt (vient du latin «digitus»), alors on aurait pu garder aussi les «s».
La circonflexe est apparu au XVIe siècle.Au Moyen Âge on écrivait cet «s» rapidement, il manquait peut-être de l'espace dans la ligne et donc peu à peu les moines copistes l’ont fait glisser vers le haut de la lettre précédente du mot – en créant l'accent circonflexe.

Son but : marquer l'amuïssement de la lettre s tout en conservant le réseau lexical du mot (forêt pour forest en lien avec forestier).
Pourquoi "malheureusement" ?Malheureusement cet outil linguistique a été utilisé pour d’autres choses, notamment pour allonger une voyelle, comme dans «dôme».

Cette explication médiévale est totalement fantaisiste. Malgré certaines incohérences, il y a par ailleurs de grandes régularités dans l'utilisation de l'accent circonflexe, qui permettent d'ailleurs d'unifier les réseaux lexicaux dans notre langue. L'expression "chaos généralisé" est donc une grossière caricature : on comprend qu'il faudrait également, après les terminaisons verbales muettes, supprimer les circonflexes.Mais à chaque fois que l'accent circonflexe intervient, l'application de celui-ci se fait sans cohérence. Et puisqu’il y a eu autant de systèmes graphiques que de monastères, cela a donné un chaos généralisé.
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ne sont pas des linguistes : leur manque de compétence est d'ailleurs souvent criant, comme on l'a pu voir...Et comme l’orthographe est réservée depuis plus de 400 ans à des incompétents que l’on appelle les académiciens – mais qui ne sont pas du tout linguistes – on a toujours l’orthographe la plus bête du monde.
Encore une caricature grossière du métier d'enseignant (que pratiquaient les deux comédiens). Les enseignants ont grand plaisir, pourvu qu'ils en aient le temps, d'expliquer l'orthographe des mots et les élèves ont grand plaisir à la découvrir.Aux élèves on dit «cela s’écrit ainsi, ne demande pas la raison, il n'y en a pas». Est-ce que l'orthographe mène au conformisme?
Seule une simplification arbitraire et autoritaire peut mener au "conformisme"...
L'apprentissage comme violence symbolique... Le débat dépasse ici la simple question de l'enseignement du français.Absolument. Si l’élève se pose des questions, il ne saura écrire correctement. L’apprentissage de l’orthographe à l’école est l’apprentissage de la docilité. Notre orthographe est une insulte à l’intelligence des enfants.
Pour écrire correctement, l'élève doit évidemment sans cesse se poser des questions : les accords, par exemple, sollicitent l'intelligence. Le problème est plutôt qu'aujourd'hui les élèves ont tendance à ne plus se poser de questions, confondent être et avoir, n'accordent pas le verbe avec le sujet ou ne cherchent plus à distinguer participe passé, infinitif et imparfait... Les subtilités des accords complexes du participe - le cheval de bataille des deux comédiens - sont bien éloignées de préoccupations beaucoup plus élémentaires des enseignants...
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ont dû être de bien médiocres enseignants pour répondre ainsi à leurs élèves.Lorsque le cerveau de l'enfant se manifeste et met en doute ou demande le pourquoi, on dit: ne cherche pas, c’est comme ça! Donc, on coupe la créativité et l’esprit critique.
Pour le reste, l'injonction à la "créativité" laisse perplexe. On y retrouve le fond constructiviste des deux chroniqueurs : la langue est à inventer comme le reste !
Le constructivisme est souvent démagogique.L’enfant qui dit, ce n’est pas cohérent, a tout à fait raison – il est intelligent.
Le propos est ici très vague : qu'est-ce qui n'est pas cohérent ? Il y a bien sûr des incohérences dans la langue française (qui font d'ailleurs une partie de son histoire et de son charme), mais dans l'ensemble beaucoup de cohérence, sauf si l'on veut faire fi de son histoire par exemple.
Pure construction des deux chroniqueurs : il est plus simple de s'en prendre à une caricature qu'à la réalité.L’outil n’est plus au service de la langue, l’élève doit respecter quelque chose qui est vénéré, sacralisé et dogmatique.
Parce que c'est souvent le cas, sauf à ne pas considérer l'étymologie comme une richesse de la langue. Écrire "lontan" est un enrichissement ?Dès qu’on parle de changer l’orthographe, on entend systématiquement la réplique «appauvrissement».
Le marteau illustre bien la violence symbolique dans l'enseignement de l'orthographe...L'outil ne fonctionne plus et la langue n'est pas conviviale. Est-ce la raison pour laquelle votre spectacle s’appelle «La convivialité» et que l'affiche montre un marteau?
En effet. Les débats sur l’orthographe sont toujours clivés et bagarreurs, alors qu’il s’agit d’un malentendu.
C'est vrai qu'insulter le travail au jour le jour des enseignants est très convivial.Si on sépare la langue de l’orthographe, on peut discuter, on peut réconcilier la langue autour de l’orthographe, d’où le titre du spectacle «La convivialité». Les deux doivent vivre ensemble.
Une Société sans école (1971).Il y a aussi un concept philosophique derrière ce titre. Le philosophe Ivan Illich disait: «Quand un outil n’est plus au service de l’homme, mais que c’est l’homme qui est au service de l’outil, il a alors dépassé son seuil de convivialité.»
Qu'est-ce qu'une orthographe conviviale ? A ce stade, rien n'est clair : les circonflexes ne le sont pas, les lettres muettes ne le sont pas...D'ailleurs, avoir une orthographe conviviale, c’est une manière de défendre le rayonnement de la langue française à travers le monde.
Quel rapport avec l'orthographe ?Vous croyez que la France ne se rend pas compte que sa langue nuit à ses propres intérêts?
La langue appartient à tous les francophones, les Français ne représentent que 20 % de la francophonie. Donc, l’idée de décentrer le regard de la France sur la francophonie est un enjeu fondamental pour la survie et la bonne santé de la francophonie. Il faudrait souhaiter que la France rentre une fois pour toute dans la francophonie. Au Québec, on a féminisé les noms des titres et de profession depuis plus de 30 ans.

Arnaud Hoedt et Jérôme Piron n'ont visiblement pas eu connaissance des programmes d'enseignement en France.En Belgique, on utilise beaucoup plus la nouvelle orthographe, l’enseignement l’a décrite comme prioritaire. Il n'y a que la France qui résiste systématiquement, et là où la francophonie avance, la France bloque parce qu’elle a conservé une institution d’Ancien Régime grotesque, l’Académie française.
Quant au pouvoir prêté à l'Académie, il l'est ridiculement : les rectifications proposées depuis trente ans par l'Académie ne sont, pour la plupart, jamais entrées en usage (nous l'avions constaté chiffres à l'appui pour les accents circonflexes ). Cet usage que M. Hoedt et Piron défendent et qui leur pose ici problème : l'usage n'a pas à "résister" à des rectifications. Dans l'article de "Elle Magazine" de février 2019 (cf supra), M. Hoedt regrette d'ailleurs qu'il n'existe pas en France "une instance juridique" ayant "le pouvoir de simplifier l'orthographe.
Ce besoin d'unifier à la langue est-il bien conforme aux aspirations de liberté que nos chroniqueurs lui souhaitent ?Faudrait-il supprimer la Coupole?
Oui, il est grand temps. Il faudrait créer une Académie francophone composée de représentants de tous les pays francophones, dont le Luxembourg.
Un minuscule exemple (rebattu) qui ne prouve pas grand chose : les deux graphies existaient du temps de Proust, mais déjà la graphie -ph était très majoritaire depuis la fin du XVIIIe siècle . L'Académie n'a fait qu'entériner un usage en 1935.La raison pour cette rigidité, n'est-elle pas aussi liée à la littérature à laquelle on ne veut pas toucher?
Faux! On a touché aux œuvres. Proust écrivait nénuphar avec un «f».
A rebours, on peut lire une proposition de réécriture d'un poème de Victor Hugo dans un français phonétique (parmi d'autres possibles).
Il faut l'exemple (qui ne montre rien) du "nénuphar" pour arriver à cette conclusion ?On pense n'avoir qu’une orthographe unique et indivisible à l’image de la République, mais il en existe une multitude. On entretient un mythe.
Dommage que MM. Hoedt et Piron n'enseignent plus pour appliquer leur pensée iconoclaste. En revanche, ils pourraient témoigner davantage de respect à ceux qui continuent d'enseigner chaque jour l'orthographe aux élèves...Dans votre spectacle, vous entrez en scène comme professeurs ou comme comédiens?
On est nous-mêmes: des citoyens qui se posent des questions.
Cette bizarrerie trouve une explication par l'étymologie. Mais, de toute façon, les difficultés de nos élèves sont bien plus élémentaires. Il suffit d'enseigner pour s'en rendre compte...Comment avez-vous trouvé toutes ces absurdités de l'orthographe?
Chez les linguistes. Cela fait des années qu'ils le disent. Depuis belle lurette Maurice Grévisse s'est moqué des Français et de leurs pluriels en «x»: hiboux, genoux, cailloux, joujoux, poux. Mais qu'est-ce que c'est que ce grigri auquel les gens s'accrochent et avec lequel ils font souffrir leurs enfants?
Pourtant, hiboux, joujoux, poux et ainsi de suite cela s'apprend vite...
Attendez! Pris individuellement, tout s'apprend vite, mais il y a beaucoup. Il faut 80 heures de cours uniquement pour enseigner le participe passé et l'accord du complément d'objet direct. Avec cinq leçons par semaine, cela fait un cursus de 17 semaines seulement sur le participe passé. Mais c'est délirant pour un truc qui n'a pas de valeur. Et si après les élèves le maîtrisaient encore!

Aucun enseignant dans le primaire ou le secondaire ne consacre un temps pareil aux subtilités des participes passés, qui paraissent anecdotiques en comparaison des difficultés des élèves confondant participe passé, infinitif et imparfait. Dans les programmes, il suffit de savoir accorder "avoir" avec le COD placé avant...
Et un reproche encore plus ridicule quand on enseigne...Allez, expliquez-nous enfin la différence entre confiture de groseilles avec «s» et gelée de groseille sans «s».
C'est une des règles les plus absurdes.
Quel enseignant apprend une telle distinction à ses élèves en 2019 ?Au lieu de dire que l'orthographe peut être variante, les académiciens ont inventé une sémantique en disant que dans la confiture on peut voir des bouts de groseilles, mais non pas dans la gelée. Mais on prend l'enfant pour un imbécile. On lui dit, «on fait de la confiture avec des groseilles, et on fait de la gelée avec de la groseille». Et l'enfant dit: «Oh, c'est intelligent cela!». Non, c'est idiot. Les immortels ne veulent pas détruire leur chapelle.

A voir également cette conférence TedX publiée le 21/06/19 :
Nous avons été prof de français. Sommés de nous offusquer des fautes d'orthographe, nous avons été pris pour les curés de la langue. Nous avons écrit pour dédramatiser, pour réfléchir ensemble et puis aussi parce qu'on a toujours pensé que l'Académie Française avait un vrai potentiel comique.
"Les deux belges qui veulent simplifier la langue française" : tout est faux dans cette phrase. Pas "simplifier" mais bien faire preuve d'esprit critique, se demander si tout se vaut dans notre orthographe. Pas deux belges, mais bien deux curieux qui veulent transmettre le travail des linguistes de toute la francophonie, pas même la "langue française", seulement son orthographe. Car l'orthographe, c'est pas la langue, c'est juste le code graphique qui permet de la retranscrire. Passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s'agit peut-être que d'un énorme malentendu. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation. Ils ont vécu 25 ans sans se connaître, mais c’était moins bien. Ils ont ensuite enseigné pendant 15 ans dans la même école. Quand Arnaud participe à la rédaction des programmes de français en Belgique, Jérôme se spécialise en médiation culturelle. En 2016, ils écrivent et mettent en scène le spectacle « La Convivialité », au Théâtre National de Bruxelles. Ce spectacle conférence qui traite de la question du rapport dogmatique à l’orthographe tourne depuis 3 ans dans toute la francophonie. Dans la foulée, ils publient l’ouvrage « La faute de l’orthographe », aux éditions Textuel. Ils se définissent comme suit : « Linguistes dilet(t)antes. Pédagogues en (robe de) chambre. Tentent de corriger le participe passé. Écrivent des trucs. Vrais-Faux Comédiens. Bouffeurs d’Académicien ».
A la question « est-ce que ça se dit ? « , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire ».
Commentons cette présentation d'abord :
Quel est l'intérêt d'un tel "esprit critique", consistant à railler les incohérences (ou supposées telles...) de la langue sans aller au delà ? En réalité, MM. Hoedt et Piron ne cessent d'aspirer à une réforme de la langue. M. Hoedt a même regretté que n'existe pas une instance juridique pour le faire..."Les deux belges qui veulent simplifier la langue française" : tout est faux dans cette phrase. Pas "simplifier" mais bien faire preuve d'esprit critique
Contradiction flagrante dans le même paragraphe, qui souligne toute la confusion du propos de nos deux chroniqueurs : il ne s'agit pas seulement de libérer l'orthographe (à l'écrit donc) mais également de libérer la langue à l'oral...[...] pas même la "langue française", seulement son orthographe [...] A la question « est-ce que ça se dit ? « , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire »
Comment une formation en linguistique permet-elle de devenir professeur de français ? Il est vrai qu'ils se présentent comme " Linguistes dilet(t)antes" et "pédagogues en (robe de) chambre".Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation.
Au demeurant, dans la conférence, Jérôme Piron est présenté comme professeur de philosophie. Il est présenté sur France Inter comme professeur de théologie, et ailleurs comme professeur de français...
Les deux chroniqueurs se présentent comme enseignants, alors qu'on apprend ailleurs qu'ils ont cessé d'enseigner. Ils viennent d'une institut privé catholique (Don Bosco) en Belgique.
La citation de Voltaire qui ouvre la vidéo ("L’orthographe de la plupart des livres français est ridicule. L’habitude seule peut en supporter l’incongruité") est une citation très tronquée si l'on se réfère à l'article "Orthographe" du Dictionnaire philosophique portatif (1771).
Ils ne savent pas que le double V allemand, qu’on écrit ainsi W, est notre V consonne, et qu’en Allemagne on prononce Vétéravie, Virtemberg, Vestphalie, Visigoths.
Ils impriment Altona au lieu d’Altena, ne sachant pas qu’en allemand un O surmonté de deux points vaut un E.
Ils ne savent pas qu’en Hollande oe fait ou ; et ils font toujours des fautes en imprimant cette diphthongue.
Celles que commettent tous les jours nos traducteurs de livres sont innombrables.
Pour l’orthographe purement française, l’habitude seule peut en supporter l’incongruité. Emploi-e-roi-ent, octroi-e-roi-ent, qu’on prononce octroieraient, emploieraient ; pa-on, qu’on prononce pan ; faon, qu’on prononce fan ; La-on, qu’on prononce Lan, et cent autres barbaries pareilles, font dire : Hodieque manent vestigia ruris. (Hor., liv. II, ep. i, vers 160.)
Cela n’empêche pas que Racine, Boileau et Quinault, ne charment l’oreille, et que La Fontaine ne doive plaire à jamais.
La première partie ne concerne que la transcription malvenue de sons étrangers. La seconde s'appuie sur des exemples en partie inactuels.
La comparaison orthographe/langue et partition/musique (1'45) oublie que l'écrit, en littérature, est aussi une musique...
A quoi sert cette remarque si ce n'est à réformer l'orthographe, contrairement aux affirmations précédentes ?Si l'orthographe est un outil, est-ce que c'est un bon outil ?
Les comédiens cherchent à montrer qu'on peut écrire le son s comme dans "régisseur" de douze façons différentes. En plus des graphèmes s, ss, c, ç, t ou sc :
- "dix", "six" sont avec "soixante" les trois seuls exemples dans les noms propres. De même pour "quartz" ou "aztèque" (avec "tzigane"), mots venant de l'étranger ; "il acquiesça" est un exemple unique.
- Dans "isthme" ou "asthme", le "th" ne se prononce pas ; "succion" se prononce en réalité [syksjo~] ; "forsythia" est unique et se prononce en réalité [fORsitja] (de l'anglais Forsyth)
En somme, leur question, visant à montrer l'absurdité de la langue, est en réalité en partie absurde elle-même : ils choisissent - c'est de bonne guerre - un phonème français correspondant à un grand nombre de graphèmes en français, mais au lieu de se contenter des six graphèmes qui correspondent à la quasi-totalité de la langue, ils doublent artificiellement - pour leur effet de scène - ce nombre avec trois graphèmes constituant des ensembles anecdotiques (de une à trois occurrences), d'emploi d'ailleurs le plus souvent rare, et avec trois graphèmes... qui ne correspondent pas à ce phonème.
Peu importe de plus que les six graphèmes réguliers obéissent à une logique qui fait qu'on ne peut pas écrire "régiseur", "régiteur" par exemple. Ou que "-isseur" se trouve en position de suffixe correspondant l'agent d'une action (punir>punisseur, avertir>avertisseur, rôtir>rôtisseur etc.).
Leur approche rationaliste est par ailleurs purement rationaliste et quantitative, comme si à un son devait correspondre une et une seule graphie. Significative de leur rejet de l'histoire de la langue est d'ailleurs leur démonstration suivante : "En français, si on inventait un mot qui n'existe pas..." (4'31). Ils s'appuient d'ailleurs sur un algorithme purement combinatoire pour générer 240 graphies (de "chraiffisciont" à "kraifition") d'un mot qui n'existe pas pour prouver l'absurdité de la langue. Au lieu de critiquer la réalité de la langue, les deux comédiens - pour un effet comique plus sûr - en critiquent une version théorique ("Il existe 240 manières différentes...")...
Leur modèle : les langues à l'orthographe purement phonétique, comme le turc, entièrement et autoritairement réformé à partir de 1928 dans une perspective politique. L'alphabet latin turc est d'ailleurs un alphabet né de rien, obéissant à la volonté d'un homme, Mustapha Kemal, conçu par la raison et non par l'histoire pour se substituer à l'alphabet turc ottoman (rendant ainsi inaccessible tous les écrits antérieurs). Le finnois a certes été façonné plus tôt, au XVIe siècle, mais de même : par un seul homme.
Pourquoi ces exemples (radicaux) de simplicité s'il n'est pas question de simplifier l'orthographe et la langue française ? Les deux comédiens s'arrêtent toujours au seuil de cette question. Par ailleurs, avec l'exemple autoritaire du turc, on voit bien que la liberté promise ("Est-ce que ça se dit ? Oui, tu viens de le faire") est bien illusoire... sans oublier qu'il faut toujours rappeler qu'à l'arbitraire de l'histoire les réformistes veulent substituer un autre arbitraire puisque toute nouvelle graphie simplifiée procède d'un choix arbitraire et que ces choix peuvent être très nombreux, d'où les nombreux systèmes de français "simplifié". Ajoutons enfin qu'il est amusant que l'Académie soit leur principale cible, elle qui a précisément prétendu par le passé rationaliser l'orthographe de la langue !
L'orthographe de la langue française est imparfaite : mais c'est le principe de tout ce qui est vivant.
D'ailleurs, le français, malgré ses incohérences et ses bizarreries, offre une relative régularité grapho-phonologique, comparé à l'anglais : en français 130 graphèmes pour 34 phonèmes contre... 1120 graphèmes pour 62 phonèmes en anglais ! Dans l'article tronqué, Voltaire confirme : "Les Anglais sont bien plus inconséquents ; ils ont perverti toutes les voyelles ; il les prononcent autrement que toutes les autres nations." Mais Arnaud Hoedt et Jérôme Piron ne prenne jamais en exemple la langue vivante qui s'est imposée jusque dans les classes de primaire française, au détriment d'ailleurs... de l'enseignement du français.
Avec l'incohérence "abri/abriter" contre "bruit/bruiter" (brugitum) "crédit/créditer" (creditum) "édit/éditer" (editum), les deux comédiens soulignent, sans aucune explication, un arbitraire comique, alors que l'incohérence s'explique tout simplement par l'histoire et surtout... par l'usage ! "abri" s'est écrit depuis le Xe siècle ainsi puisque venant de "abrier" : "abriter" n'est apparu que tardivement et ne s'est imposé qu'à partir du XVIIIe siècle. Que fallait-il faire dès lors ? Aller contre l'usage et imposer "abrit" ?
Ils rient de "dix"/"dizaine"/"dixième" mais ne proposent pas de solution : de fait "dis" ne se prononce pas comme "dix". Faut-il écrire "disse" ou au contraire écrire "dis" mais "paradi" ou "tu di" ? Et en ce cas comment écrire le pluriel de "radi" ? Les deux comédiens passent sous silence les problèmes en cascade d'une "simplification" de l'orthographe. Une langue réformée est condamnée aux incohérences, mais à des incohérences totalement arbitraires !
L'explication toute monastique de l'accord du participe passé avec l'auxiliaire avoir placé avant semble tout à fait fantaisiste.
Caricature de l'enseignement.Jérôme Piron dit: Pourquoi est-ce que l'esprit critique s'arrête au seuil de l'orthographe ? Eh bien c'est parce qu'on a tous appris à ne plus se demander pourquoi.
L'orthographe est au contraire une belle occasion d'aiguiser l'intelligence des élèves, et pas seulement pour sa partie grammaticale. Si certaines difficultés de la langue exigent des connaissances un peu difficiles ("abri/abriter" s'explique par "abrier" que les élèves ne connaissent pas puisqu'il a disparu), d'autres sont éclatantes et ravissent les élèves puisqu'elles construisent un réseau dans la langue ("doigt/digital", "pied/pédestre") ou se réfèrent à des étymons communs (athée, panthéon). Il est facile d'expliquer par l'étymologie et les déclinaisons pourquoi "camp", "champ" n'ont pas de s et "temps" ou "corps" en ont un. Mais il est vrai que l'enseignement des langues anciennes est-lui même condamné aujourd'hui.
"L'esprit critique", serait-ce d'exiger une langue rationnelle, c'est-à-dire purement arbitraire et sans mémoire ?
"Avant le XVIIe siècle, tout le monde écrit comme il veut" (8'55) : curieux comme ce temps béni d'avant l'Académie contraste avec la volonté d'uniformisation et de rationalisation (à l'image des langues phonétiques) ou les possibilités graphémiques infinies tournées en ridicule...
Mais lequel ?D'ailleurs Molière écrivait "orthographe" sans h
Cette façon de laisser penser que Molière écrivait déjà dans une orthographe réformée, avec les exemples de "misantrope" ou "d'orthografe" chez Molière (ou plutôt chez son éditeur), est tout aussi absurde (sous réserve que la seconde soit d'ailleurs avérée) : l'orthographe n'était alors pas fixée et des graphies se concurrençaient comme l'avaient déjà observé pour "orthographe" Vaugelas dans ses Remarques sur la langue française en 1654 ("quelques-uns écrivent la dernière syllabe des deux façons phe et fe"). D'ailleurs, les exemples choisis sont ceux d'une graphie "simplifiée" : les deux humoristes se gardent bien d'indiquer que la même édition de 1667 présente les graphies "traitter" et "traitent" ou bien "home" et "homme" dans la scène 1 de l'Acte I (cf Gallica )...
Les deux comédiens vantent l'adaptation des œuvres de Molière dans l'orthographe moderne : c'est encore une façon d'appeler - sans le dire, comme à chaque fois - à une simplification de la langue : mais pour la simplifier comment ? En écrivant "disse" pour "dix", ou bien "ciance" pour "science", ou bien encore "réjiseur" pour "régisseur" et en ce cas "provizeur" et "lé zeur" etc., c'est-à-dire en imposant des graphies qui ne correspondent à aucun usage ?
Sans en rester à des déclarations de principe sans suite ou à considérations évasives, nous avions proposé en 2012 un exemple d'un texte célèbre retranscrit dans un français simplifié :

L'orthographe peu à peu imposée par l'Académie à partir du XVIIe siècle correspondait bien, malgré des choix critiquables, à des usages. Les "rectifications" de 1990 sont, elles, imposées trente ans après dans l'école, contre les usages, comme en atteste par exemple et de façon amusante les réécritures successives et rectifiées des programmes de collège.
MM. Hoedt et Piron se moquent de la centralisation de l’État français au XVIIe siècle, incarnée par l'Académie puis du nationalisme au XIXe siècle ("On veut un français pour tous, unique et indivisible...") ... alors qu'ils ont donné précédemment en exemple la centralisation et le nationalisme turcs du XXe siècle, autrement plus autoritaires : cette absence de logique élémentaire laisse perplexe...
Les "linguistes dilettantes" que sont les deux humoristes se moquent de l'incompétence linguistique de l'Académie, découvrant que les académiciens sont des écrivains en habit vert et non des linguistes. Mais comment des linguistes, prétendant décrire scientifiquement la langue, pourraient-ils la prescrire ? Demande-t-on aux astrophysiciens de changer le cours des astres, aux historiens de modifier les évènements historiques, aux géologues de tailler des pierres précieuses ?
La comparaison de l'Académie avec un garage sans mécanicien fait rire le public mais elle est instructive quand on y réfléchit plus avant : dans l'analogie, les linguistes ne seraient plus des scientifiques mais des techniciens au service d'autrui...
Les mots "empruntés" (au sens linguistique) ne constituent qu'une fraction de la langue (si l'on exclut les mots empruntés au latin, moins de 20% selon Le Robert 2010 ), et même dans cette petite fraction, le grec ancien est prépondérant puisqu'il occupe la première place avec 34,5% des mots empruntés. Suivent l'anglais (22,9%), l'italien (10,9%), l'allemand (5,4% avec 598 mots), les langues sémitiques (4,8%) etc.Arnaud Hoedt dit: Mais cette histoire [de la langue française] est largement fantasmée. D'abord, pourquoi on a conservé ou introduit uniquement les consonnes étymologiques issues du latin et du grec ? Bah parce que ça fait classe. Parce qu'on aimerait croire que le français ne descend que de l'Antiquité mais en réalité on a évacué sans hésiter toutes les consonnes étymologiques issues des langues germaniques, de l'arabe, de l'italien. Rien que ces mots-là, c'est déjà 30% de tous les mots qu'on a empruntés en français.
Mais d'un point de vue étymologique, 80% des mots de la langue française tirent leur origine - par évolution ou emprunt - du latin (80%) - ce qui fait d'elle une langue romane. Et le grec suit : une histoire "largement fantasmée", donc...
M. Piron prend un exemple d'étymologie irrégulière ("style" influencé par le grec στῦλος qui a donné "péristyle") pour invalider toutes les étymologies régulières : le upsilon du grec ancien a presque toujours donné le y (analyse, cycle, syndic, tyrannie etc.), au point qu'il est appelé (abusivement il est vrai) le i grec.
M. Piron donne l'exemple de l'italien "filosofo" : il ne s'agit donc plus de corriger des incohérences (puisque l'étymologie est très cohérente dans ce cas précis), mais d'effacer l'étymologie au nom d'une autre cohérence : l'uniformité phonétique, à appliquer aux milliers de mots français comportant ce graphème sans suivre aucun usage (ce qui n'était pas le cas de l'italien). A noter, que dans l'édition citée plus haut du Misantrope (1667), Philinthe évoque "ce chagrin philosophe"...
Pour moquer la dimension esthétique/compliquée de la langue française, les deux humoristes recourent encore une fois à une orthographe imaginaire, celle du collège de Pataphysique. Après le mot inventé, les graphies inventées : la logique est en effet celle de l'absurde.
Enfin M. Piron raille "le sens de l'effort" qui serait exigé avec cette orthographe trop compliquée : "Les gens ont l'impression que si on simplifie, on va faire moins d'effort". Mais MM. Piron et Hoedt ne prétendaient pas simplifier, simplement "faire preuve d'esprit critique" (et sans effort, qui plus est). Allez comprendre...
"On va pas faire moins, on va faire mieux". Mais ce mieux reste toujours très évasif...
Du temps gagné pour d'autres choses, comme la connaissance de l'histoire de la langue... "La simplification constitue bien un nivellement par le haut". L'orthographe est "sacrée" : "le Grévisse devient la Bible".
L'orthographe est présentée comme une "discrimination" absurde. "Quand vous faites une faute d'orthographe, on ne juge pas votre orthographe, on vous juge" : à vrai dire, on juge surtout la volonté de se soumettre à une norme commune. Un peu comme la qualité de la graphie ou le soin apporté à une copie.
Citation altérée : la célèbre phrase tirée du projet de Mézeray en 1673 ("la compagnie déclare qu'elle désire suivre l'ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d'avec les ignorants et les simples femmes") est suffisamment polémique pour qu'il ne soit pas besoin de l'altérer davantage : la relative n'est pas finale mais explicative. Elle s'inscrit dans un contexte qui est d'une part celui de la querelle de l'orthographe, à laquelle les Précieuses prennent part (les "simples femmes"), d'autre part celui de pratiques erratiques des imprimeurs ou éditeurs "ignorants" (Le Misantrope) : pour défendre une orthographe étymologique, le premier dictionnaire de l'Académie se propose de donner en modèles les "gens de lettres" qui, eux, la connaissent ou la défendent.Jérôme Piron dit: En 1694, dans les cahiers préparatoires du tout premier dictionnaire de l'Académie française, il est écrit : "L'orthographe servira à distinguer les gens de lettres des ignorants et des simples femmes."
Mais la vraie question est la suivante : quel sens de citer cette phrase en 2019, sinon de laisser penser que tous les artisans de l'orthographe, d'hier à aujourd'hui, seraient partisans d'une sorte de grand complot linguistique et œuvreraient pour la discrimination sociale et le sexisme ? Voilà qui serait plus odieux qu'une odieuse citation d'il y a trois siècles...
En somme, quand les enseignants qui font tous leurs efforts pour enseigner l'orthographe à leurs élèves en démontrant ce qui en fait, malgré certaines incohérences, un ensemble régulier, les deux humoristes s'attachent au contraire à en effacer toute intelligence pour n'en montrer, à un public avide de caricature, que les incohérences, en en inventant si nécessaire et sans jamais tirer les conséquences concrètes de leur iconoclasme facile.
Avec la plupart de leurs exemples, les deux anciens enseignants sont de toute façon bien éloignés des difficultés réelles des élèves...
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- archeboc
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Alors on me[t] au point une batterie d'étiquettes mal pensées, entièrement dédiées à la graphie. Le complément d'objet direct, par exemple, on ne l'utilise que pour faire ce fameux accord du participe passé avec avoir, ça ne sert qu'à ça.
De toutes les bêtises que Bruc et Tidule ont dites, celle-ci me semble la plus énorme. Quelle formation ont-ils pour s'imaginer que "ce fameux accord du participe passé avec avoir" ne sert qu'à la graphie ? Quand ils parlent, ils n'entendent pas le complément d'objet ? Quand ils parlent, quand ils écoutent, ils n'entendent pas l'accord au féminin du participe passé antéposé : "de toutes les bêtises qu'ils ont dites..." ?
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- Loys
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Les mots « fromage » et « pestacle » sont formés de la même manière : les linguistes appellent cela une « métathèse… twitter.com/i/web/status/1…
Quel "puriste" considère "fromage" ou sa formation comme un "barbarisme" ?Les mots « fromage » et « pestacle » sont formés de la même manière : les linguistes appellent cela une « métathèse » et les puristes, un « barbarisme » ! Notre langue en comporte plein comme brebis (du latin berbis), ou encore moustique (du latin musca).
On voit surtout l'implicite d'une telle horizontalisation : la transformation enfantine "pestacle" ne serait pas moins digne que la transformation historique "fromage". On ne doit donc pas rectifier "pestacle".
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- Loys
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www.icem-freinet.fr/archives/educ/76-77/4/orthographe.pdf
Célestin Freinet (in La Méthode naturelle) dit: L'apprentissage de l'orthographe n'est que secondaire et accessoire et n'a rien à voir avec la perfection de la langue, ni avec la culture. ON peut manier le français avec une maîtrise exemplaire et présenter cependant des insuffisances orthographiques qui scandaliseraient les pédagogues et les simples correcteurs d'imprimerie.
Nous ne posons même pas la question : l'étude de l'orthographe est-elle utile ? Elle est utile dans la mesure où la mode, les instructions ministérielles et les examens l'exigent [...] Quiconque a réfléchi à ce problème ne peut qu'être d'accord pour proclamer cette importance toute relative de l'orthographe.
cf www.icem-freinet.fr/archives/bem/bem-17/bem-17.htm
LA METHODE NATURELLE DE GRAMMAIRE par C.FREINET
Au Sommaire
· Un programme et un plan de travail pour notre Bibliothèque de l'École Moderne.
· C. FREINET. La Méthode naturelle de grammaire.
· ILLUSTRATIONS.
· Un texte libre à la classe enfantine. Photo H. Robic
· Lecture du Texte libre Photo Central CAEN
· Le texte libre au tableau Photo Painchaud
· Recherche de la documentation Photo Painchaud
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE MODERNE
Périodique d'information de la Pédagogie Freinet.
Paraît 5 fois par an
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Nous avons, à l'intention des enfants, notre beau magazine Bibliothèque de travail qui en,est à son 540e numéro.
Notre revue bimensuelle l'Educateur est notre périodique de recherche pédagogique et de liaison des éducateurs qui travaillent ou désirent travailler avec les Techniques Freinet. Mais le résultat de ces recherches reste disséminé dans des numéros de revues qui ne sont pas destinés à être conservés et où l'on retrouve difficilement,, le moment venu, tous les éléments voulus.
Nous avions besoin, d'une publication périodique qui fasse la synthèse de ces divers travaux, anciens ou nouveaux et qui constitue en définitive comme ne Encyclopédie générale de la pédagogie Freinet.
A vrai dire, nous avions déjà cette encyclopédie générale avant la guerre avec notre publication Brochures d'Education Nouvelle Populaire (BENP) qui nous avait valu la publication de 80 titres qui balayaient à peu près l'éventail de notre pédagogie. Les collections restantes ont malheureusement été détruites au cours de l'incendie de décembre 1961.
Nous avons décidé de reconstituer cette Encyclopédie périodique avec notre nouvelle publication Bibliothèque de l'Ecole Moderne qui paraîtra cinq fois par an sous forme de brochures d'un format plus pratique, toutes axées sur l'étude d'un aspect spécial de notre pédagogie ; une partie générale situera l'étude au sein de la pédagogie générale et de notre Pédagogie Freinet, en apportant toutes informations générales utiles. Cette rubrique de BEM Actualités rendra pour les maîtres les mêmes services que rend BT Actualités pour le magazine enfantin.
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Ce numéro sur la Méthode naturelle de grammaire fera certes une sorte de scandale, tellement reste ancrée dans l'esprit des pédagogues l'idée que rien ne peut se faire en pédagogie si on ne suit le rite des leçons, des règles et des devoirs qui est plus absolu en grammaire que pour les autres disciplines. Cette étude ne convaincra pas définitivement, mais elle jettera du moins le trouble et l'inquiétude dans l'esprit des scolastiques. Les reconsidérations nécessaires suivront.
Les numéros à venir traiteront :
- des techniques audio-visuelles (N° double).
- de la part du maître, par Élise FREINET.
- du Fichier documentaire.
- de lÉcole Maternelle.
Nous publierons également dans cette encyclopédie, en plusieurs livraisons : Naissance d'une pédagogie poputaire, actuellement épuisée, et, par la suite, notre, Essai de pychologie sensible appliquée à l'Education.
La collection de cette revue constituera en définitive l'élément de base de la Pédagogie Freinet.
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On nous a reproché bien souvent de ne parler dans notre publication que de la pédagogie Freinet comme si elle était la seule offerte aux éducateurs, ou si elle était née spontanément d'une expérience particulière indépendante de tous les efforts en découvertes qui l'ont précédée.
Telle n'a jamais été notre pensée. Mais, d'une part, les éducateurs qui nous viennent de l'École Normale sont censés posséder une information de base sur les divers courants pédagogiques, sur les méthodes et les techniques qui leur sont offertes ; d'autre part les conditions toujours très difficiles dans lesquelles nous avons mené notre expérience nous ont à peine permis d'éditer le minimum de ce qui était indispensable pour le progrès de notre entreprise. Alors, effectivement, nous avons parlé dans nos écrits presque exclusivement de nos techniques et de notre psychologie.
Maintenant que nous sommes bien assis, que notre pédagogie a fondé ses éléments essentiels, nous pourrons tenter de la confronter avec ce qui se faisait avant nous et ce qui se fait encore hors de nous. Cette confrontation nous permettra d'ailleurs d'aborder quelques-uns des points essentiels de notre pédagogie, tels que nous nous appliquons à les dégager dans notre revue Techniques de Vie.
Nous pourrons étudier par exemple la pédagogie Decroly, telle qu'elle était du vivant de Decroly, et comment, par quels processus, la méthode Decroly a été bien vite scolastisée. Nous aurons alors l'occasion de rendre à Decroly l'hommage qu'il mérite et de livrer de cette étude des leçons pour notre propre action, car cette même sclérose nous guette et c'est contre elle que nous dirigeons d'avance nos efforts.
Nous aurons à parler aussi de Mme Montessori dont l'apport pédagogique a été si important et si décisif. Un numéro spécial pourrait d'ailleurs être consacré à l'École maternelle française, avec tout ce qu'elle porte en elle de dynamique et d'humain, mais avec aussi des erreurs qu'il nous faudra dénoncer.
Il serait précieux aussi pour l'évolution nécessaire de notre pédagogie de mieux connaître ce qui se fait dans la pédagogie des divers pays du monde :
- L'Allemagne Fédérale, si morcelée administrativement et pédagogiquement aussi, où foisonne des expériences qu'il suffirait parfois de promouvoir à un stade nouveau de réalisation.
- La pédagogie soviétique qui se cherche aussi, avec des initiatives de toute première valeur, dont la portée est, hélas ! compromise par une conception pédagogique et scolaire à reconsidérer.
- La pédagogie italienne qui, par certains côtés, essaie de se hisser à l'avant-garde mais où dominent les pratiques de la scolastique catholique.
- La pédagogie anglaise, que nous ignorons si totalement en France.
- La pédagogie des U.S.A. qui, sous le couvert du machinisme et de la mécanique reste impuissante à résoudre les vrais problèmes humains.
- La pédagogie de l'Amérique latine, avec ses îlots d'avant-garde à Cuba et au Mexique, mais dont la solution s'adapte aux espaces immenses de pays qui semblent parfois naître seulement à la civilisation du XXe siècle.
- La pédagogie de l’Afrique : Afrique du Nord, déjà sérieusement marquée par nos techniques, et pédagogie aussi de l'Afrique Noire pour laquelle nos méthodes pourraient peut-être apporter les méthodes vainement attendues de la pédagogie scolastique française.
Comme on le voit, nous avons du pain sur la planche.
Pour le domaine technique, nous avons mis aujourd'hui à la disposition des enfants et des maîtres un éventail large et riche de matériel et de techniques qui leur permet, dans la pratique, de s'engager dans une pédagogie plus efficiente.
Il nous faut faire le même effort culturel pour les adultes. Un éducateur d'École Moderne ne doit pas avoir des oeillères Pour une pédagogie largement ouverte sur la vie il lui faut une large information psychologique, philosophique, sociale, pédagogique, sur tous les problèmes que suppose le renouveau pédagogique que nous avons suscité : notre périodique BEM vous ouvrira lui aussi les Portes du monde.
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C.FREINET
La méthode Naturelle de Grammaire
Si la grammaire était inutile !
Tel a été le mot d'ordre que je lançais il y a une vingtaine d'années. Et aujourd'hui encore, il suffit que je hasarde cette affirmation dans une Conférence pour que le public s'agite comme si j'avais commis un blasphème : les instituteurs se regardent, ils tournent leurs yeux ironiques ou timides vers les chefs présents, parfois auteurs de manuels de grammaire, comme pour leur dire : « Qu'en pensez-vous ? »
D'ailleurs les instituteurs eux-mêmes sont rarement d'accord. Que je dénonce les devoirs et les leçons, oui, mais penser qu'on puisse apprendre à écrire sans exercices de grammaire, cela dépasse l'entendement ; car enfin, ne faut-il pas connaître les règles de grammaire pour écrire correctement ?
Je vais encore une fois ici refaire la démonstration simple, sans grande illusion. Il en est de la grammaire comme des vieilles traditions trop enracinées dans la jeune vie des individus et qui disparaissent parfois momentanément pour reparaître plus tard en folklore.
Il est pourtant des vérités que nous avons le devoir de proclamer quand nous les tenons comme telles. Et les vérités, comme la liberté, cheminent immanquablement jusqu'à éclater un jour dans le comportement libérateur des hommes et des sociétés.
Dès octobre 1937 dans une brochure « La Grammaire française en quatre pages », j'écrivais déjà en préface :
« Ce n'est pas une gageure ; nous n'avons fait aucun pari de condenser en quatre pages - peut-être sera-ce même en trois - le contenu de tous les manuels de grammaire. Notre entreprise est d'une portée pédagogique autrement considérable puisqu'elle vise à simplifier vraiment notre expérience pratique de la langue grâce aux techniques nouvelles que nous avons introduites dans nos classes.
« Personnellement, je ne suis pas grammairien, loin de là ! L'avouerai-je même : lorsque, après la guerre (de 14-18), je repris, à demi-convalescent, une classe préparatoire, je constatai avec un peu de surprise que j'avais presque totalement oublié toutes les règles de grammaire. C'est à peine si je distinguais encore dans les temps quelques formes simples : l'indicatif présent, l'imparfait, le futur, le conditionnel. Je ne savais plus si le passé simple devait s'appeler passé défini - je me le demande encore en écrivant ces lignes - et la chaîne bijou, caillou, chou... revenait pénible ment à ma mémoire.
« Ne parlons pas de toute la foule de pronoms, d'adjectifs, d'adverbes, de prépositions, etc... dont je savais évidemment l'emploi sans pouvoir les distinguer avec précision. Et pourtant je venais d'écrire un petit livre qui ne manquait pas d'émotion, et je savais, d'une plume assez vive, défendre mes droits, ou écrire pour mes élèves des contes et des poésies que, à ma grande surprise, ils préféraient aux œuvres classiques qui leur étaient alors offertes.
« Je ne me suis pas ému de mon ignorance. Je savais écrire d'une façon convenable. Je sentais que c'était là l'essentiel, que tout le reste, que toutes ces chinoiseries grammaticales étaient surtout inventions scolastiques et que si moi, qui avais eu jusqu'à 18 ans, le crâne bourré par maîtres et manuels, pouvais, sans grand dommage - et qui sait, peut-être avec profit - oublier les neuf dixièmes de la grammaire, c'est que celle-ci, telle du moins qu'on me l'avait enseignée, n'était ni vitale ni indispensable, et que la voie suivie jusqu'à ce jour ne répondait pas aux besoins d'élèves qui, dans la vie, n'ont que faire de terminologie.
« Je n'ai, depuis, tenté aucun effort pour apprendre à nouveau cette grammaire des manuels. Et je me hâte de condenser ici, avant qu'il ne soit trop tard, ce que je crois suffisant et profitable pour notre école primaire.
Car la déformation professionnelle nous marque dangereusement : à force de revoir tous les ans les mêmes principes, les mêmes règles avec leurs exceptions, nous les incorporons à notre fonction et à notre vie, jusqu'à ne plus comprendre que ceux dont la profession n'est pas de rabâcher ces éléments puissent avec tant de désinvolture en négliger complètement la contestable valeur.
« N'écoutons point ceux qui prétendent qu'on ne peut écrire tant qu'on ne connaît pas les règles de la grammaire et de la syntaxe... Les pédagogues n'ont vu que la règle, et la règle a tué la vie.
« Ils écrivent bien, certes, ces grammairiens pour qui écrire est une sorte de devoir de style où la forme masque l'absence de pensée et de sentiment. Mais qui lit leurs œuvres ? Et pensez-vous que ce sont elles qui passeront à la postérité ou bien plutôt les pages vibrantes d'émotion et de vie de ces jeunes écrivains qui, sans se soucier outre mesure de la grammaire, ont su exprimer ce qui vous agite ou vous remue ? Je pense à tel écrivain à succès, avec ses phrases osées et ses mots à peine francisés... On dira plus tard, comme nos professeurs en arrêt devant des tournures peu académiques de nos classiques : hardiesse de style ! Parce que la vie aura triomphé de la forme morte comme triomphera un jour prochain, à l’Ecole, la rédaction vivante et joyeuse, chemin royal qui mène vers la perfection grammaticale.
« Toutes ces précautions pour bien prévenir nos camarades - et aussi les spécialistes qui nous liront - que je suis loin de prétendre à l'érudition grammaticale. Je puis commettre des oublis qui méritent d'être réparés, et des erreurs que je rectifierai avec plaisir, heureux justement si ces lignes peuvent susciter encore une fois entre nos camarades une collaboration profitable. » (1)
(1) Un instituteur qui fut en son temps à l'avant-garde de la pédagogie française, DELAUNAY (Calvados), faisait des réflexions identiques : « Je suis une nullité grammaticale. je serais fort embarrassé pour répondre à des questions de grammaire du C.E.P. Il y a de cela de nombreuses années, j'avais découpé, dans des journaux scolaires des épreuves de dictée. Lorsque je les classai, je constatai que les spécialistes de ces revues n'étaient pas toujours d'accord. Pour moi, la grammaire est une science qui se fait, encore bien imparfaite. S'il n'y avait pas la nomenclature officielle, il nous serait difficile de nous reconnaître. »
Si la grammaire était inutile !
Entendons-nous bien d'abord sur la portée de notre pétition.
Nous ne prétendons point que l'étude de la grammaire soit absolument inutile à tous les degrés de l'enseignement. Nous parlons naturellement en instituteurs qui se préoccupent d'améliorer les conditions et le rendement de leur métier. Nous ne préjugeons pas de ce que peut être ou doit être, l'enseignement du français à d'autres degrés où la grammaire reprend peut-être, et sans doute, quelques-uns de ses droits.
NOTRE EXPÉRIENCE, AUJOURD'HUI LONGUE ET DÉCISIVE, MONTRE SEULEMENT QU'ON PEUT APPRENDRE A ÉCRIRE LE FRANÇAIS A LA PERFECTION SANS CONNAITRE LES RÈGLES DE GRAMMAIRE. SI CELA EST VRAI - ET C'EST LA DÉMONSTRATION QUE NOUS ALLONS FAIRE ICI - L'ECOLE S’EST TROMPÉE DE CHEMIN EN PLAÇANT LES RÈGLES DE GRAMMAIRE A LA BASE DE L'ÉTUDE SCOLAIRE DU FRANÇAIS. IL NOUS FAUT CHERCHER ENSEMBLE, TROUVER ET VULGARISER LES NORMES DU NOUVEL ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS, PAR LA MÉTHODE NATURELLE D'INTELLIGENCE ET D'EFFICACITÉ.
Comme on le voit l'affaire est d'importance. Elle intéresse et conditionne tous les processus présents et à venir de l'éducation.
La grammaire est-elle utile pour l'apprentissage de l'orthographe ?
Pour la régularité de notre démonstration, il nous faut, dès l'abord, distinguer grammaire et orthographe qui sont, dans l'esprit des lecteurs, trop arbitrairement confondus.
Réglons d'abord son fait à l'apprentissage de l'orthographe qu'on considère aujourd'hui, plus encore que par le passé, comme une nécessité dramatique, non pas tant pour la culture, dont on se préoccupe d'ailleurs fort peu, que pour les classements scolaires et les examens qui n'en sont que les ersatz.
GRAMMAIRE et ORTHOGRAPHE sont deux choses radicalement différentes. La grammaire française nous enseigne les règles d'une expression écrite en français, correct, conforme à l'expression des idées, des sentiments et des faits d'information aux exigences de l'usage, des codes plus ou moins capricieux, des Instructions Ministérielles et des examens. C'est de cette grammaire, et seulement de celle-là dont nous dénonçons l'inutilité, dans l'enseignement du premier degré.
L'apprentissage de l'orthographe, dont on fait aujourd'hui tant de cas, n'est que secondaire et accessoire et n'a rien à voir ni avec la perfection de la langue, ni avec la culture. On peut - et c'est le cas de nombreux écrivains - manier le français avec une maîtrise exemplaire et présenter cependant des insuffisances orthographiques qui scandaliseraient les pédagogues et les simples correcteurs d'imprimerie.
Nous ne posons même pas la question - l'étude de l'orthographe est-elle utile ? Elle est utile dans la mesure où la mode, les instructions ministérielles et les examens l'exigent. Mais que changent demain comme nous le souhaitons ces exigences formelles ; qu'aboutissent les travaux de la commission officielle de la Réforme de l'orthographe, et le problème scolaire de l'orthographe perdra de son acuité, jusqu'à ne plus contrarier l'apprentissage naturel et normal de la langue. Quiconque a réfléchi à ce problème ne peut qu’être d'accord pour proclamer cette importance toute relative de l'orthographe.
C'est Anatole France qui disait : « Les grands classiques de Corneille à Voltaire, et le roi Louis XIV lui-même ne mettaient pas l'orthographe... La recherche de l'orthographe constitue pour l'enfant une perte de temps considérable et contribue à restreindre le développement de la connaissance humaine. »
« Il fut un temps, écrivait aussi E. Tribouillois dans son livre : APPRENONS L'ORTHOGRAPHE (Editions Delagrave - Paris), où l'orthographe des mots de notre langue, tout nouvellement fixée par l'Académie que venait de fonder Richelieu, et pour beaucoup encore incertaine, permettait à notre grande épistolière, Madame de Sévigné, et aux Précieuses, ses contemporaines, d'émailler leurs lettres de fautes qui nous paraissent aujourd'hui invraisemblables. Au siècle suivant encore, le vainqueur de Fontenoy, Maréchal de France, pouvait écrire sans en être diminué : « ILS VEULE ME FAIRE DE LA CADEMIE ; CELA MIRET COMME UNE BAGUE A UN CHAS ».
Marcel Cohen constate lui aussi – « Quelqu'un, je ne Sais qui, a dit il y a déjà un bout de temps : « LA GRAMMAIRE (FRANÇAISE) EST L'ART D'APPLIQUER L'ORTHOGRAPHE DE L'ACADÉMIE ». Or, comme cette orthographe est mauvaise et que, si on est obligé de la subir, il ne faut à aucun prix la justifier, la grammaire ainsi comprise est simplement à supprimer. »
Dans son « HISTOIRE D'UNE LANGUE : LE FRANÇAIS », Marcel Cohen écrit encore :
« L'orthographe académique a résisté à tous les essais de réforme. En matière de langue, c'est le donjon du conservatisme social.
« La question demeure, petite mais importante question sociale. Les enfants du peuple, disposant d'un temps moins long pour l'instruction, ayant moins de temps pour lire, et moins de livres à leur disposition que les enfants riches, sont proportionnellement plus encombrés par l'apprentissage de l'orthographe; leur instruction générale en est réduite d'autant ; l'orthographe est vraiment le cauchemar des instituteurs. C'est aussi une plaie pour tous ceux qui doivent obtenir par un examen un emploi, même modeste, public ou privé et qui doivent gagner leur vie comme dactylographe par exemple. »
Décortiquons donc quelque peu ce problème de l'orthographe. L'apprentissage traditionnel est basé sur cette croyance que les règles - et elles seules - enseignent l'orthographe. Or, l'écriture française n'est pas logique du tout ; les règles n'y sont employées qu'au hasard, et encore avec tellement d'exceptions qu'elles perdent leur caractère élémentaire de règles.
Dans le livre déjà cité : « APPRENONS L'ORTHOGRAPHE », E. Tribouillois donne cette appréciation sur l'orthographe d'usage :
« Moi, professeur, moi, professeur de français, moi, écrivain, moi, académicien, qu'est-ce qui me gêne ?... Les doubles lettres et les mots tirés du grec. Les doubles lettres toujours ou presque toujours : je sais écrire ACCABLEMENT, oui. mais j'hésite encore sur APERCEVOIR et sur AGRESSIF.
Si moi je suis dans cet embarras, je dois conclure que les « primaires » y seront toujours. »
Ainsi s'exprimait Emile Faguet, et l'on ne peut nier qu'il eût raison. Les « primaires »... et les autres ont fort à faire avec notre orthographe où se rencontrent toutes sortes de complications introduites comme à plaisir, des marques d'érudition sans valeur, des erreurs maintes fois constatées, des chinoiseries.
Et tout cela sous prétexte d'étymologie, de laisser aux mots leur marque d'origine.
Passe encore si c'était logique, et si c'était vrai. Mais ce n'est pas logique - on écrit d'un côté préfet et effet, et, de l'autre parfait et satisfait, alors que ces quatre mots ont la même étymologie.
Et ce n’est pas vrai : ce ne sont pas des savants usant du privilège que leur donnait leur autorité, ce sont des clercs à demi-ignorants qui, voulant faire étalage de leur prétendue science, furent cause qu’au XVe et au XVIe siècle vinrent de toutes parts, s'abattre sur notre orthographe des groupes de consonnes que le Moyen-Age avait sagement ignorées.
« L'orthographe a chez nous le caractère et la force d'une religion » constatait également F. Brunot.
Il faudrait que nous soyions bien d'accord sur ce point : la langue française n'est pas construite logiquement, sur la base de règles et de principes, mais selon les caprices de l'usage des anciens « écrivains » et des clercs.
S'IL EN EST AINSI, CE NE SAURAIT ÊTRE PAR L'ÉTUDE DES RÈGLES ET PRINCIPES QUE SE FERA L'APPRENTISSAGE DE L'ORTHOGRAPHE.
LE TATONNEMENT EXPÉRIMENTAL
Mais il y a une autre raison qui s'inscrit contre l'apprentissage traditionnel de l'orthographe : la langue écrite, tout comme la langue parlée ne se fait que par tâtonnement expérimental. Personne ne fait appel à la règle dans l'apprentissage de l'orthographe. Et si, par suite du conditionnement scolaire quelques enfants y ont recours, ils emploient la plupart du temps la règle à contresens. Il est patent que l'enfant écrivant une dictée par exemple, ne fait jamais appel à la règle qu'on lui a apprise : il écrit sur son brouillon les formes diverses possibles, et, au jugé, selon son expérience, il écrit le mot demandé. C'est le plus pur tâtonnement expérimental qui agit par ajustements complexes, visuels, graphiques, et comme physiologiques.
Ce n'est peut-être pas scientifique mais c'est le procédé le plus sûr universellement employé.
Il serait facile de mener des enquêtes susceptibles de vérifier la valeur de ce processus orthographique général. Nous pourrions notamment nous demander si les élèves qui ont la meilleure orthographe sont ceux qui connaissent le mieux les règles ou si, comme nous le croyons il n'y a aucune relation entre ces deux faits. Nos lecteurs jugeront déjà par leur propre expérience.
Tout au long de cette étude nous aurons à faire la démonstration qu'une pédagogie soi-disant scientifique se condamne elle-même en partant toujours de données erronées et de processus qui n'existent que dans l'esprit des scoliastes - ce qui la rend si totalement désarmée devant le problème de la dyslexie, considéré aujourd'hui comme une maladie incurable, au même titre que la leucémie et le cancer.
La réalité c'est que étude des règles et orthographe sont deux choses absolument distinctes. Les exemples abondent d'enfants qui connaissent par coeur toute leur grammaire, qui sont capables de répondre à la perfection aux questions de la dictée du C.E.P. et qui n'en ont pas moins une orthographe déplorable.
Il y a donc erreur de diagnostic. A nous de chercher les vraies solutions.
N'en déplaise à tous les spécialistes, théoriciens et praticiens, l'écriture, comme le langage n'est pas une mécanique qu'on monte systématiquement. Elle est une portion de vie. Les mots y prennent d'abord leur figure non d'après l'étymologie ou les règles forgées arbitrairement par les pédagogues, mais d'après leur emploi dans la phrase, leur sens pour ainsi dire dialectique, leurs résonances réciproques, les liaisons qui s'établissent entre les éléments de pensée et d'action. C'est parce que, dans l'apprentissage du langage les mots sont toujours chargés de pensée et de vie et que les mécanismes ne fonctionnent jamais à vide que la réussite y est si totale, sans aucun des drames qui accompagnent à l'Ecole la langue écrite.
Or, l'orthographe, c'est comme l'habit des mots. La contexture, les particularités de ces mots s'inscrivent dans notre esprit et dans notre comportement non point par logique et mémoire, mais par des voies exclusivement sensibles, par les photographies successives dont la netteté indélébile est seulement fonction de la sensibilité des organes qui les enregistrent, de l'éclairage particulier que nous projetons sur les éléments à inscrire sur la plaque sensible.
On s'obstine à enseigner aux enfants les caractéristiques des mots comme on leur apprendrait à reconnaître les personnes familières par le simple détail des habits dont on les affuble : veste noire, pantalon gris et cravate à pois. Or, ce n'est jamais par ces seuls détails que l'enfant reconnaît un individu, ou bien il risquerait de graves méprises, confondant culottes et vestes, ou cravate et chapeau et les plaçant indifféremment sur les individus à distinguer.
Non, le mécanisme de la reconnaissance ne fonctionne jamais ainsi, de cette façon simpliste. Il est beaucoup plus complexe, beaucoup plus sensible, mais aussi d'une toute autre sûreté. L enfant voit venir une ombre, et, sans seulement s’attarder à identifier pantalon ou cravate, il dit avec certitude : « Voilà mon papa ! ». Il n'a ni analysé ni répété ; il n'a même pas prêté attention au sens où l'entend l'Ecole : un coup d'oeil rapide a suffi. Il est sûr et définitif.
C'est une telle erreur dans la conception des mécanismes de fonctionnement dans l'écriture et la lecture qui suscite cette mystérieuse dyslexie, mal scolaire du siècle. Les mots que vous apprenez à vos enfants sont neutres ; ils ne sont acceptés que par la mémoire ou l'intelligence et, de ce fait, ne touchent pas les individus dans leurs fonctions vitales. Alors on les habille au hasard, confondant culottes et cravates. Cela a si peu d'importance ! Mais l'habitude sera prise. Vous ne rétablirez plus les circuits normaux.
Les spécialistes en mal de solution essaient d'expliquer cette maladie dyslexique par la gaucherie contrariée, par une déficience de la conception spatiale, voire par la méthode globale « cette galeuse ». Ils n'oublient que l'essentiel : c'est le mode d'acquisition de l'écriture des mots qui est à changer, ce sont les principes d'acquisition qui sont à reconsidérer. C'est la méthode scolastique qu'il faut remplacer par la méthode naturelle qui donne vie aux mots et aux phrases et les incorpore aux processus organiques du comportement indélébile des individus.
Dans le domaine scolaire comme dans le domaine de la santé, il ne suffit pas de soigner les impotents et les malades. Il faut prévenir les erreurs de base qui produisent les déséquilibres et retrouver les lois sûres de la vie.
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Le procès des conditions traditionnelles d'apprentissage de l'orthographe, n'est certes pas terminé par ce premier aperçu. Nous avons considéré surtout ici les mots dans ce qu'on appelle l'orthographe d'usage. Nous examinerons les aléas de l'orthographe d'accord au cours du procès que nous allons commencer de la vraie grammaire qui détermine la forme même des mots variables au sein de la phrase.
Il nous resterait à condamner les exercices systématiques de mémoire et de par coeur qui prétendent assurer une pratique normale de l'orthographe par la seule vertu de la répétition, du conditionnement, dit-on aujourd'hui pour parler scientifiquement avec un air trompeur de modernisme. La scolastique à l’Ecole primaire en est farcie à tel point qu'on se demande comment on tuerait le temps dans les classes si on supprimait tous ces « exercices », qui remplissent tant de pages de nos manuels de grammaire. Le livre de E. TRIBOUILLOIS dont nous avons déjà parlé (Apprenons l'orthographe) en est un exemple. Il y a là des pages à retenir, non seulement avec les règles, mais, ce qui trouble encore plus les enfants, avec les exceptions qui contredisent les règles.
Alors on compte sur la mécanique. Elle est peut-être valable pour une minorité d'enfants à la mémoire fidèle. Et encore, ceux-là n'ont pas même besoin de répétitions puisqu'ils saisissent du premier coup. Et les autres, ceux qui doivent répéter, le font avec tant de peine qu'ils en sont bien vite excédés - ce qui détruit d'avance toutes les vertus de la répétition. Il n'y a qu'à voir le mal qu’a la masse des enfants pour l'étude par coeur de la table de multiplication.
Nous sommes là dans le domaine de la mnémonique et non dans celui de la grammaire. Qu'on y ait recours quand on ne dispose pas d'autre solution valable, passe encore. Mais qu'on le fasse alors sans illusion ni pour le rendement ni pour la formation. Il s'agit seulement d'un travail de robot qui ne sera jamais qu'un pis-aller.
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Et pourtant nous dit-on, puisque la rectitude orthographique est aujourd'hui exigée à l'Ecole et dans les examens, il nous faut bien nous y soumettre.
Mais il faut que nous redisions à l'intention des éducateurs et des responsables la vanité de semblables procédés et l'illogisme donc d'une pédagogie qui a comme suprême ressource d'y avoir recours.
Sauf, en effet, pour quelques exceptions d'enfants particulièrement doués et qui ne nous posent ordinairement aucun problème, tout exercice scolastique, c'est-à-dire qui n'est pas profondément motivé, et que l'enfant exécute comme un devoir sans but, est toujours inutile et donc dangereux. Il n'y a qu'à voir nos enfants faire les exercices des manuels. On leur a donné une longue liste de mots mis au pluriel. Ils commencent à les écrire correctement, puis l'automatisme reprend ses droits et la fin de l'exercice est criblé de fautes. Ou bien ils conjuguent un verbe en opérant en série, de haut en bas - je, tu, il... etc..., et en mettant les terminaisons à la fin, également en série.
Croit-on vraiment qu'un tel travail puisse avoir une portée véritable d'exercice. ? Et si même l'enfant, grâce à votre surveillance, conjugue son verbe sans faute, est-on bien sûr que cet exercice lui soit de quelque utilité, qu'il soit au moins inscrit dans son automatisme et lui soit, de ce fait, profitable ?
Nous citons souvent le cas, hélas ! pas unique, de ce candidat au C.E.P. qui ne pouvait pas se corriger de la faute assez courante dans certaines régions de France
« J'ai parti », au lieu de « Je suis parti ».
Désespéré, le maître lui donna un soir à conjuguer cent fois le verbe partir, au passé composé, et s'en alla à sa partie de pêche. Quand il retourna, un peu tard, il est vrai, la classe était vide. Mais l'élève avait écrit spontanément au tableau : « Monsieur, comme j'avais fini ma punition et que vous n'étiez pas rentré, J'AI PARTI ! »
Il ne s'agit pas là, hélas ! d'une boutade mais de l'exemple typique de la portée des exercices qui ne sont qu'exercices.
Non, bien que nous considérions que la grammaire orthographique est inutile, nous n'oublions pas que, en attendant mieux, nous devons satisfaire aux exigences de l'administration et des parents. Mais nous le ferons avec le moins de dommages possibles, avec un maximum d'intelligence et d'efficacité. Et nous verrons comment nous pourrons y réussir par notre formule de l'Ecole de travail, où il y aura pour tous les individus - en parodiant une formule sociale éloquente - du pain et des roses.
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Si la grammaire était inutile pour l'apprentissage du français
L'aspect orthographique de l'enseignement de la langue, n'est donc, nous l'avons vu, qu'une considération mineure, quelle que soit l'importance sans cesse exagérée qu'on tend à lui accorder.
Autrement déterminante est la question de la Grammaire, élément jugé indispensable de la connaissance et de la pratique de la langue.
Il ne suffit plus de savoir si on sera capable d'écrire sans faute - ce qui n'a, répétons-le, qu'une valeur toute contingente plus spécifiquement scolaire. Mais savoir s'exprimer, non seulement correctement, mais avec élégance et sentiment, être en mesure de manier la langue avec adresse et habileté, savoir démontrer, convaincre, émouvoir, c'est une toute autre affaire, qui conditionne largement à notre époque notre comportement et notre vie.
C'est donc très important pour nous de déterminer avec sûreté la méthode pour y parvenir. La méthode traditionnelle a ostensiblement fait faillite. Nous sommes à la recherche d'une méthode plus efficiente.
Comme pour la grammaire orthographique, c'est le point de départ de l'enseignement grammatical qui est erroné. Seulement cette erreur, les psychologues et les pédagogues contemporains ne veulent pas la reconnaître parce que cette reconnaissance signifierait l'écroulement de tout le château de cartes scolastique de l'apprentissage.
Dans un récent « Billet » de la revue l'EDUCATION NATIONALE, M. Pierre-Bernard MARQUET résume ainsi les « Bases » de la Scolastique :
« Peut-on écrire bien en méprisant la grammaire, la ponctuation et l'élémentaire rhétorique ?...
« Peut-on être un grand peintre sans savoir dessiner ?
« Peut-on composer de la vraie et bonne musique sans connaître la gamme ni l'harmonie ?... »
La façon même dont ces questions sont posées sous-entend que la réponse ne fait pas de doute. Nous seuls doutons. Mieux : nous sommes, expérimentalement, persuadés du contraire.
C'est L'ECOLE, à tous les degrés, qui a inventé, pour s'attribuer originalité et importance, un processus d'acquisition et de vie qui n'a cours qu'à l’Ecole et jamais dans la vie.
L'Ecole s'imagine volontiers que la pensée, et l'expression de cette pensée peuvent se monter et se construire comme se monte une machine par adjonction et agencement des pièces, préparées d'avance, qui la composent. Si cela était, le premier stade des acquisitions linguistiques serait évidemment la connaissance parfaite des règles et principes sans lesquels la mécanique ne saurait pas fonctionner. C'est évidemment logique.
Et les scoliastes s'en sont persuadés et en ont persuadé leurs élèves. Enfermés dans leur système en dehors de la vie, ils ont négligé, pour si paradoxal que cela soit, de considérer la pratique même de leur vie et de celle de leur famille où ne sont jamais appliqués les principes scolaires. Le professeur, mère de famille monte chez ses étudiants la mécanique scolastique, mais elle emploie exclusivement la méthode naturelle avec son enfant qui apprend à parler et à marcher. Et le professeur, possesseur d'une auto, a appris à conduire comme tout le monde, et conduit exclusivement aussi par tâtonnement expérimental, selon la méthode naturelle souveraine.
Cela vient sans doute du fait que les méfaits de la méthode scolastique sont plus ou moins compensés par la méthode naturelle ambiante dont bénéficie l'Ecole, à l'insu des professeurs.
Ils prétendent - et ils vous en feraient l'éloquente démonstration - enseigner aux enfants à rouler à bicyclette selon ces mêmes principes pseudo-scientifiques. Le processus en est bien réglé, comme le sont tous les travaux scolaires, et la progression indispensable détaillée dans les manuels. Il faut commencer par le commencement, décrire d'abord les pièces de la machine, expliquer avec schéma, le sens du mécanisme et l'action des pédales, puis la physiologie de l'équilibre et de la direction. (N'oublions pas que les scientifiques ont nié la possibilité de tenir en équilibre sur deux roues tant que les bicyclettes, malgré eux, ne se sont pas mises à rouler).
A ce moment-là, si le professeur, à demi-conscient de l'insuffisance, dans la pratique de son enseignement théorique, veut quelque peu moderniser son enseignement, il introduira à l'Ecole - si les règlements l'y autorisent - un vélo véritable. Evidemment pas pour rouler dans les couloirs, bien sûr. Ce vélo on le mettra prudemment sur cale et les élèves à tour de rôle viendront y faire leurs exercices pratiques, réglés méthodiquement, en suivant jalousement une indispensable progression.
Et quand le cours sera fini, les enfants seront censés savoir rouler à bicyclette. On les lâchera alors dans la vie.
Et, ô miracle ! les enfants roulent à la perfection sur leur vélo, bien mieux certes que leur professeur. Pour celui-ci donc succès complet. Méthode efficace à 100%.
Or, tout le monde sait bien que si on avait lâché des élèves munis de leur seul viatique scolastique, ils auraient bien vite roulé dans le fossé ou tamponné le premier véhicule venu. Que s'est-il donc passé ?
L'enfant qui avait subi les explications du professeur voyait, à la sortie, un vélo inutilisé au bord d'un trottoir. Et là, oubliant totalement les inutiles enseignements du maître, il commençait son apprentissage exclusivement par tâtonnement expérimental : il enfourchait le vélo, non sans avoir repéré un fossé herbu où il irait s'échouer, car c'est ainsi que commence sous tous les cieux et avec tous les enfants du monde, le premier apprentissage de la marche à vélo.
L'enfant se relève, se gratte un peu si nécessaire, inspecte son vélo, puis retourne au sommet de la montée pour reprendre son exercice et aller s'échouer plusieurs mètres plus loin. Quelques exercices semblables encore et il saura marcher à vélo, sans connaître ni la mécanique, ni l'action des pédales, ni les principes majeurs de l'équilibre. Heureusement pour lui car s'il avait troublé son tâtonnement expérimental par des considérations théoriques, il aurait échoué immanquablement. Tout le monde sait en effet qu'on ne tient son équilibre au début qu'à condition de ne pas y penser et qu'on perd sûrement la direction si on fixe les pédales ou le guidon.
Mais comme le professeur n'est pas témoin de cet exercice clandestin, il s'attribue volontiers le bénéfice de la maîtrise que son enseignement a valu à ses élèves et qui constitue effectivement une réussite à 100%
Il en est de même pour le français, pour les sciences, pour le calcul et pour l’Art.
LA MARQUE DE LA SCOLASTIQUE
Nous ne disons pas que la spontanéité peut tout, et qu'il suffit qu'on donne un pinceau à un enfant pour qu'il produise un chef-d'oeuvre Cette spontanéité, elle est à replacer dans le cadre du processus général et universel du tâtonnement expérimental, à même le milieu et la vie. Toujours est-il que, par la méthode naturelle l'enfant se réalise avec une richesse, une subtilité et un allant créateur sans lesquels il ne saurait y avoir oeuvre d'art.
Au lieu de considérer, comme le fait la scolastique, que l'enfant ne sait rien - ce qui est évidemment faux - et qu'il appartient à l'éducateur de tout lui apprendre - ce qui est prétentieux et irréalisable - nous partons, pour notre enseignement des tendances naturelles, chez tout individu sain, à l'action, à la création, à l'amour du beau, au besoin de s'exprimer et de s'extérioriser..
Nous aidons l'individu à se réaliser et à affiner, par l'action, son sens artistique latent. Tout comme, par les mêmes procédés naturels - ceux qu'emploie la maman - nous préservons en lui et cultivons son sens littéraire, poétique, scientifique, mathématique ; et par ce biais, nous allons toujours plus haut et plus loin que ne le fait la scolastique.
Mais que l'Ecole se saisisse de cet enfant de sept ans qui s'exprime en peinture et en dessin avec la même impétuosité qui le fait triompher du vélo ; qu'elle arrête autoritairement le torrent que nous avions mis en branle pour le couler arbitrairement dans le processus traditionnel de la leçon et de la copie et instantanément, en tous cas dans l'espace de quelques jours, la flamine que nous avions allumée vacille et s'éteint ; la fleur prête à s'épanouir se fane et se dessèche.
Il arrive, dans notre pays de Provence qu'un certain nuage venu de la mer et chargé de miasmes et de sel passe, un matin, sur les pommes de terre en fleurs ou sur les boutures d'anémones ou d'oeillets En quelques heures la verdure est grillée comme par un incendie définitif.
Tel est le sort des enfants qu'a prématurément marqués la scolastique. Ils ne savent plus ni dessiner ni peindre ; ils n'ont plus d'idée et attendent passivement que le maître ou le livre leur apportent la becquée. L'élan est éteint.
Il est certes quelques individus privilégiés qui s'accommodent plus ou moins de cette limitation et réussissent malgré la scolastique, ce qui induit en erreur ceux qui la pratiquent. Mais la grande masse des écoliers d'aujourd'hui en sont irrémédiablement marqués, à moins que par un sursaut de défense de leur être, ils s'organisent contre, ou sans l'Ecole, jusqu'à en avoir une irréductible allergie.
Certaines formes d'opposition scolaire, le refus d'étudier, la crainte et la peur de l'Ecole, et tous les multiples aspects de la dyslexie ont comme cause essentielle cette erreur de méthode qui contrarie et anéantit la vie.
Je sais bien que, lisant cela, les éducateurs penseront que je dramatise sans raison puisque les choses ne se passent que rarement ainsi dans leurs classes. S'ils ne mesurent pas les dommages profonds que les méthodes traditionnelles causent à la vie active des enfants, c'est que le milieu corrige leurs erreurs. Il les corrigeait d'une façon presque radicale à l’Ecole de village de naguère où l'enfant participait au travail des champs, dans une atmosphère essentiellement bénéfique. Ce correctif n'existe plus qu'exceptionnellement: dans les villes tentaculaires, dans les zones déshéritées des H.L.M. et des grands ensembles. Et c'est sans doute une des raisons qui rendent plus sensibles et plus impérieux les problèmes complexes qui s'imposent de nos jours aux pouvoirs publics et aux parents d'élèves.
Il serait souhaitable que, pour notre commun enseignement, puisse être menée l'expérience intégrale qui livrerait quelques enfants, de leur naissance à la puberté, à des éducateurs qui les traiteraient exclusivement selon leurs méthodes soi-disant scientifiques.
Nous ne nous avançons pas en prédisant que les enfants qui seraient soumis à cette expérience monstrueuse seraient incapables de réagir aux impératifs de la vie.
Telle serait la faillite de l'Ecole.
J'exagère ?
Cette expérience a été pourtant menée pendant de nombreuses années dans les pays colonisés soumis à l'alphabétisation.
Là, les enfants ne connaissent rien de notre langue. L'éducateur les prend à l'état pur, pourrions-nous dire. Voyons ce que donne la méthode :
Pour ne pas être suspecté de parti-pris, nous donnerons ici le témoignage, à notre avis irrécusable, de M. THABAULT, Directeur, à l'époque, de l'Enseignement au Maroc.
« Dans une école marocaine, créée par l'Alliance Israélite universelle, les instituteurs appliquent les programmes et les horaires français, se servent des manuels publiés à Paris pour les petits Français, et enseignent naturellement la grammaire traditionnelle.
« A la fin de la première année scolaire, gros succès 50 élèves sur 60 savent lire couramment. Mais hélas ! ils ne comprennent pas ce qu'ils disent.
« Le résultat, le voici : Au C.E.P.E., un élève de 15 ans écrivait le texte suivant :
Ma première cigarette !
« FUMER UNE CIGARETTE ; JE ME DÉSIRE DANS MES LÈVRES ; ASPIRER, EXHALER, CELA ME FAIT GRANDIR, MES YEUX ET LES LÈVRES DE MES CAMARADES.
UN JOUR, EN SORTANT DE MA MAISON, UN DE MES COUSINS M'OFFRIT UNE CIGARETTE, ALLUMER, TIRER APRÈS, UN INSTANT SURPRIS, M'ACRETÉ LA BOUCHE, MES YEUX PAPILLOTENT, MA TÊTE CHAVIRÉE, DES COUPS DE SUEUR SE COULENT SUR MON FRONT ET JE FAIS DES EFFORTS POUR VERNIR. MON PÈRE M'A FAIT CONNAÎTRE CE LUI EST ARRIVÉ, CAR LE TABAC CONTIENT DU POISON ET LE POISON EST INUTILE A LA SANTÉ. »
Cet exemple, ajoute M. RIETHMULER, Inspecteur Primaire, qui le cite, n'a pas été choisi pour les besoins de la cause et l'auteur dispose en effet, de beaucoup de documents semblables.
D'autre part, voici, toujours de la même origine, le texte d'un ancien élève de l’Ecole, pourvu du C.E.P.E.
« J'AI REÇU VOTRE HONORÉE DU 7 OCTOBRE 1940 DONT J'AI ÉTÉ EN CONFIRMATION DE MA BONNE NOTE.
D'APRÈS VOTRE RÉPONSE, M. LINSPECTEUR, JE L'AI TRANSMISE A L'ISRAÉLITE QUE JE VOUS AI PARLÉ M'A DIT DE VOUS ÉCRIRE DE NOUVEAU ET VOUS PRIE, MONSIEUR L'INSPECTEUR, DE M'ÉCRIRE EN PAPIER SOUS MON NOM A REMETTRE AU CHEF DE CETTE DITE VILLE QU’IL LES GOUVERNE, AFIN QU'IL LEUR AUTORISE DE COMMENCER L'OUVERTURE DUNE ÉCOLE PAR EUX-MÊMES JUSQU'A L'ALLIANCE SERA PRÊTE, CELA SE RENOUVELLERA AUSSITÔT. »
Et M. RIETHMULER ajoute : « Dans les deux documents on constate : un vocabulaire très étendu, un peu trop littéraire, une orthographe impeccable, mais une invraisemblable lacune en ce qui concerne l'intelligence grammaticale de la phrase française. »
Avec M. THABAULT concluons : « D'un côté, on enseigne le français sans enseigner la grammaire, et on obtient d'excellents résultats parce qu'on fait parler les enfants, parce qu'on a méthodiquement monté en eux des mécanismes de la langue parlée avant de les faire écrire et de les amener à réfléchir à leur savoir.
« D'un autre on obtient, malgré un effort dont nous n'avons pas idée, des résultats très décevants parce que, si on enseigne l'orthographe, le vocabulaire, la grammaire, on ne fait pas parler les enfants ; on est censé les faire réfléchir sur des mécanismes grammaticaux dont ils n'ont pas l'usage.
« Rien ne saurait nous démontrer avec plus d'évidence le caractère défectueux de l'enseignement grammatical: il n'est pas indispensable pour assurer la possession du mécanisme du langage :: il est insuffisant pour en donner l'essentiel. »
Voilà ce que donne en réalité le montage des mécanismes en rédaction sur la base des règles de grammaire. La méthode est définitivement condamnée.
LA GRAMMAIRE CONDAMNÉE
Cette condamnation, si les scoliastes la contestent, tous les grands éducateurs l'ont formulée, d'une façon plus ou moins définitive :
« Je tiens pour un malheur public, écrivait Anatole France, qui s'y connaissait (A. FRANCE. Pierre Nozière.) qu'il y ait des grammaires françaises. Apprendre dans un livre, aux écoliers français, leur langue natale, est quelque chose de monstrueux quand on y pense.
Etudier comme une langue morte la langue vivante, quel, contresens !
Notre langue, c'est notre mère et notre nourrice ; il faut boire à même ; les grammaires sont des biberons. Et Virgile a dit que les enfants nourris au biberon sont indignes de la table des dieux et du lit des déesses. »
Nous donnons, ci-dessous, une liste de citations que chacun d'entre vous pourra d'ailleurs compléter. Il serait intéressant notamment d'interroger les écrivains en renom, et ceux qui le sont moins, les journalistes et les secrétaires, de demander à quelques-uns d'entre eux de répondre aux questions courantes du C.E.P.E. On se rendrait compte alors plus ostensiblement encore de l'inutilité de la grammaire pour l'apprentissage de la langue écrite, (ne parlons pas de la langue parlée où nul ne se réfère à la Grammaire).
« Il faut avouer loyalement que la connaissance minutieuse des règles actuelles ou périmées de la grammaire ne confère pas nécessairement l'art de bien parler ou de bien écrire en français.
Déclarons donc sans réticence, ni timidité, que la meilleure méthode d'enseignement, c'est la pratique de la langue courante dans un milieu cultivé, l'habitude d'un vocabulaire, d'une syntaxe, d'un langage, simples, clairs, corrects, faciles et spontanés. Quiconque aura reçu cette éducation que rien ne remplacera complètement, ignorera peut-être ce que c'est que le passé antérieur ou l'imparfait du subjonctif, mais se servira de ces formes dangereuses avec l'heureuse sécurité de l'inconscience. » FONTAINE (Pour qu'on sache le Français, p.I).
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« Je crois être en droit de dire qu'on fait de la grammaire une plus grande affaire qu'il est besoin. » - LOCKE (de « L'Education des Enfants », 1695).
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« Substituer à l'habileté dans l'art de coller des étiquettes, une étude sérieuse du langage modelé sur la pensée, dût la nomenclature en souffrir, voilà évidemment le but à atteindre. » - FONTAINE (Le problème grammatical).
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« Il faut avouer et reconnaître loyalement que la connaissance minutieuse des règles n'est pas aussi indispensable qu'on pourrait le croire à qui veut parler ou écrire correctement. On peut soutenir qu'il y a un enseignement intuitif et en quelque sorte empirique de la langue française et que la forme didactique n'est pas indispensable. Ce qui importe, c'est la pratique des règles et non leur connaissance théorique. » - DELFOLIE, I.P.
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« On ne construit pas une langue à partir de la grammaire.
a) Une langue n'est pas faite par les grammairiens; elle est l'oeuvre d'un peuple, une oeuvre collective; elle se forme lentement au cours des siècles, et ce n'est qu'à la longue qu'elle arrive à fixer sa forme à peu près définitive. C'est alors, mais alors seulement, que les savants l'étudient, dégagent les règles souvent incertaines d'après lesquelles elle paraît s'être développée. (Albert Dauzat).
b) D'un ensemble vivant et concret, elle tire des abstractions, et ce n'est pas en assemblant celles-ci qu'on peut reconstituer cet ensemble et surtout lui redonner de la vie.
Etant donné le but que nous nous proposons en Alsace, l'enseignement de la grammaire n'est pas indispensable.
Des expériences le prouvent.
Dans des hameaux de la Dordogne patoisante et dans des écoles de la brousse africaine, M. Davesne, directeur de l'Enseignement en A.E.F., a tenté d'enseigner le français sans recourir à la grammaire. Les résultats ont été surprenants, en particulier pour l'orthographe de règles qui, en apparence, dépend si étroitement de la grammaire. »
RIETHMULER, I.P. (Haut-Rhin).
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« Ce qui intéresse l'enfant, ce qu'il peut et doit savoir, c'est le français et non la grammaire française. » - (BRUNO, professeur d'histoire de la langue française à la Sorbonne, et BONY, inspecteur de l'Enseignement primaire, dans la préface à leur livre du Maître de la méthode de la langue française, 2e livre.)
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« La circulaire ministérielle du 28 septembre 1910 qui « enjoint » de rompre avec cette idée fausse que la grammaire est toujours conforme à la logique. »
« La grammaire est l'objet d'une répulsion universelle. Les enfants n'en font que par contrainte et par dégoût. Ils n'y trouvent aucune espèce d'intérêt.
Le cerveau de l'enfant est à peu près incapable des abstractions dont la grammaire est pleine... Plus l'enfant est intelligent, moins il est capable de grammaire, parce que la grammaire est quelque chose d'absurde.
L'enseignement grammatical demeure, avec la théologie, dans notre âge moderne, le seul reste vivant du Moyen âge, la seule forme actuelle de la scolastique. »
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« Etudier la grammaire, c'est se pencher sur un formalisme dont les mécanismes n'ont aucun rapport avec ceux de la pensée.
Nous ne retiendrons que le fait incontestable : la grammaire reste à faire. C'est plus que nous ne demandions. Nous nous inquiétons de savoir si la grammaire a sa place à l'école primaire. Ce souci ne répond à rien puisque à la question que nous nous étions posée : Qu'est-ce que la grammaire ? Il faut répondre que la science grammaticale n'existe pas et que la grammaire que nous enseignons est un pur fatras. » - CABUS, I.P., Lyon.
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« Nous savons le français sans nous donner la peine de l'apprendre. Il suffit d'écouter ceux qui parlent bien et de lire des auteurs qui ont bien écrit. Il semble que ce bienfait de la nature nous ait déplu parce qu'il était gratuit. Nous avons cherché le moyen de faire payer chèrement aux écoliers ce qu'ils pouvaient avoir pour rien, et nous l'avons trouvé. On a traité la langue maternelle comme une langue morte ; on l'a hérissée de grammaire, d'orthographe et d'analyse ; on a élevé autour d'elle un rempart de règles et d'abstractions comme pour dégoûter sans retard les enfants de l'étude ; on les a jetés à peine sortis des bras de la nourrice dans les halliers du participe et dans les broussailles de l'imparfait du subjonctif.
Je voudrais qu'on épargne aux élèves la torture de la grammaire; l'orthographe d'usage leur viendra d'ellemême. Quant aux règles, on les leur enseignera en peu d'heures, lorsqu'ils seront en état de les comprendre. Je ne parle pas des analyses logiques et grammaticales qui semblent n'avoir été inventées que pour tuer le temps de la manière la plus ennuyeuse et la plus triste » - Raoul FRARY (La question du Latin).
« A six ans, sans art, sans grammaire, sans fouet, sans larmes, j'avais appris du latin aussi pur que mon maître le parlait ». - MONTAIGNE.
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« Je n'ai pas besoin d'insister sur le vice de ces définitions qui est de n'avoir aucune valeur pédagogique puisqu'elles
sont à peu près incompréhensibles pour l'enfant. Tous ces grands mots ne correspondent à aucune idée. » - BRUNOT.
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Et voici maintenant, puisées parmi tant d'autres un certain nombre d'usagers qui ne se sont pas contentés d'emboîter le pas, mais qui ont essayé de comprendre et de juger :
« J'ai toujours été « bon » en orthographe, et à dix ans je faisais avec zéro ou une faute les dictées des candidats au C.E.P. (vers 1917). Pourtant, il me souvient de mes terreurs renouvelées les jours de leçons de grammaire. A tel point que, dans mon enfantine superstition, tout en faisant semblant de relire ma leçon, je joignais les doigts et récitais quelque prière en vue de ne pas être interrogé ». D.
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« J'ai appris la langue écrite empiriquement et j'ai appris la grammaire après, vers ma quatorzième année. Les règles délicates (accord des verbes pronominaux, par exemple) n'ont été connues de moi qu'à l'âge adulte, alors que j'exerçais déjà ». – C.
« L'analyse, qu'elle soit « grammaticale » ou « logique » est une énormité à l'école primaire. Je ne suis pas compétent pour savoir si elle est utile plus tard. Quand un enfant sait trouver le verbe, le sujet et le complément d'objet direct (accords du verbe et du sujet, accord des participes), on ne devrait pas lui inculquer autre chose en analyse.
« Certains de mes élèves « forts en analyse » sont plus inaptes que d'autres de leurs camarades dans un texte libre ou un devoir de français ». - R.
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« Je ne serais pas capable de répondre à toutes les questions de grammaire du C.E.P. je m'en suis aperçu à plusieurs reprises; exerçant dans un C.E., mes connaissances grammaticales sont restées très élémentaires et je ne m'en porte pas plus mal ». - G.
« Quant à la grammaire, Cousinet disait, il y a vingt-cinq ans, que son enseignement devrait commencer après 12 ans... et non d'une manière formelle.
« M. Lafitte-Houssat, auteur de « La réforme de l'orthographe », en bannit déjà toutes les questions de formes pour s'attacher au sens et aux fonctions. »
« La grammaire est en somme « la philosophie du langage ». Elle constitue la théorie de la langue. A ce titre, elle reste discutable et discutée. Et personnellement, je me permets de répondre, quitte à passer pour un prétentieux, que la grammaire ne devrait être enseignée qu'à 16 ans dans ses rapports avec la vie, et sans aucune espèce de préoccupation des détails de forme sur lesquels les grammairiens peuvent discuter à perte de vue. - R. LALLEMAND.
*
« Le meilleur élève en rédaction de la classe est-il fatalement celui qui sait analyser ? Essayez un peu de lui faire expliquer telle ou telle forme de phrases employées et surtout de les analyser...
N'est-il jamais arrivé d'avoir un candidat au C.E.P., bon ou moyen en orthographe et incapable d'analyser ?
Un élève qui sait analyser est-il fatalement un élève extraordinaire en français ?
Pourquoi recommande-t-on alors aux élèves de lire pour apprendre la langue ? C'est parce que le profit à en tirer est nettement supérieur à une analyse, fut-elle bien conduite !...
Brunot ne disait-il pas qu'il n'y a rien de plus illogique que l'analyse logique ? »
*
« Malade, cloué sur un lit d'hôpital, de 8 ans 1/2 à 12 ans 1/2, j'ai quitté l'école au sortir du C.E. 2. je n'ai connu, pendant cette période, que deux heures de classe par semaine (orthographe et calcul). Cependant, j'ai eu le loisir de dévorer à longueur de journée livres, journaux, revues, tout ce qui me tombait sous la main car j'étais passionné de lecture.
A 13 ans, après quelques mois de « bourrage » (de Pâques à l’examen), j'ai obtenu le C.E.P. et suis entré au C.C.
Là, je me suis rendu compte de mes lacunes, particulièrement en orthographe où j'étais nul.
Pourtant, j'ai manifesté une grosse supériorité sur mes camarades en français. J'étais en avance sur eux de plusieurs années. Il n'était pas question d'une aptitude particulière car, par la suite, mes camarades m'ont rattrapé et même dépassé. J'ai d'ailleurs toujours préféré sciences et maths.
Je devais donc cette maîtrise exceptionnelle de la langue, à 13 ans, uniquement à mes lectures. Depuis, je ne pense pas, malgré mes études, avoir amélioré mon style. Je précise que j'ignorais alors à peu près tout de toute grammaire et que je l'ai apprise (ainsi que l'orthographe) depuis que je l'enseigne. - M. G.
« J'ai eu le cas dans ma classe - une petite fille, Francine, qui à 9 ans ne se trompait jamais dans ses accords de participes passés - ceci grâce aux fichiers Lallemand. Et qui, du jour où elle a eu connaissance de la règle, s'est mise à faire des fautes régulièrement et ce, pendant très longtemps. La règle l'avait troublée. Depuis, cette gosse exceptionnellement forte en style et en orthographe se refuse complètement à l'étude des règles. » - S. (Nord).
*
« VOUS CHANTEREZ APRÈS... »
Si la grammaire est inutile, son étude arbitraire est nuisible
Si le processus traditionnel d'acquisition est erroné, son usage à l'Ecole ne peut qu'en être dommageable.
Ce n'est pas tant le fait d'étudier les règles par cœur - ce qui n'est pas grave - que la dissociation que les processus scolastiques produisent dans la vie et le comportement des enfants.
Dès cinq et six ans ils s'expriment avec un langage imagé, parfois poétique, qui fait l'enchantement des parents. A dix, onze ans, ils connaissent et parlent de tout. Ils ont en eux déjà une richesse sur laquelle nous n'aurions plus qu'à bâtir.
L'Ecole les fait asseoir sagement, croiser les bras et se taire, en attendant de savoir écrire selon les normes, Tout se passe comme si l'Educateur parâtre disait hargneusement à ses élèves :
« - Ah ! vous croyez savoir écrire et rédiger ! Mais c'est une autre affaire que de raconter vos histoires dans la cour de la récréation et en famille. Rédiger en bon français c'est difficile : il vous faut d'abord connaître les règles et ensuite faire les exercices que nous vous indiquerons, sinon vous resterez des ignorants. »
Comme si on allait dire à un adolescent à la voix d'or : vous n'allez pas chanter ainsi, au hasard, pour gaspiller vos efforts. Il vous faut d'abord connaître les règles du chant. Vous chanterez après.
Et tout le monde s'incline. On étudie les règles ; on écrit comme l'indiquent les manuels. Et lorsque, ayant assez étudié, on serait en droit d'écrire, le charme est rompu. On ne sait plus que dire. L'élève naguère curieux et bavard n'a plus d'idée. Il faut que le maître les lui suggère ou les lui prépare. Le tout aboutit aux honnêtes rédactions du C.E.P.E., où les phrases sont correctes, mais vides de pensées et de sentiment,, banales à en pleurer.
C'est ainsi que l'Ecole, malgré tout ses efforts, prépare une masse d'enfants analphabètes parce que, bien que sachant lire et écrire, ils sont incapables d'exprimer par la plume les difficultés de leur vie, leurs joies et leurs et leurs rêves. Ils ont besoin que des étrangers à leur milieu traduisent, en les trahissant plus ou moins leurs propres sentiments.
Il en résulte que si le peuple possède ses orateurs, un domaine où on n'a pas encore imposé de règles il ne possède pas ses écrivains et, de ce fait, n'est pas encore majeur.
Nous ajouterons que la peur de la règle, de la loi et de ses défenseurs paralyse les individus, les rend hésitatits et timides en face de tous les problèmes de culture, alors même qu'ils peuvent être d'une audace invincible dans les domaines du théâtre, du mime, de la musique, de l'expérience scientifique et de la construction matérielle.
Mais on n'en finirait pas d'exprimer nos griefs.
Si tant d'enfants sont aujourd'hui désaxés et désadaptés en face de la vie, les méthodes erronées en portent une large responsabilité.
La preuve en est que lorsqu'on rétablit les circuits normaux, qu'on entraîne les enfants à s'exprimer naturellement, à construire et à créer, ils lèvent la tête, reprennent le regard vif des audacieux, savent intégrer leurs connaissances dans leurs techniques de vie, et acquérir une culture qui n'est pas un assemblage mort de ce qu'ont produit d'autres hommes, mais un potentiel actif et dynamique de création et d'action.
Ces enfants ne se contenteront plus d'écouter; ils n'auront plus besoin d'intermédiaires dans les luttes qu'ils sauront mener pour améliorer le milieu et maîtriser les éléments.
Ils ne seront plus des écoliers plus ou moins ratés ; ils seront des hommes.
L'Ecole alors pourra se vanter d'avoir rempli sa tâche.
Une Méthode
Naturelle de Grammaire
Je sais que ma démonstration, si éloquente soit-elle, ne vous convaincra pas d'emblée. Les nombreuses citations dont nous avons fait état vous paraîtront elles-mêmes suspectes.
Vous voudriez - et vous avez raison - être sûrs que par la méthode naturelle, vos élèves sauront lire, écrire et rédiger au moins aussi bien que par les méthodes traditionnelles, que leur orthographe n'en sera pas catastrophique - puisse-t-elle être excellente ! - et que leurs succès aux examens n'en seront pas compromis.
Dans l'emploi que nous faisons de nos techniques, nous avons l'habitude de conseiller : « Ne vous lâchez pas des mains avant de toucher des pieds ». Si nous vous recommandons notre méthode naturelle, c'est que nous pouvons vous donner l'assurance que pour l'orthographe, la rédaction, la syntaxe et la grammaire, elle vous vaudra des résultats égaux, sinon supérieurs, à ceux que vous obtenez aujourd'hui avec l'enseignement classique que vous hésitez à abandonner.
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Plus de leçons !
La technique de travail traditionnelle est tout entière basée sur la leçon faite par le maître, étudiée dans le manuel, avec, la plupart du temps des résumés à apprendre par coeur et des devoirs d'application.
C'est une méthode de travail. Elle a aujourd'hui fait ses preuves. On connaît les quelques avantages qu'elle présente : avec un minimum d'initiative et de don de soi, mécaniquement, en suivant les manuels, n'importe quel instituteur peut « voir » le programme, même sans avoir fait le long apprentissage de l’Ecole Normale.
Mais on a toujours hésité à en divulguer les inconvénients et les dangers, parce que critiquer ce que l'on ne peut ou ne sait remplacer c'est dénigrer, et que dénigrer est toujours une position difficile et délicate.
Nous qui, par suite d'une longue expérience, savons aujourd'hui où nous allons, pouvons nous payer l'audace de dire que la technique traditionnelle des devoirs et des leçons présente, en grammaire comme d'ailleurs pour toutes les disciplines, et parmi d'autres tares, celle de n'avoir qu'une efficience extrêmement réduite.
L'instituteur fait sa leçon de grammaire et de français, la plupart du temps sans conviction ni chaleur, car il n'y a rien qui use plus, et déforme comme de pontifier sans cesse devant un auditoire qui ne participe pas en profondeur, d'une façon vivante, au thème traité. Il est prouvé en effet que, à de rares exceptions près, et sur quelques sujets seulement de ces leçons, l'enfant n'écoute pas avec tout son être. Et comme cependant la passivité n'est pas son fait il se donne à l'éducateur tout juste assez pour éviter la punition ou l'échec à l'examen pendant que le meilleur de lui-même continue à suivre, comme clandestinement, la ligne vitale de ses intérêts et de ses besoins.
Avant même que la psychologie ait dévoilé ce dédoublement mortel pour l'Ecole, les pédagogues avaient senti l'insuffisance des leçons doctorales puisqu'ils avaient vu la nécessité de les doubler et de les prolonger par l'étude sur le manuel de ces mêmes leçons. Rabâchage plus fastidieux encore et qui ne donnait quelque rendement que si on en contrôlait scrupuleusement l'exécution par les résumés à apprendre par coeur et les devoirs à faire.
Or, on peut tricher quand le maître parle ou quand on lit la leçon. Mais un résumé est su ou n'est pas su, un devoir est juste ou faux... Terrible obligation qui empoisonne la vie des écoliers, de ceux surtout - et ils sont l'immense masse - à qui coûte exagérément un un effort de mémoire et de compréhension qui leur est anormalement et inhumainement imposé.
C'est ce travail inutile et excédant qui use les générations d'écoliers, les dégoûte du travail et parfois hélas ! leur fait haïr l’Ecole.
Devoirs et leçons sont ainsi à la base de tout le système de coercition imaginé par les règlements et les pédagogues. Il est impossible de travailler avec les enfants dans l'atmosphère de confiance et de collaboration indispensable à toute oeuvre d'éducation, quand tout au long du jour le maître, livre en mains - car il n'a pas besoin, lui, de savoir par coeur, et ce n'est pas là la moins criante des injustices - contrôle leçons et devoirs. Les punitions sont le complément nécessaire d'une telle méthode de travail.
Ah ! si nous pouvions supprimer dans nos classes toutes les leçons faites ex-cathedra par les éducateurs si nous pouvions éliminer tous les résumés à apprendre, tous les devoirs à faire ! Comme l'Ecole paraîtrait alors aux enfants et aux adultes, lumineuse et claire ; comme on y travaillerait avec joie et sans hypocrisie ; comme la collaboration y serait agréable et combien changerait aussi, du même coup, le rôle de l'éducateur qui vivrait enfin au sein de la vraie vie.
C'est cette possibilité que nous avons réalisée pour toutes les disciplines scolaires, par la mise au point de nos méthodes naturelles de lecture - d'écriture – d’histoire - de géographie - de sciences - de calcul - de dessin et de peinture.
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C'est en forgeant qu on devient forgeron !
Pour toutes les disciplines donc, nous inversons les processus d'apprentissage en plaçant à l'origine non la règle et les leçons mais la pratique et l'action.
Dans notre méthode naturelle d'apprentissage de la langue, nous partons non du texte d'adulte, mais de la vie de l'enfant, de son expression orale et écrite, de son TEXTE LIBRE qui est devenu aujourd'hui une pratique officielle de l'Ecole française - et c'est là un des premiers résultats positifs de nos techniques.
Pour la compréhension et la justification de cette technique du TEXTE LIBRE, nous renvoyons nos lecteurs au n° 3 de notre BIBLIOTHÈQUE DE L'ECOLE MODERNE consacré au TEXTE LIBRE.
Nous rappellerons seulement que le succès et la généralisation de nos méthodes naturelles sont basées, sur une conception nouvelle des processus d'acquisition et d'apprentissage : le Tâtonnement expérimental. Quiconque faute de le connaître, n'admet pas ce processus, ne pourra jamais comprendre que notre point de départ soit juste et donc recommandable.
Les éducateurs, tous formés et déformés par l'Ecole, sont persuadés que rien ne peut s'acquérir sans un apprentissage méthodique dont la Faculté prétend enseigner les lois. C'est ainsi que, devant une belle peinture d'enfant, avant de s'émouvoir d'un beau texte ou d'un poème pur et sensible, le scoliaste se pose et nous pose la question préalable :
- Mais vous ne viendrez pas nous faire croire que l'enfant sait dessiner si vous ne lui apprenez pas comme il se doit les lois et les règles du dessin et de la tenue du pinceau; qu'il peut écrire un poème valable si vous ne le lui avez pas appris ?
Par le TATONNEMENT EXPÉRIMENTAL, processus naturel et universel, nous expliquons cela à ceux pour qui les preuves que nous en donnons ne suffiraient pas.
Nos méthodes naturelles sont fondées exactement sur les mêmes principes que les pratiques ancestrales qui assurent, avec un total succès, l'acquisition par l'enfant du langage et de la marche, techniques pour lesquelles nul n'a encore essayé la pratique, qui apparaîtrait monstrueuse, des règles, des devoirs et des leçons.
C'est vraiment en forgeant qu'on devient forgeron c'est en parlant qu'on apprend à parler ; c'est en écrivant qu'on apprend à écrire. Il n'y a pas d'autre règle souveraine et qui ne s'y conforme pas commet une erreur aux conséquences incalculables.
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Telle est la loi du TATONNEMENT EXPÉRIMENTAL. Mais encore faut-il qu'elle fonctionne normalement.
L'enfant apprend à parler en un temps record parce qu'il ne s'arrête pas de parler, et que sa maman n'arrête pas non plus de l'écouter et de lui parler.
L'enfant apprendrait de même à écrire à la perfection sans aucun exercice systématique et sans règle spéciale si les mêmes conditions indispensables étaient remplies ; c'est-à-dire si l'enfant écrivait et lisait non seulement quelques minutes par jour mais pour ainsi dire en permanence.
On comprend donc que, de ce point de vue, le seul TEXTE LIBRE ne saurait y suffire, avec la rédaction par l'enfant de un, deux ou trois textes par semaine et la mise au point journalière d'un de ces textes. C'est un peu comme si l'enfant n'était autorisé à écrire et à être écouté par la maman qu'une heure par jour seulement. Dans ce cas-là, évidemment, on serait obligé, pour pallier cette insuffisance, de faire appel à des processus artificiels correctifs ou complémentaires dont nous ne garantissons pas l'efficience.
Dans nos classes, nous pouvons réduire presque à zéro cette part d'ersatz pour que nos enfants :
- écrivent fréquemment des Textes libres ;
- que ces textes libres soient naturellement lus à la classe pour le choix du texte à imprimer ;
- qu'ils lisent les textes et les lettres reçus de leurs correspondants ;
- qu'ils écrivent à leurs correspondants ;
- qu'ils rédigent tout au long de la semaine, conformément à leur plan de travail, des textes pour comptes rendus et conférences ;
- que leurs pensées et l'expression de ces pensées soient vraiment au centre de leur vie.
Si cette activité d'expression créatrice motivée pouvait être représentée dans la vie extra-scolaire, le mécanisme d'apprentissage naturel fonctionnerait à 100%.
Il ne fonctionne qu'à 50% si on fait seulement Texte libre, comptes rendus et conférences.
Il ne fonctionnera qu'à 20% si on fait seulement un texte libre sans résonances scolaires et extra-scolaires.
Il ne donnera qu'à 5% si on fait le texte libre sans imprimerie, sans correspondance et sans journal.
Ce qui veut dire que la part d'exercices formels sera en proportions inverses de l'activité créatrice.
LES EXERCICES DE GRAMMAIRE
Parmi les exercices dont nous avons vu la nécessité, en compensation de certaines insuffisances du tâtonnernent expérimental dans la pratique actuelle de la méthode naturelle, nous distinguerons :
1° L'EXERCICE VIVANT QUI SE FAIT NOTAMMENT AU COURS DE LA MISE AU POINT COLLECTIVE DU TEXTE.
On ne parvient jamais du premier coup, même si on est adulte et entraîné, à écrire un texte parfait. Il faut même habituer les enfants à considérer que la nécessité où ils sont de revoir de polir, de perfectionner leur texte, est non une démarche scolaire mais un processus qui est dans l'ordre des choses et auquel les adultes eux-mêmes doivent s'habituer.
a) L'ordonnance du texte d'abord
Le texte de premier jet est très souvent mal balancé l'entrée en matière en est couramment trop longue. L'enfant ne sait pas toujours concentrer sa pensée et son écrit sur le fait essentiel, ce qui rend les préliminaires longs et fastidieux.
C'est là d'ailleurs un travers qui n'est pas spécifiquement enfantin : on connaît dans la vie ces parleurs acharnés qui s'attardent à l'accessoire et à qui on voudrait bien dire : Venez donc au fait !
Il ne faut jamais expliquer ces choses-là par des régles plus ou moins officielles, mais par la simple expérience de la vie. Le temps nous est limité, et la place dans l'imprime ; alors, pour employer un mot à la mode, nous jetons des flashes. Comme au cinéma qui nous fait entrer d'emblée dans la vie des personnages.
Il n’est pas du tout indispensable de donner une conclusion comme dans les rédactions bien faites où il faut tirer un enseignement. Très souvent au contraire on termine sur des mots qui laissent grandes ouvertes les portes de l'avenir, vers lesquelles l'imagination pourra naviguer à son aise. Il vous sera même facile de trouver des exemples.
b) La compréhension du texte
Il arrive souvent que dans ses textes, comme dans ses récits l'enfant fasse trop de place à l'accessoire et néglige l'essentiel, ou que les explications qu'il donne, toutes subjectives, soient mal compréhensibles. Certains éléments manquent ou apparaissent inexacts ou insuffisants.
Avec la participation des élèves, nous allons compléter et aménager le texte pour qu'il dise vraiment, explicitement, ce que nous en attendons.
c) La syntaxe ensuite : c'est-à-dire la rédaction des phrases.
Quels sont là les buts recherchés ?
Il faut que la phrase soit parfaitement compréhensible. Attention alors aux phrases trop longues et embrouillées, avec des articles, des pronoms ou des verbes mal employés, qui risquent les erreurs et les malentendus. Et cela nous amènera à examiner attentivement le rôle des adjectifs et des pronoms.
Le balancement et l'harmonie des phrases et du texte. Les enfants y sont naturellement sensibles. Ils comprennent que, pour cette harmonie on doit parfois compléter des phrases qui tombent trop brutalement, changer ou modifier certains mots vulgaires, pompiers, ou n'ayant pas une résonance en accord avec le texte.
Ce travail correspond à celui de l'enfant qui équilibre son dessin ou sa peinture pour lui donner richesse et harmonie, ajoutant un élément dans un coin vide, rehaussant d'une touche une zone monotone.
Nous donnerons plus loin quelques exemples de cette mise au point syntaxique.
Évidemment, il appartient au maître d'orienter et de diriger cette mise au point en fonction des nécessités syntaxiques réglementaires. Il n'aura pas à apporter de règles dans un travail qui est tout de subtilité, et, de ce fait, difficile à définir. C'est vraiment d'une sorte de polissage du texte qu'il s'agit, et qui se fait par le seul tâtonnement expérimental.
- Les méthodes traditionnelles ont un exercice dont elles font d'ordinaire un grand usage : L'enrichissement des phrases.
Nous faisons plus que de l'enrichissement mécanique nous donnons à nos textes l'expression subtile, l'âme, le sentiment de la beauté qui leur sont essentiels. Ce travail de mise au point exactement comparable à celui de l'adulte, écrivain ou poète, est particulièrement sensible dans la mise au point collective de nos poèmes d'enfants. Il ne comporte aucune norme précise : on barre, on recommence, on revient parfois à l'expression spontanée que le travail ultérieur risquait de pervertir. C'est la création littéraire dans toute sa complexité, mais aussi avec toutes ses vertus enthousiasmantes et fécondes.
Dans ce travail de mise au point d'ailleurs, l'exemple des réussites d'adultes et d'enfants reste déterminant cela fait partie du processus de tâtonnement expérimental.
D'où la nécessité d'avoir sous la main dans notre fichier documentaire ou dans notre Bibliothèque de travail, de beaux textes d'écrivains ou de poètes, qu'on lit à point nommé pour montrer comment d'autres personnes, en pareilles circonstances, ont usé des mots et des phrases pour exprimer avec brio leurs pensées et leurs réactions en face des éléments de la vie.
L'erreur des méthodes traditionnelles est de partir des textes d'écrivains pour prétendre enseigner la langue.
A l'origine, il faut toujours l'expression et la création personnelles. C'est quand un auteur écrit un texte ou un poème qui a eu les honneurs du choix de la classe, et qui a été magnifié par l'imprimerie ; quand il s'est mesuré aux mêmes difficultés que les écrivains et les poètes ; lorsqu'il a pris conscience de ses insuffisances et de ses succès, qu'il apprécie vraiment l'oeuvre des autres. On les aborde alors tout à la fois avec une plus grande sensibilité, et en même temps avec un sens critique actif, juste et sûr, avec l'esprit du connaisseur.
Il y a là un élément d'éducation qu'on néglige trop souvent. Vous pourrez faire des leçons sur la construction d'une maison, l'utilisation des divers matériaux et la technique de leur emploi ; vous n'aurez enseigné que des mots, sans influence sur le comportement et la vie des individus, qui donc ne creusent pas leur trace indélébile sur le destin des hommes.
Mais si vous avez travaillé effectivement à la construction d'une maison ; si vous avez affronté, pas toujours avec succès, les aléas d'un mortier, la fragilité des briques, la rigidité de l'aplomb ; si vous avez procédé vous-mêmes à ce tâtonnement expérimental de base, alors vous serez vraiment sensibles à l'expérience d'autrui et vous progresserez avec une rapidité et une sûreté qui vous étonneront. C'est cela la vraie voie de la méthode naturelle de tâtonnement expérimental qui n'a que faire d'un enseignement didactique et de règles à apprendre.
On vous dira parfois que c'est une méthode trop lente, qui ne vous fait pas assez bénéficier de l'expérience de ceux qui nous ont procédés.
Il ne s'agit pas de savoir si la méthode est plus lente. Elle est la seule valable, comme la méthode naturelle de tâtonnement expérimental est la seule qui permette aux enfants d'acquérir à la perfection la maîtrise de la marche.
Pour cet enseignement donc, nous ne donnerons aucune règle puisqu'il n'y en a aucune de valable, mais seulement des exemples pour que vous puissiez vous entraîner vous-même à cette nouvelle technique, en attendant qu'on l'enseigne dans les Ecoles Normales et dans les livres et revues, pour parvenir à une réussite généralisée.
***
DEPUIS
L'ÉCOLE MATERNELLE...
Voici un plan récapitulatif de l'évolution aux divers cours du processus naturel de tâtonnement expérimental pour la maîtrise de la langue.
PREMIER STADE
A I'Ecole maternelle et enfantine
Les premiers textes que, dès l’Ecole maternelle, on transcrit des récits enfantins sont naturellement excessivement simples : un sujet, un verbe, parfois un complément. Les mots isolés, en apostrophes, les interpellations, les exclamations y tiennent, ou devraient y tenir une grande place. Nous disons « devraient » car les institutrices se croient souvent obligées de traduire en style académique les phrases d'un ou deux mots, accompagnés, il est vrai, de gestes adéquats.
La maîtresse écrira :
Lucien avait fait une balançoire.
la corde a cassé.
Marcelle a culbuté.
C'est juste, fidèle, mais sec et froid comme un procès-verbal de gendarme. Nous le préférerions plus près de l'expression enfantine:
Oh ! la belle balançoire de Lucien !
Mais crac !
la corde casse.
Marcelle... patapouf !
N'oublions pas que le français n'est pas une construction arbitraire et logique mais une langue essentiellement vivante, et qu'on ne parle pas, qu'on ne doit pas écrire en 1963 comme on le faisait en 1900.
DEUXIÈME STADE
Premières complications
Mais, bien vite, les textes se compliquent, avec des adjectifs, des pronoms, des conjonctions et des négations qui sont très tôt du langage de l'enfant, même si on ne sait ni les identifier ni les définir.
J'ai une chatte noire.
L'autre jour, elle a fait des petits chats.
Il y en a un noir et un gris.
Ils n'ouvrent pas encore les yeux.
A ce stade, dans nos classes, l'enfant s'ingénie à écrire lui-même ses lettres et ses textes, et c'est alors que commence le vrai travail de composition et de création, dont nous avons montré le processus dans notre ouvrage : Méthode Naturelle de Lecture (Coll. BEM n° 8-9 (CEL - Cannes))
Nous insistons bien sur ce point : si maladroits soient-ils, ces textes ainsi rédigés sont les premiers exercices indispensables ; ils sont les premiers essais pour monter à bicyclette. Ne vous alarmez pas plus des erreurs et des fautes qu'ils contiennent que des premières chutes de vélo. L'essentiel est que l'enfant éprouve et conserve le besoin d'écrire qui lui fera surmonter toutes les difficultés.
A ce stade, nous ne faisons encore aucune observation systématique de grammaire et de syntaxe. L'exercice vivant nous suffit.
TROISIÈME STADE
La construction du texte
A ce stade qui correspond au C.P., nous n'apporterons encore aucune observation technique sur la structure, la composition de la phrase, le nom et la fonction des mots. Il faut d'abord que l'enfant sache monter à bicyclette.
Seulement, il sera nécessaire que, sous les yeux des élèves, avec leur collaboration active d'ailleurs, nous ajustions le plus possible le texte original à la vraie pensée enfantine qu'il doit traduire, non par une rigide fidélité dans les mots, mais dans la rédaction exaltante, dans l'épanouissement d'une pensée encore à la genèse.
Mimine avait écrit :
Le soir, j'entends la chouette : tiou ! tiou !
je suis dans mon lit; je l'écoute.
Chante tous les soirs, petite chouette.
Ce texte simple, mais qui traduit seulement le fait nu, l'aube d'observation et de pensée, sans cortège affectif, la classe l'a enrichi, et cet enrichissement s'est fait, tout naturellement, par la complication de la phrase à une ou plusieurs propositions, avec adjonction d'adjectifs, et de formes nouvelles.
Le texte est ainsi devenu :
Le soir, dans son petit nid, la chouette fait tiou ! tiou ! tiou !
Oh ! belle chouette, toi qui nous fais le coeur joyeux, moi, dans mon lit, je t'écoute.
Chante tous les soirs, petite chouette
MIMINE.
A ce stade, cette mise au point se fait encore sans aucun souci d'explication grammaticale. Ensemble, nous polissons notre texte pour lui faire rendre au maximum notre pensée profonde, ce qui est le vrai et le seul but de l'expression écrite.
L'enfant se rend compte lui-même intuitivement, des mots précieux et des tournures qui donnent à cette expression profondeur et majesté. Selon le principe de tâtonnement expérimental, il essaiera à l'avenir de s'orienter vers cette perfection.
Au cours de ces trois premiers stades, c'est donc exclusivement par l'expression libre, pour ainsi dire permanente des élèves et par le polissage en commun des textes que se fait l'initiation grammaticale.
A la fin de ce stade (C.P. et début de C.E.), nous obtenons dans nos classes, après polissage en commun, des textes comme celui-ci qui est si bien à l'image de l'expression parlée de l'enfant, dont on croit entendre l'intonation et voir la mimique.
A LA MONTAGNE
Joseph s'en est allé tout seul à la montagne, tout seul, tout le long du chemin de Rochebarron.
Il allait chercher son oncle qui charriait du bois.
Ah ! malheureux ! si l'aigle l'avait pris ! ce grand aigle qui tournait au-dessus de sa tête ! Heureusement, l'oncle a crié. L'aigle a pris la fuite à tire d'ailes.
Joseph PEROSINO, 9 ans.
QUATRIÈME STADE
Les observations grammaticales et syntaxiques
Jusqu'à présent, nous nous sommes contentés de mettre au point nos textes, de les polir et de les compléter. Nous n'avons donné aucune explication grammaticale. Nous avons simplement rédigé, et nos élèves ont suivi notre exemple et amélioré sans cesse leur technique d'expression écrite.
Nous sommes montés à vélo de notre mieux, nous avons fait quelques exercices déjà compliqués, mais sanis aucune explication d'aucune sorte.
Nous allons maintenant appuyer et doubler cet exercice de quelques explications élémentaires, en donnant un nom aux pièces du vélo, en justifiant certains gestes et certaines pratiques :
Tu appuies sur la pédale de la pointe du pied parce que cela donne de la souplesse à ton mouvement. Tu lances ton premier coup de frein sur la roue arrière... A ce moment-là... etc...
Nous ferons de même pour nos textes. Notre travail de polissage s'accompagnera désormais d'explications techniques qui le justifient et le rendent plus conscient.
Un enfant a apporté le texte suivant
LE BAL
Mon papa m'a raconté qu'étant jeune on dansait dans ma grange.
On dansait tous les dimanches.
Le joueur montait sur un tonneau et jouait, et les autres dansaient.
Cela faisait beaucoup de bruit, car on avait de gros sabots, et le joueur frappait encore de ses sabots.
Puis on s'arrêtait un moment et l'on buvait un verre de vin et on recommençait.
C'est un texte qu'il nous faut polir, tout à la fois, au point de vue syntaxique et au point de vue grammatical.
Un écrit doit toujours exprimer exactement ce qu'on veut dire et le lecteur, même non initié doit comprendre parfaitement et en totalité ce qu'on a voulu exprimer.
Nous poserons fréquemment la question : est-ce que nos correspondants comprendront bien ?
« On dansait dans la grange ». D'un mot, ou d'un qualificatif ne pourrions-nous pas préciser ce qu'est cette grange ? Essayons de trouver ce qualificatif : grange sombre, grange décorée, ou ma grange étroite, ou, branlante...
Nous préciserons et l'enfant comprendra ainsi, sans aucune définition, ce qui est la fonction que remplit le qualificatif.
Nos correspondants voudraient sans doute savoir de quel instrument jouait le musicien. Il faudrait le préciser d'une expression ou d'un adjectif. Nous dirons : Le joueur de vielle.
Il nous faudrait aussi préciser de façon vivante et peut-être humoristique l'action du musicien qui frappait avec ses gros sabots. Et pour faire encore plus de bruit, le joueur faisait entrer en danse ses lourds sabots.
On buvait un verre de vin. De quel vin buvait-on ? le buvait-on ? A une table ou à une bouteille ? »
Nous mettrons : On buvait un verre de vin du pays.
Nous récrirons alors le texte en l'améliorant encore, au point de vue grammatical : emploi inexact de étant jeune. Répétition de on dansait. Répétition de et.
Nous aurons alors le texte suivant
Quand mon papa était jeune, on dansait tous les dimanches dans ma vaste grange.
Le joueur de vielle, monté sur un tonneau, jouait pendant que jeunes gens et jeunes filles dansaient. Cela faisait beaucoup de bruit car les danseurs avaient de gros sabots et, pour faire encore plus de bruit, le joueur faisait entrer en danse ses lourds sabots.
On s'arrêtait de temps en temps pour boire un verre de vin du pays, puis on recommençait.
Le texte est maintenant au net. Certaines notions ont été comprises, d'autres suggérées. Ce travail de construction vivante, d'ajustement de la forme écrite à la pensée et à son expression sont la contribution éminente et essentielle que nous apportons par nos techniques au problème de la langue. Rien, dans ce sens, n'était fait avant nous. Par le texte libre ainsi conçu, et par sa mise au point collective sous la direction du maitre, nous donnons à nos élèves la maîtrise de l'outil.
C'est à cette technique de base, plus qu'à tous les exercices plus ou moins systématiques que nous pourrions y greffer que nous devons les progrès extraordinaires réalisés dans nos classes et l'intérêt permanent des enfants pour la construction créatrice.
Nous construisons la grammaire et la langue. Quand on a construit une route, on la connaît et on est à pied d'oeuvre pour en user avec profit.
***
CINQUIÈME STADE :
EXPLOITATION GRAMMATICALE
ET SYNTAXIQUE DU TEXTE LIBRE
Lorsque la phase constructive précédente aura attiré l'attention active des enfants sur certains mots et expressions, sur les formes particulières d'emploi, nous pourrons alors, avec profit, aux Cours élémentaires et moyens, approfondir les connaissances et les dominer.
L'acquisition formelle des connaissances grammaticales
Nous l'avons dit, elles seraient totalement inutiles si le processus de tâtonnement expérimental fonctionnait normalement. Comme ce n'est pas souvent le cas, il nous faut prévoir une certaine série d'exercices de grammaire qui sont, d'ailleurs, indispensables pour satisfaire aux programmes et aux examens. Ils ne sont ni dangereux ni obsédants s'ils ne sont que, ce qu'ils doivent être, des accessoires qui laissent toujours au premier rang, l'acquisition de la langue.
Voici comment nous opérons :
1° Dès, que le texte est mis au point au tableau, nous procédons tous les jours à un rapide exercice de reconnaissance des mots. La chose est beaucoup plus simple qu'on ne croit si on a acquis au préalable la maîtrise orale de la langue.
- les noms sont faciles à reconnaître, noms communs et noms propres.
- il en est de même des adjectifs qualificatifs et des verbes. Pour quiconque est entraîné à vivre la langue, toute définition est superflue.
- le pronom est un peu plus délicat à déterminer. Nous y reviendrons plus souvent.
- Nous reconnaîtrons très vite à l'usage les articles et les adverbes.
Si on fait très rapidement sur chaque texte cet exercice intelligent, sans règle spéciale ni par coeur, nos enfants seront en mesure de répondre aux questions qu'on leur pose ordinairement au CM et en FE.
2° Ce travail de reconnaissance nous amène à détecter les trous pour lesquels nous mènerons quelques exercices spéciaux.
- sur les pluriels divers et les féminins.
- l'usage des adjectifs et des pronoms démonstratifs (qui montrent - on peut faire le geste) et les possessifs (lorsqu'on peut mettre SOI et NOUS).
- et surtout sur les verbes que nous observerons, sans cesse, dans la vie de la phrase et pour lesquels nous pourrons faire de nombreux exercices de conjugaison.
3° Vous pourrez aussi faire quelques exercices plus ou moins classiques de grammaire, sans vous illusionner sur leur portée, toujours fonction de l'esprit dans lequel vous les faites.
Il en est de même de nos Fichiers auto-correctifs de grammaire et de conjugaison.
Ils ont déjà, par eux-mêmes, cette supériorité sur les exercices traditionnels qu'ils sont auto-correctifs, c'est-à-dire que l'enfant peut donc mieux marcher à son pas et qu'il se corrige lui-même, ce qui le soustrait partiellement du moins à l'autorité du maître.
Mais on a tendance aussi à les employer mécaniquement, en partant de A jusqu'à Z, en réduisant au maximum la part de compréhension et de bon sens, ce qui devient un danger. Il y a un emploi de ces fichiers que nous recommandons parce que plus intelligent - selon les trous constatés, on indique aux enfants les exercices à faire, qui jouent aussi pleinement leur fonction.
4° L'analyse logique : Elle est insoluble pour les enfants si elle est présentée comme un rébus aux noms barbares
A même nos textes, nous expliquons qu'il y a dans les phrases complexes une proposition qui est principale parce qu'elle est nécessaire à la compréhension du texte. Si on l'enlève, la phrase n'a plus de sens.
S'il y a deux propositions semblables qu'on ne peut enlever, ce sont deux propositions principales coordonnées. Les autres propositions, dont on peut éventuellement se passer sont subordonnées.
Tout le reste n'est que détail et formalisme dont vous trouverez les éléments dans vos livres de grammaire.
5° Dans quelle mesure la copie des textes facilite-t-elle la grammaire et l'orthographe ?
Nous ne lui accordons pas grand crédit et ne faisons copier dans nos classes que les textes mis au point au tableau. Et encore pas d'une façon uniforme. Nous préférons de beaucoup à cette copie vite passive, le travail constructif qui se fait avec les textes libres, les albums, les lettres, les comptes rendus et les conférences. La composition à l'imprimerie est, par contre, un travail que nous employons de façon régulière avec les enfants qui, pour diverses raisons, font beaucoup trop de fautes.
Là l'enfant ne peut pas écrire n'importe quoi. Les mots se forment lettre à lettre et la ligne doit être impeccable. C'est un impératif technique dont l'enfant a conscience, non pour un exercice sans but mais pour un travail puissamment motivé.
Tout cela nous vaut une reconsidération tout à la fois manuelle et psychique des processus d'apprentissage.
6° Et la dictée ?
On a dit beaucoup de mal de la dictée, et on a raison si on a l'illusion qu'elle peut se suffire pour l'apprentissage de l'orthographe. Elle est nocive pour l'enfant si elle n'est qu'exercice scolaire dont les fautes sont impitoyablement sanctionnées par les notes et le classement.
Mais si on se dégage de cette servitude scolaire, nous nous rendons compte que l'usage de la dictée peut être bénéfique.
Nos enfants aiment les dictées qui sont pour eux une occasion régulière de se mesurer à eux-mêmes et aux autres. Mais les dictées standardisées en vue des examens ont l'inconvénient de contenir, à dessein, une accumulation de formules et de mots difficiles qui préparent l'échec, à moins qu'on ait subi au préalable un solide bachotage.
Nous recommandons une autre forme de dictée, mieux conforme à notre pédagogie de tâtonnement expérimental. Dans les dictées standardisées, on accumule en quelques phrases les difficultés grammaticales et orthographiques. Comme si on plaçait devant le cheval qu'on entraine à sauter, une succession d'obstacles qui ne lui donnent pas le temps de souffler et auxquels il butte finalement - ce qui est dans un apprentissage une faute qu'on ne pourra peut-être plus rattraper.
Dans la pratique, nos enfants ont rarement à faire face à une telle accumulation de difficultés. Ou bien, ils abandonnent la partie. Nous leur dictons des textes du langage courant, et quand ils se heurtent à des difficultés qui pourraient leur donner le sentiment de l'échec, nous les aidons tout simplement. Nos élèves sont alors en mesure de copier un texte d'une page sans faute. Ils sont sauvés.
Le maitre n'a aucune correction à faire. La victoire nous est commune à tous.
C'est à dessein que nous n'entrons pas dans le détail de la technique de grammaire et de vocabulaire.
Si par le texte libre et son exploitation à même la vie, vous avez appris à vos enfants à rédiger; si chemin faisant vous leur avez, par une méthode naturelle de bon sens, donné l'intuition des divers mécanismes, le problème de l'acquisition de ces mécanismes se pose alors pour le Français comme pour les Sciences ou le Calcul. L'essentiel est d'abord de donner ou d'entretenir et de développer le sens qui est comme une compréhension profonde, tout à la fois intuitive, scientifique et sensible des problèmes complexes se rapportant à ces disciplines. Quand vous possédez ce sens, l'acquisition des mécanismes en est éclairée et simplifiée. Vous pouvez l'aborder alors par n'importe quel biais, sans tellement vous préoccuper et de règles et de progressions. Vous prendrez tout simplement une grammaire classique si vous n'avez pas mieux et vous travaillerez avec vos enfants à pénétrer les notions indispensables. Et si, pour suivre le programme ou pour affronter les examens, il vous faut quelque peu bachoter, expliquez à vos enfants et allez-y sans crainte. Ils sauront s'y plier sans dommage pour leur formation et leur équilibre.
Tout ce que nous pouvons vous dire, c'est que les enfants formés selon notre pédagogie, sont toujours parmi les premiers en rédaction au Certificat d'Etudes, parce qu'ils ont la maîtrise de la langue écrite ; qu'ils font moins de fautes aux dictées que leurs concurrents traditionnels, et qu'ils savent répondre aux questions avec une logique et un bon sens qui sont toujours très appréciés.
Vocabulaire et chasse aux mots
Le vocabulaire tient, lui aussi, une grande place dans les préoccupations des éducateurs chargés de la culture de la langue.
Cela se comprenait au début du siècle, lorsque les enfants, vivant dans un milieu pauvre, n'avaient qu'un vocabulaire rudimentaire.
A ce moment-là, il fallait bien d'une façon ou de l'autre, de gré ou de force, leur apprendre des mots pour les aider à enrichir leur langage et les aider à comprendre les livres qu'ils auraient l'occasion d'approcher. Seuls alors, les fils de bourgeois et d'instituteurs avaient un vocabulaire fourni qui leur permettait d'affronter la culture.
Les choses ont totalement changé aujourd'hui. Par suite de l'intensification des échanges par les journaux, la presse, la radio et la télévision, les enfants - tous les enfants - ont de très bonne heure un vocabulaire considérablement riche. Ils connaissent et savent tout. Ils connaissent mal peut-être, mais ils n'en sont pas moins riches de mots, même si ces mots ne représentent encore aucune expression précise.
Il est inutile dès lors, de prétendre enseigner des mots nouveaux à ces enfants. Il suffit de partir de ce qui est en nous appliquant seulement à ordonner, préciser, vivifier et humaniser ce vocabulaire.
C'est en considération de cette réalité nouvelle que nous appelons nos exercices, non plus vocabulaire, mais chasse aux mots. Sur les thèmes divers nés de nos textes libres et selon les difficultés, nous reconsidérons, nous classons, nous explicitons les mots qui sont déjà du langage enfantin, mais qu'il nous faut ajuster à la vie.
La chasse aux mots, telle que nous l'entendons est toujours rattachée à notre texte libre dont elle est l'exploitation.
I° VOCABULAIRE SIMPLE : Recherche de mots se rapportant à un centre d'intérêts issu d'un texte.
Par exemple, un texte sur les bateaux nous donnera la chasse aux mots suivante :
LES BATEAUX
Le gouvernail, les rames les voiles, la cale, l'ancre, babord, tribord, les canots de sauvetage, les cordages, les roulis, le tangage, le mal de mer, charger, décharger, les grues, les dockers, l'aspirateur, le pont, le hamac, le capitaine, les cuisiniers, la chaufferie.
S'il s'agit de la chasse, les mots foisonneront aussi. S'il gèle, de même. Il suffit, chemin faisant, d'examiner dans leur structure et leur fonction les mots nouveaux que nous avons avantage à accueillir toujours dans leur complexe vital.
La liste de ces chasses aux mots est à peu près inépuisable. Il sera bon cependant de prévoir un tableau général des centres d'intérêts possibles afin d'éviter les répétitions de thèmes.
Ce genre de chasse aux mots ne vise qu'à une meilleure connaissance des mots.
2° VOCABULAIRE CONSIDÉRÉ DANS SON ASPECT GRAMMATICAL :
En partant de certains mots des textes, nous pourrons passer en revue les diverses difficultés orthographiques et refaire, d'une façon plus vivante, donc plus intéressante et plus utile, l'infinité des exercices présentés dans les manuels.
Aux CP ET CE
mots contenant : ai, oi, ur, on, un, etc...
br, bl, pr, etc...
ar, vi, our, etc...
Aux CM ET FE.
Revoir les principales difficultés auxquelles achoppent les enfants : mb, mp, pluriel de certains noms, s, ss, c et ç, noms complexes, etc...
3° COMMENT SE FORMENT LES MOTS
Le français n'est pas une langue logique comme l'est l'esperanto, et les règles y ont presque toujours leurs exceptions.
Avec l'espéranto, il serait facile de montrer par quel processus, en partant du mot simple (radical) on crée des mots nouveaux par adjonction de préfixes et de suffixes.
Prenez un livre de grammaire et il vous sera facile de prévoir la liste de ces exercices.
4° FAMILLES DE MOTS, SYNONYMES ET HOMONYMES
Par ce travail régulier, toujours réalisé sur des mots communs des enfants et proposés par eux, vous préciserez d'une façon sûre et définitive, la connaissance intime d'une foule de mots que l'enfant apprendra ainsi à décortiquer, tant dans leur compréhension que dans leur orthographe.
Pour terminer nous rappellerons encore cette condition essentielle qui est à la base de notre pédagogie. La nécessité où nous nous trouvons de procéder à un certain nombre d'exercices variés ne doit pas nous faire croire que c'est cela la méthode naturelle d'apprentissage de la langue.
Si nous gonflions, sans leur indispensable résonance vitale la pratique de ces exercices, nous retomberions bien vite dans l'atmosphère scolastique, selon les habitudes scolastiques, dont nous connaissons les effets.
C'est à dessein que je n'entre pas davantage dans le détail de ces techniques. J'aurais pu vous donner une liste complète des exercices à prévoir, ce qui nous aurait laissé croire qu'il y a une progression à respecter, un programme à parcourir et que vous devez et pouvez vous y employer aux dépens de, l'activité vivante qui reste primordiale. Ce sont le texte libre, sa mise au point, l'imprimerie et le journal, l'exploitation du texte choisi, qui sont les éléments actifs de la connaissance de la langue.
Nous tolérons quelques exercices, à cause du fonctionnement insuffisant du processus de tâtonnement expérimental, mais il ne faudrait pas que, par son exagération, la mécanique tue la vie.
J'avais, il y a deux ans, une élève de 12 ans, F., qui avait acquis, de son passage à l'Ecole traditionnelle, une véritable allergie qui semblait boucher tout son comportement intellectuel. C'est d'ailleurs dans l'espoir que nous parviendrions à vaincre ce dégoût de l'effort culturel. qu'on nous l'avait confiée et elle avait fait très vite de sérieux progrès.
Chaque année, à l'approche des examens, nous faisons un peu de bachotage pour habituer nos enfants à répondre au CEPE selon les normes exigées par l'EcoIe.
Les enfants sérieusement formés à nos techniques, supportent d'ordinaire sans risques ce bachotage accidentel qui n'affecte nullement leur formation profonde et que les enfants acceptent très bien lorsqu'ils ne réclament pas.
Pour F, les stigmates de l’Ecole traditionnelle n'étaient,pas encore suffisamment effacés. Au bout de quelques jours d'un bachotage pourtant modéré, nous avons vu F, changer totalement dans son comportement scolaire et dans la communauté. Elle redevenait l'écolière distraite, volontiers arrogante, chez qui l'intelligence et le bon sens allaient se pervertissant au profit d'une mécanique non acceptée. Nous avons arrêté le bachotage et le mal a disparu.
C'est ce mal scolastique qui vous guette, vous tous qui, par nécessité ou par habitude, vous croyez habilités à tempérer nos techniques que vous croyez trop absolues. La compromission peut vous être funeste.
Réagissez alors qu'il est encore temps.
Les méthodes du passé, valables peut-être, il y a quarante ans, ne sont pas forcément bonnes pour l’Ecole de 1963.
Méfions-nous surtout des manuels - en l'occurence de lecture, de grammaire ou de vocabulaire - qui compliquent et aggravent les exigences des programmes et nous poussent à un enseignement de verbalisme et de par coeur.
Je hais les manuels scolaires parce que j'en ai trop souffert, et je vois que mes réactions n'étaient pas exceptionnelles.
Pour me familiariser avec les notions dont j'avais perdu jusqu'à la trace, je feuilletais, l'autre soir, un manuel moderne de grammaire, moderne en ce sens qu'on y avait ajouté de la couleur et souligné les notions importantes, sans rien changer au fond à la conception même de l'ouvrage.
X... un grand garçon de 14 ans en a été effrayé. Le soir même, il écrivait le texte suivant :
Quelle peur dès que je vois un livre de grammaire et que l'on m'en présente les pages. Il me semble effarant tant il y a de règles idiotes et strictes qui m'effondrent sous leur poids, qui plaquent l'homme pour l'empêcher qu'il s'élève rapidement.
Ces terminaisons en er, en, ent ; ces mots qui sont tantôt articles ou pronoms ne sont qu'un tourbillon et un flot de règles qui sautent sur mes mots dès que j'écris et je ne sais lequel choisir.
Sous leur menace, je m'enfonce et je me noie. Mais arriverai-je à surnager un jour ?
Si la grande masse des enfants que l'Ecole a rejetés pouvaient parler, ils nous diraient à quel point les manuels scolaires de vocabulaire et de grammaire les ont paralysés et comment le seul souvenir de leurs tortures intellectuelles et morales suscite en eux un trouble physiologique, comme une nausée, qui peut aller jusqu'à la névrose et qui explique assez d'ailleurs l'échec presque total dé cet enseignement.
Dépassant les mécaniques inutiles et les manuels qui les systématisent, nous vous offrons un nouvel élan, une confiance et une décision qui, au service de la vie briseront tous les obstacles.
La méthode naturelle de grammaire et d'orthographe rénovera la pédagogie du français.[/quote]
L'acquisition de l'orthographe occasionne une perte de temps considérable [...] Cette perte de temps n'est compensée par aucun avantage car la connaissance de l'orthographe ne décèle pas une intelligence plus développée et les élèves intelligents sont souvent peu "doués" en cette matière.
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