Les pratiques de lecture de la jeunesse

Plus d'informations
24 Mai 2021 13:20 #23379 par Loys
Note du CSEN le 21/05/21 fondée sur les évaluations nationales informatisées de l’ensemble des élèves de 6ème en septembre 2020 : www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_uplo...ote_CSEN_2021_02.pdf

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
17 Jui 2021 09:57 #23435 par Loys
La lecture, décrétée "grande cause nationale" 2021-2022 par Emmanuel Macron

Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
01 Juil 2021 14:34 #23445 par Loys
Un éloge paradoxal du « mauvais lecteur » : www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/...592477529158064.aspx

Au lecteur idéalisé Maxime Decout substitue ainsi l’œuvre fantôme ou fantasme, le livre que le lecteur lui-même fait advenir, y compris sans doute celui de sa propre existence. Puisse l’Ecole se nourrir de ce singulier manuel de lecture pour revitaliser la relation des élèves à la littérature, pour dépasser « l’échec d’une compréhension normée d’un texte », pour transformer cet échec en capacité à « faire signifier l’œuvre en regard des désirs, des attentes et de la subjectivité du lecteur ».

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
24 Nov 2021 11:18 #23698 par Loys

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
05 Fév 2022 19:19 #23792 par Loys

Lecture : grande cause nationale #10marsjelis

Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports invite l’ensemble des personnels et élèves des écoles et établissements, à interrompre son activité le 10 mars aux alentours de 10h pour lire durant un quart d’heure, dans le cadre de la Lecture grande cause nationale.

www.education.gouv.fr/lecture-grande-cau...e-10marsjelis-327233

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
23 Mar 2022 17:51 - 29 Sep 2022 18:18 #23860 par Loys
Sondage Ipsos pour le CNL : "Les jeunes Français et la lecture" (janvier-février 2022)

Dans "Le Monde" (abonnés) du 23/03/22 : "La lecture s’effondre chez les adolescents"


Quelque chose est masqué pour les invités. Veuillez vous connecter ou vous enregistrer pour le visualiser.


Dans les réactions à cet article :
- "La lecture s’effondre chez les adolescents, dépassée par la consultation des écrans beaucoup plus attractive mais qui peut s’y substituer, si ils sont utilisés intelligemment"
- "Une question à la lecture de cet article et de son titre : pourquoi le temps d'écran est-il totalement séparé du temps de lecture ? Les jeunes ne passent-ils pas aussi du temps à lire (et à écrire) en ligne ?"
- "[...] tous les genres, tous les formats et toutes les façons de lire sont légitimes et peuvent être source de joie et de découvertes." Il n'y a pas que les ados à convaincre (en France) ;-)"
- "Problème qui renvoie, plus largement, à la question de « l’entrée dans l’écrit » ( meirieu.com/ARTICLES/ENTREE_ECRIT.pdf ) mais aussi à la question de la socialisation secondaire des garçons dans l’école et par la culture scolaire. Et à la responsabilité des médias." (Philippe Meirieu)
- "Panique morale des boomers. Or: - je n'ai pas ouvert un livre jusqu'à mes 12 ans - moi aussi je fais 1000 autres choses en lisant: répondre à des SMS, etc. - on peut lire plein de choses sur un écran - on peut apprendre des tas de choses sur des vidéos"
Dernière édition: 29 Sep 2022 18:18 par Loys.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
18 Avr 2022 10:33 - 18 Avr 2022 10:38 #23871 par Loys
La lecture, cette survivance : dans le "Café pédagogique" du 15/04/22 : "Bruno Devauchelle : Le livre, encore au cœur de l'établissement scolaire ?"

Attention : Spoiler !


Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
Dernière édition: 18 Avr 2022 10:38 par Loys.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
22 Mai 2022 21:17 - 29 Sep 2022 22:37 #23901 par Loys
Réponse de Loys sur le sujet HP : hauts potentiels intellectuels
Le 29/05/22 dans "Le Monde" (abonnés), cette enquête (enthousiaste) de Charles Laubier : "Les jeunes réinventent les usages de la lecture" .


Quelque chose est masqué pour les invités. Veuillez vous connecter ou vous enregistrer pour le visualiser.

Quelques commentaires s'imposent donc.

Première observation : "Les jeunes passent de plus en plus de temps sur les écrans... mais ne lisent pas moins pour autant", avec deux chiffres mis à côté l'un de l'autre : 3h50 par jour devant un écran et 3h14 par semaine à lire pour les 7-25 ans, soit (en gras dans l'enquête) "13 minutes de plus par semaine qu'il y a six ans", avec cette curieuse infographie :


- On commencera donc par dire que la comparaison sur les usages de la lecture "réinventés" pourrait se faire sur un temps plus long, ce qui ne serait pas à l'avantage de la lecture (cf supra sur ce fil)
- Les chiffres ne comparent donc les pratiques sur la même durée : 3h50 d'écran par jour contre... 28 minutes de lecture par jour, ou bien 3h14 de lecture par semaine contre presque 27h d'écran par semaine.
- Ces +13 minutes de lecture depuis 2016 (+7%) servent donc d'argument massue en faveur de la lecture. Or l'enquête ne met pas en gras l'augmentation du temps passé par les 13-19 ans sur Internet : +3h38 par semaine depuis 2016 (+25%) (+44% depuis 2011).
- Précisions qu'une partie de ce maigre temps de lecture se fait "pour l'école, le travail". Pas d'indication sur les écarts saisissants entre les différents âges, pas d'indication sur le type de lecture pour l'instant. Aucune mention n'est faite du "Pass culture" (jusqu'à 300€) désormais donné aux jeunes de 15 à 18 ans.

Peu importe : "Les jeunes lisent de plus en plus" selon cette association... présidée par un éditeur ! Plus loin dans l'article : " les jeunes lisent toujours autant !". On a vu ce qu'il en était de ce "de plus en plus"...

ceux qui lisent dans le cadre de leurs loisirs sont passés à 83 %, contre 78 % six ans auparavant.

Mais ceux qui lisent pour l’école ou le travail, de 89% à 86%, oublie d'indiquer l'enquête du "Monde".

Mais il est vrai qu'en moyenne les "jeunes" déclarent avoir lu 5,9 livres pour leurs loisirs dans les trois derniers mois, contre 5 livres en 2016, soit un livre de plus : en seulement 13 minutes ? Mais de quel livre peut-il donc s'agir ? L'infographie suivante donne la réponse :


Le boom est celui des BD (+37%) et des mangas (+147% de livres vendus entre 2019 et 2021). Si le nombre de romans (tous confondus) vendus a augmenté (+10%), les lecteurs de roman sont passés, eux, de 55% des jeunes à 46%. Voilà donc déjà un bon indicateur de la nature de la "réinvention" des usages de la lecture...

L'enquête de Charles de Laubier ne développe pas la baisse conséquente (9%) en cinq ans de la proportion de lecteurs de roman, détaillant au contraire longuement les fictions qui attirent les jeunes, donnant en exemple Violette qui a dévoré "les 2500 pages de l’édition intégrale reprenant les cinq tomes de l’édition française" de After ou "460 pages de la saga amoureuse" My Wattpad Love. Pas de doute que certains jeunes dévorent encore des romans aussi conséquents, mais combien sont-ils en réalité ? Le nombre de pages impressionnant semble ici masquer la baisse du nombre de lecteurs de romans : "les jeunes lisent de plus en plus".

Au sujet de ces romans, l'enquête de Charles de Laubier insiste beaucoup sur les déclencheurs de lecture que sont les réseaux sociaux ou les plates-formes vidéo ("Les médias numériques ne s’inscrivent pas uniquement en opposition à la lecture"). Si cet aspect peut évidemment exister, on peut néanmoins douter de sa prépondérance : la consommation passive de séries dispense le plus souvent de lire. Exemple avec le chiffre suivant : "31 % des jeunes choisissent un livre après avoir visionné le support audiovisuel de la même histoire" mais c'est prendre la question à l'envers : quel pourcentage de jeunes ayant visionné Arsène Lupin ont acheté et lu les romans de Maurice Leblanc ? quel pourcentage se contenteront de l'avoir vu à la télé ? De fait, les chiffres de ventes des livres sont modestes en comparaison des chiffres de visionnages de séries : plus de 70M de vues pour la série Arsène Lupin de Netflix d'un côté, quelques dizaines de milliers de réimpression de l'autre, soit un rapport d'un pour mille. Mais on peut toujours s'extasier de la magie de Netflix pour relancer la lecture...

[img


L'enquête du "Monde" insiste ensuite longuement sur les bénéfices en hausse de l'édition et les records de vente, de façon indistincte. Avec cette petite mention, pourtant inquiétante également s'agissant d'une lecture plus exigeante : "A part le scolaire (- 41 %), tous les rayons ont été en progression l’an dernier, la jeunesse affichant + 15 % et la bande dessinée + 35 %".

L'enquête s'attarde également sur le "roman graphique, mêlant le texte et l'image", sur "la nouvelle génération de BD numériques créées pour être défilées sur les écrans de smartphones des adolécrans", sur les magazines "présents sur les réseaux sociaux TikTok, YouTube, Twitch, Instagram, où ils totalisent des millions de vues" (il n'est plus question de lecture). Bref, tous ces usages de la lecture "réinventés", avec toujours moins d'écrit et plus d'images et surtout... sur écran !

Conclusion

On le voit : un iconoclasme facile, un tropisme moderniste niais, une fascination pour les bénéfices du marché de l'édition plus que pour la qualité de la lecture et - plus grave - un refus d'observer le réel (la disproportion entre usage des écrans et lecture, la baisse du nombre de lecteurs de lecture pure). De fait, toute l'ambiguïté de l'enquête repose évidemment sur les termes "lire", "pas moins" qu'avant (c'est-à-dire... 2016), ou encore "jeunes" (de 7 à 25 ans...). "Le Monde", à partir du même sondage Ipsos pour le CNL, concluait très différemment deux mois auparavant : (cf supra) : "La lecture s’effondre chez les adolescents" ...
Dernière édition: 29 Sep 2022 22:37 par Loys.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
26 Aoû 2022 10:43 #24047 par Loys
Annonce présidentielle le 25/08/22 : le Pass culture accessible dès la 6e.

www.lemonde.fr/politique/article/2022/08..._6139054_823448.html

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Plus d'informations
28 Sep 2022 15:12 - 02 Oct 2022 11:14 #24110 par Loys
Nouvelle vidéo du youtubeur Romain Filstroff (alias "Monté de Linguisticae") le 31/07/22 : "«Les jeunes ne lisent plus» : Debunkage du Figaro (encore)" . La vidéo a pour point de départ une tribune dans le "Figaro" s'inquiétant que les élèves de la voie professionnelle ignorent le sens du mot "ludique" présent dans un sujet de dissertation au bac 2022.


La vidéo est longue mais il faut d'abord passer deux minutes de publicité ("Profitez de 15 jours d'essai gratuits sur MyHeritage", une entreprise dont les pratiques sont interdites en France ) et cinq minutes de "bingo" raillant "Le Figaro". A noter quand même que Romain Filstroff approuve la tribune du "Figaro" seulement lorsqu'il s'agit de mettre en cause les professeurs, qui l'ont, lui aussi, "dégoûté" de la lecture.

Sur le point de départ de la tribune du "Figaro" incriminée, Romain Filstroff ne rappelle pas, ou ignore tout simplement, que le programme limitatif de français 2021-2023 était ... "Le jeu : nécessité, futilité". Un collègue l'indique d'ailleurs en commentaire de la vidéo : "Prof de lettres-histoire en lycée professionnel, je voudrais apporter des précisions sur cette "polémique". Depuis la dernière réforme de la voie professionnelle ,le programme de lettres est centré sur le thème du jeu (et ce pour deux ans, sur le modèle du BTS). Bien évidemment dans ce contexte le terme "ludique" a bien entendu été largement abordé, expliqué, sollicité régulièrement...."

A partir de 7'30, Romain Filstroff reproche à la tribune son absence de source justifiant l'affirmation "Les jeunes ne lisent plus". Et de réfuter : "Les gens n'ont jamais autant lu, et "les gens", ça inclut les jeunes. Alors ça peut sembler paradoxal..." : mais pourquoi donc, paradoxal ? Et Romain Filstroff d'évoquer la lecture devenue généralisée sur tous les supports numériques, amalgamant la lecture de messages SMS et réseaux sociaux et d'articles de presse.

A partir de 9'45, sentant bien la faiblesse de l'argumentation (on lit sur un écran, donc on lit plus qu'avant), Romain Filstroff traite spécifiquement la question du roman avec le même constat ("Les jeunes n'ont pas abandonné la lecture") et renvoie à une enquête du "Monde" publiée en mai ( que nous avons étudiée plus haut ) pour affirmer que "le temps dédié aux écrans et à la lecture par semaine est équivalent". "Équivalent" ? Romain Filstroff aura lu trop vite une infographie certes trompeuse...


Première erreur grossière de lecture, donc. En réalité, comme nous l'avons montré, le temps de lecture (3h14) est ridicule en regard du temps d'écran hebdomadaire (presque 27h par semaine), l'augmentation récente du temps de lecture (+13 minutes par semaine depuis 2016) est ridicule par rapport à l'augmentation du temps d'écran sur la même période (+3h38 par semaine), et surtout cette augmentation n'est pas liée aux romans, mais au boom des BD (+37%) et des mangas (+147% de livres vendus entre 2019 et 2021).

S'agissant des romans spécifiquement, Romain Filstroff n'aura pas prêté attention à cet indicateur : la part des jeunes lecteurs de roman est passée de 55% à 46% en cinq ans. De fait, Romain Filstroff n'a pas fait référence à cet article du "Monde" en mars 2022 recensé plus haut : "La lecture s’effondre chez les adolescents" ...

Lecteur peu attentif de l'enquête du "Monde", Romain Filstroff, pour citer une nouvelle source, indique que "le CNL a également rendu public une étude..." : il s'agit d'un sondage Ifop, et c'est précisément... le sondage sur lequel s'appuie l'enquête du "Monde".

En réalité, le décrochage de la pratique de la lecture - parce qu'il existe malgré tout, c'est vrai - eh bien il intervient plus tard.

Comprendre après 25 ans. Et tant pis si le sondage pour le CNL dit le contraire : la lecture "loisirs" (pour le plaisir, ni pour les études ni pour le travail) décline fortement après l’entrée au collège, après 12 ans...

Par la suite (à 11'), Romain Filstroff indique que "les jeunes fréquentent beaucoup plus les bibliothèques municipales que les adultes puisque 60% s'y rendent régulièrement. Le sondage du CNL n'indique nulle part ce chiffre : en revanche, il indique de 69% des jeunes ne fréquentent jamais ou moins d'une fois par mois les bibliothèques autres que scolaires (81% des 20-25 ans). Quant à ceux qui fréquentent les bibliothèques municipales, c'est de moins en moins pour lire des livres et de plus en plus pour lire des bandes-dessinées et des mangas, voire pour utiliser les tablettes et ordinateurs mis à disposition...

55% se disent lecteurs de livres numériques et le podcast audio comme le livre audio sont particulièrement répandus dans cette génération.

Une lecture qui n'est donc pas une lecture, mais une écoute. La question posée aux jeunes est d'ailleurs : "As-tu déjà écouté... un livre audio/un podcast ?"

Et une majorité désormais ? En réalité, nouvelle erreur de lecture grossière de Romain Filstroff : 55% des 40% de jeunes ayant déjà lu un livre numérique ("même si tu ne l'as pas fini") ont pu le lire sur smartphone : 22% des jeunes seulement ont donc déjà lu un livre (et non des livres numériques, comme l'affirme Romain Filstroff) sur smartphone, y compris BD ou mangas. Vérification ici :

Attention : Spoiler !


Vers 11'30 Romain Filstroff reconnaît - enfin - que la lecture concerne surtout BD et mangas :

ce sont des genres bien moins considérés que la littérature avec un grand L, celle des "grands auteurs"

Ce point n'a jamais été soulevé par l'étude du CNL qui se contente d'observer une baisse du nombre de lecteurs de romans quels qu'ils soient.

De fait, sans porter de jugement moral sur le plaisir d'une telle lecture, et pour formuler une évidence qui n'a plus l'air d'en être une, on peut considérer que lire un livre constitué avant tout d'images n'est pas la même chose que lire un livre dépourvu d'images...

Romain Filstroff reprend ensuite les bénéfices qui explosent du secteur jeunesse de l'édition "74M d'exemplaires", "654M€ de chiffre d'affaire"), lesquels ne disent pas grand chose des pratiques de lecture, pour les opposer au déclin des ventes de roman adultes (en comparant donc ce qui n'est pas comparable...).

La conclusion est d'un iconoclasme prévisible :

Vous l'avez compris : l'argumentaire selon lequel les jeunes liraient moins est faux : ils lisent visiblement plus que ceux qui sont nés sans internet ni smartphone.

Rien ne l'atteste à partir de l'étude du CNL, seule source (bien mal comprise) de Linguisticae, qui n'a guère approfondi ses recherches pour publier cette vidéo. En revanche, le ministère de la Culture a bien mesuré le déclin des pratiques de lecture chez les plus jeunes (et le contraire chez les adultes) :


A 12'48, Romain Filstroff, qui défend la thèse que les jeunes lisent plus que jamais, dénonce désormais - en toute logique - la fétichisation de la lecture.

Il faudrait arrêter, s'il vous plaît, de fétichiser la lecture et la littérature. Parce que oui, lire des kilotonnes de classiques français ne vous transforme pas en dictionnaire, et même si c'était le cas, ça ne dirait pas grand chose de votre intelligence ni de votre réflexion.

En l'occurrence, au baccalauréat, traiter une dissertation sur le caractère ludique du jeu sans savoir ce que signifie l'adjectif "ludique" est relativement problématique...

Encore une fois, il est notable que la lecture de textes longs est caricaturée en lecture d’œuvres classiques, et en quantité décourageante : les romans lus par les jeunes, quels qu'ils soient, ne semblent pas exister pour Romain Filstroff.

Il semblerait qu'en plus de l'enquête du "Monde", Romain Filstroff ait mal lu la tribune de Madeleine Bazin de Jessey dans le "Figaro" , qui précisément incrimine aussi la littérature : "nous [professeurs de lettres] les en éloignons trop souvent, pour un grand nombre d'entre nous, dans notre désir de leur faire lire précocement des classiques beaucoup trop abscons pour eux".

Au demeurant, s'agissant de la lecture de livres, de nombreux éléments suggèrent exactement le contraire de ce qu'affirme (de façon non sourcée) Romain Filstroff :
  • Cette étude de la DEPP en fin de collège (2015) : "45 % des élèves déclarant disposer de moins de 30 livres à leur domicile, obtiennent un score qui se situe dans le premier quartile. Pour les élèves qui disposent d’au moins 200 livres à leur domicile, cette proportion est de seulement 9 %. À l’inverse, le temps passé devant la télévision est lié négativement à la réussite, les performances des élèves déclinant à mesure que la fréquence d’écoute augmente."
  • A 15 ans, l'OCDE ( PISA 2009 ) a montré que "le plaisir de lire joue un rôle important dans la performance [à l'évaluation PISA], et explique en France 21 % de la variation dans les performances" (et les différences de milieu familial entre les élèves 28%) : "les élèves qui prennent plaisir à lire et qui connaissent des stratégies efficaces pour aborder, comprendre, mémoriser et synthétiser des informations complexes sont ceux qui s’en sont sortis haut la main aux épreuves PISA de compréhension de l’écrit."
  • L'étude du ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français (2020) montre également une très nette corrélation entre la pratique de la lecture (hors bande dessinée) et la diplomation : "en 2018, les diplômés de l'enseignement supérieur étaient 3 fois plus nombreux que les diplômés du CEP ou moins à avoir lu au moins 20 livres dans l’année".

Certes les performances scolaires ou les diplômes ne peuvent à eux seuls définir l'intelligence, mais du moins constituent-ils des éléments censés tendre vers elle. Romain Filstroff, lui, ne donne aucune piste ou source permettant de mesurer l'intelligence autrement, se contentant de nier que "le lexique ou la maîtrise du code écrit définissent l'intelligence ou la bonne compréhension de ses intérêts" !

Pour asseoir cette thèse quelque peu obscurantiste, Romain Filstroff recourt à la caricature - nouvel exemple de la trahison des clercs - en raillant les "lettrés" capables de "belles phrases" dépourvues d'intelligence. Les humanistes de la Renaissance moquaient les Holopherne ou les Janotus sans railler la lecture pour autant, bien au contraire !

Après avoir raillé 'Bentilola" (sic) et sans qu'on voie où il veut en venir exactement, Romain Filstroff dénonce ensuite (16') en France "une obsession des racines [grecques et latines]" et "les adjectifs savants qui ne partagent parfois aucun lien étymologique ou morphologique avec le substitut [?] auquel ils sont rattachés" : "c'est le cas de ludique", qui n'a pas de rapport avec "jeu". Romain Filstroff se lance ensuite dans une comparaison entre les langues comportant plus ou moins de mots ou de racines, l'allemand semblant se distinguer (?) du français par la possibilité d'ajouter des préfixes ou des suffixes aux verbes.

Romain Filstroff ne tirant pas la conclusion de ce qui apparaît comme une bizarre digression, formulons-la : on ne peut connaître le sens d'un adjectif que s'il ressemble au nom et il est parfaitement naturel que les candidats du baccalauréat professionnel ne connaissent donc pas le sens du mot "ludique" (même si, nous l'avons dit, le jeu était à leur programme). Qui est le "lettré"méprisant ici les capacités des lycéens ? Au demeurant, Romain Filstroff indique les adjectifs italien "giocoso" ou espagnol "jocoso" qui, eux, dérivent rationnellement de "jocus"... en oubliant de préciser que "ludico" ou "lúdico" existent également dans les deux langues...

Romain Filstroff revient ensuite sur la fétichisation de la lecture avec cette mise en garde paradoxale (et un saut logique) :

plus vous allez lire de livres et moins vous allez être confronté à de nouvelles formes lexicales ou syntaxiques. Si en plus vous ne lisez que des auteurs de la même période, au hasard XVIIIe-XIXe, vous allez d'autant plus réduire vos chances de découverte.

Effectivement, plus des lecteurs connaissent de mots ou de tournures, moins ils en ont à connaître...

Caricature de l'école qui ne confronterait qu'à des textes des mêmes siècles, et tant pis si les programmes vont du Moyen Âge au XXIe siècle : ce sont autant de textes de siècles auxquels les élèves ne risquent pas de se confronter s'ils n'y sont pas conduits par l'école. Les ventes montrent que les jeunes lisent essentiellement des livres de leur époque, mais ce point ne semble pas inquiéter Romain Filstroff, qui craint surtout pour ceux - sans doute très nombreux - qui ne lisent exclusivement que des textes des XVIIIe-XIXe !

Au demeurant, en dehors de la lecture, Romain Filstroff n'indique aucun moyen autre d'augmenter les "chances de découverte"...

Romain Filstroff va ensuite plus loin dans son raisonnement (20'41) en faisant dériver la question de la lecture sur celle de l'apprentissage de la lecture : si la lecture permet de découvrir du lexique (dans certaines conditions : ne pas se limiter aux XVIII-XIXe siècle !), le lexique, nous dit-il, peut empêcher la lecture. Romain Filstroff cite alors une étude confirmant ce que des enseignants n'auraient bien sûr jamais imaginé : "En primaire, le lexique nouveau est un frein s'il n'est pas défini et explicité par l'enseignant". Mais on parle ici des premières étapes de construction du lexique (et de l'apprentissage de la lecture), pas de la classe de terminale...

Au reste, le frein du lexique nouveau est d'autant plus important que les pratiques de lecture familiale avec les tout-petits sont réduites.

Bizarrement, Romain Filstroff ne cite pas la première phrase de cet article de Moïse Déro et Fabien Fenouillet (2014) qui contredit quelque peu ses affirmations sur l'intelligence ("même si [la lecture vous transformait en dictionnaire] ça ne dirait pas grand chose de votre intelligence ni de votre réflexion") : "De nombreuses études ont mis en évidence que les connaissances en vocabulaire étaient l’un des meilleurs prédicteurs d’une aptitude verbale générale, et même des tests composites d’intelligence [...] Cette importance du vocabulaire s’observe également dans la corrélation avec les performances scolaires chez des élèves au collège". Encore une lecture trop rapide, il faut croire ! Les auteurs seraient sans doute très surpris de constater que leur synthèse est utilisée pour relativiser l'importance de la lecture...

Après avoir, toute honte bue, comparé des élèves de terminale professionnelle à des élèves de primaire, Romain Filstroff en arrive à sa conclusion : "En gros, il ne faut jamais se foutre de la gueule de quelqu'un qui ne connaîtrait pas tel ou tel mot dans un texte". Et tant pis si le mot "ludique" n'était pas dans un texte, mais dans un sujet de dissertation, et que le programme de terminale était consacré à la question du jeu...

Continuant dans ses digressions (22'15), Romain Filstroff élargit la question : "Mais est-ce que le niveau baisse vraiment ?" La question est évidemment disqualifiée comme un simple discours sempiternel, anecdote personnelle à l'appui ("ma grand-mère...").

Romain Filstroff écrit: Le niveau est stable depuis au moins 2003.

On comprend par la suite que la référence est celle de PISA en compréhension de l'écrit : il est vrai que la performance des élèves français n'a baissé que de treize points entre 2000 et 2018 (de 505 points à 492 points) mais rappelons que PISA évalue à 15 ans... des compétences de lecture de niveau primaire (voir notre billet de 2014 sur la question avec un exemple concret "L'avare et son lingot d'or" montrant au contraire les difficultés sidérantes des élèves entrés au lycée).

S'agissant précisément de la lecture, des éléments factuels montrent la dégradation des compétences de lecture depuis quelques décennies, comme des études de la DEPP en fin de primaire entre 1987 et 2007 (le pourcentage d'élèves au décile le plus faible a doublé) ou entre 1999 et 2013 (voir sur ce fil ).

Romain Filstroff enchaîne ensuite avec de nombreuses considérations hors-sujet sur les inégalités scolaires en France qui lui permettent de mettre en cause le système scolaire français ("L'école renforce les bons et accable les faibles"). Notre linguiste n'a évidemment pas le moindre début de réflexion sur ce qui peut expliquer cet écart, par exemple la ségrégation scolaire public/privé financée par l’État en France : il met en cause "la pédagogie 2000", pas suffisamment constructiviste, ou même la discipline.

Romain Filstroff écrit: On est aussi l'un des pays de l'OCDE, pour ne pas dire du monde, où l'on est le plus obsédé par la discipline en classe.

Encore une erreur de lecture ? Comme nous l'avons montré dans ce billet en 2014 , la France est surtout l'un des pays où le climat de discipline... est le plus dégradé !

Romain Filstroff ne se fonde, pour évaluer le niveau scolaire en France que sur PISA, qui n'évalue que des compétences de primaire à 15 ans, négligeant des indicateurs plus pertinents - et plus accablants - comme la DEPP ou TIMMS Advanced , avec, pour en revenir à la terminale, un effondrement de la France, autrefois première, en mathématiques et en physique entre 1995 et 2015, avec un score passant de 570 à 463 (-18% en vingt ans).

Après avoir montré que "le niveau" ne baisse pas, Romain Filstroff explique logiquement que la question du niveau n'a de toute façon pas de sens (26'40). Il enchaîne ensuite sur la nécessaire réforme de l'orthographe pour traiter les difficultés croissantes des élèves, difficultés qui par ailleurs n'existent pas.

Romain Filstroff écrit: Une prof de lettres qui s'affole du niveau de ses élèves... Mouais.

Comment un professeur de lettres pourrait-il mieux connaître le niveau des élèves qu'un étudiant en linguistique et youtubeur, capable, lui, "d'appréhender les réalités sociales" et d'une manière générale "la vérité" ?

Pour finir, mise en cause personnelle - avec même sa généalogie, établie par "MyHeritage ? - de l'auteur de la tribune du "Figaro" (effectivement très à droite). A ce compte, la vidéo de Romain Filstroff se termine par un appel à appel aux dons Tipeee et la promotion de sa boutique de goodies : avec cette vidéo démagogique destinée à complaire au plus grand nombre (déjà 250.000 vues à cette date), Romain Filstroff n'a en effet pas fait le plus mauvais choix pour sa petite entreprise en ligne : shoplinguisticae.com/

Pour conclure : un "débunkage" sur la lecture truffé d'erreurs de lecture et de contradictions, complètement à côté du sujet. Exactement comme en 2017 quand Romain Filstroff défendait, contre les "profs de français" ne comprenant décidément rien, l'enseignement du prédicat et les programmes... sans les avoir lus .

Pour mémoire, tous ces biais s'expliquent surtout par l'histoire personnelle de Romain Filstroff ("Moi, par exemple, j’étais irrécupérable aux yeux de l’Éducation nationale. Ma prof de français m’avait dit que je finirais balayeur" confessait-il en 2016 dans "Libération" ). On comprend mieux la rancœur contre les professeurs de lettres...

A voir également : son ressentiment contre l'école exprimé sur Twitter.

Ce message contient des informations confidentielles
Dernière édition: 02 Oct 2022 11:14 par Loys.

Connexion ou Créer un compte pour participer à la conversation.

Propulsé par Kunena