L'anglais à l'université

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05 Mai 2013 16:33 - 21 Oct 2021 17:35 #5701 par Loys
J'ai lu Bourdieu (du moins ses écrits sur le système scolaire) et la diffusion de sa pensée est en grande partie responsable de la "reproduction" sociale accrue que l'on constate aujourd'hui à l'école. Les remèdes appliqués sont pires que le mal.

DM écrit: Supporteriez-vous que des professeurs de métallurgie expliquent comment les thèses de lettres classiques devraient être rédigées, ou quel format adopter pour les soutenances, et entendent que leurs vues soient imposées par la loi ?

Vous aimez les images mais vous devriez être plus rigoureux quand vous les choisissez. Il ne s'agit pas ici d'imposer quoi que ce soit puisque la langue française est et a toujours été la norme dans toutes les disciplines de l'université française.

Où voyez-vous la différence de fond, la nuance culturelle importante entre dire « Soit V une variété algébrique » et « Let V be an algebraic variety » ? :rirej J'estime en effet que pour ce type de document, le choix de la langue est un problème technique assez secondaire.

Je ne vois pas la nuance... et donc en l'occurrence l'utilité particulière de l'anglais. Si le choix de la langue est secondaire, pour reprendre votre terme, battez-vous pour que les étudiants étrangers venant en France puissent bénéficier de stages intensifs en français plutôt que pour laisser l'anglais prendre pied (et peu à peu s'imposer) dans la "majorité" des disciplines universitaires que ne sont pas les sciences humaines et les lettres.
Dernière édition: 21 Oct 2021 17:35 par Loys.

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05 Mai 2013 16:41 #5703 par Loys

DM écrit: Vous devriez cesser d'utiliser des tournures comme « vous devriez relire... », ou sinon je vais vous suggérer de relire La Distinction de Bourdieu. Je soupçonne que l'immense majorité de la population n'a pas lu Bouvard et Pécuchet...

C'est vrai que ce n'était pas très aimable de ma part et je vous prie de m'excuser. Mais l'accusation de "nationalisme" est peut-être plus violente encore.

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05 Mai 2013 16:48 #5704 par DM
Je vous arrête : il fut un temps où la langue de l'université française était le latin, qui constituait une lingua franca permettant une communication bien plus efficace que les vernaculaires. :-)

Actuellement, les financements de thèse sont de 3 ans, à l'issue de laquelle il faut avoir des publications internationales et aller faire un post-doctorat. Passer une bonne partie de ces 3 ans à apprendre à maîtriser le français soutenu au point de pouvoir rédiger une thèse est assez contre-productif, sans parler du magnifique mémoire que pratiquement personne ne lira car rédigé dans une langue que peu de chercheurs du domaine peuvent lire.

Bien entendu, la situation serait différente si nous étions dans une période de vaches grasses, avec des financements de thèse de 5 ans, et des budgets pour payer des cours de français intensif. Hélas, ce n'est pas le cas. Voyez-vous, on m'a dernièrement refusé 400€ pour un stage de français pour une post-doctorante (heureusement je pouvais le payer sur mon propre budget)...

Comme il me paraît irréaliste de demander une augmentation sensible du budget de l'ESR consacré aux doctorants (c'est la rigueur, chez monsieur), je demande ce qui est réaliste et faisable, c'est à dire un changement législatif qui ne demande aucun budget.

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05 Mai 2013 16:53 #5705 par DM
À force de lire des accusations (y compris ici même, comme vous le savez fort bien) selon lesquelles ceux qui veulent permettre l'usage des langues de communication internationales sont des sortes d'agents de l'étranger, j'en viens en effet à utiliser des termes comme « nationalisme ».

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05 Mai 2013 18:04 #5707 par Loys

DM écrit: Je vous arrête : il fut un temps où la langue de l'université française était le latin, qui constituait une lingua franca permettant une communication bien plus efficace que les vernaculaires. :-)


Je parlais de l'université telle que tous ses acteurs l'ont connue aujourd'hui.

Mais précisément le latin, encore utilisé dans l'Université française à la fin du XIXème siècle, comme en témoignent les thèses de Bergson ou de Jaurès, serait-il devenu un moyen de communication moins "efficace" ? L'abandon du latin, concomitant avec l'évolution économique et politique du monde, montre bien que ce n'est pas le caractère purement pratique, transitif et communicationnel d'une langue qui détermine son adoption par la communauté scientifique, mais bien des enjeux économiques et politiques.

Actuellement, les financements de thèse sont de 3 ans, à l'issue de laquelle il faut avoir des publications internationales et aller faire un post-doctorat. Passer une bonne partie de ces 3 ans à apprendre à maîtriser le français soutenu au point de pouvoir rédiger une thèse est assez contre-productif, sans parler du magnifique mémoire que pratiquement personne ne lira car rédigé dans une langue que peu de chercheurs du domaine peuvent lire.

On peut aussi raisonner à l'envers : en ne publiant pas des recherches en français, vous condamnez la recherche française à n'être jamais lue en français. Vous parlez de réalisme, je parle de volontarisme.

Ce n'est pas l'adoption de la langue anglaise qui peut redonner à la recherche française sa vitalité, mais c'est bien sa qualité.

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05 Mai 2013 18:18 #5708 par DM
Si j'ai bien compris, vous expliquez que le problème de la recherche scientifique française, c'est son manque de qualité ?

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05 Mai 2013 18:25 #5709 par DM
« L'abandon du latin, concomitant avec l'évolution économique et politique du monde, montre bien que ce n'est pas le caractère purement pratique, transitif et communicationnel d'une langue qui détermine son adoption par la communauté scientifique, mais bien des enjeux économiques et politiques. »

Bien entendu. L'Europe s'est sabordée avec les deux guerres mondiales. Les États-Unis, c'est 300 millions d'habitants, le Royaume-Uni 60, l'Inde un milliard, et il faut compter le Canada, Australie, Nouvelle-Zélande. La francophonie solvable, c'est la France, une partie (la moins riche) de la Belgique, une partie de la Suisse et le Québec. Le rapport n'est pas dans le bon sens, je n'y peux rien.

Comprenez moi, je voudrais bien recruter du doctorant français, c'est moins compliqué en termes administratifs, organisationnels et communicationnels. C'est cependant devenu difficile. Je fais comme on me dit, je fais venir des étrangers extracommunautaires, lesquels ne parlent pas français.

Encore une fois, je fais avec la situation que l'on me donne. Si vous proposez une méthode miracle pour augmenter les budgets, augmenter les allocations de recherche et leur durée, etc., je la prends. Mais, essentiellement, ce que vous me reprochez, c'est d'essayer de fonctionner en situation difficile. C'est un peu comme si je vous rendais responsable de la nullité de vos élèves et que je refusais par principe les réformes que vous entendriez appliquer au lycée.

J'ajoute que j'ai fait circuler mes suggestions auprès de collègues et que tout le monde, jusqu'à présent, applaudit des deux mains. J'ai la faiblesse de croire que des enseignants-chercheurs et chercheurs du domaine sont mieux placés pour connaître les besoins qu'un enseignant du secondaire d'une autre discipline (de la même façon que vous trouvez, à juste titre, gonflé les gens qui viennent vous expliquer comment faire cours alors qu'ils n'ont pas vu de lycéens depuis 15 ans).

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05 Mai 2013 18:27 #5710 par Loys

DM écrit: Si j'ai bien compris, vous expliquez que le problème de la recherche scientifique française, c'est son manque de qualité ?

Pas du tout. Je dis simplement qu'une recherche dynamique et de qualité est attractive quelle que soit la langue.

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05 Mai 2013 18:51 #5711 par Loys

DM écrit: Bien entendu. L'Europe s'est sabordée avec les deux guerres mondiales. Les États-Unis, c'est 300 millions d'habitants, le Royaume-Uni 60, l'Inde un milliard, et il faut compter le Canada, Australie, Nouvelle-Zélande. La francophonie solvable, c'est la France, une partie (la moins riche) de la Belgique, une partie de la Suisse et le Québec. Le rapport n'est pas dans le bon sens, je n'y peux rien.

Une telle comptabilité n'explique n'explique pas l'abandon par la communauté scientifique du latin ou du plurilinguisme tel qu'il se pratiquait encore au XXe siècle dans les colloques internationaux.

Vous citez un milliard d'Indiens mais ne parlez pas du milliard et demi de Chinois.

Comprenez moi, je voudrais bien recruter du doctorant français, c'est moins compliqué en termes administratifs, organisationnels et communicationnels. C'est cependant devenu difficile. Je fais comme on me dit, je fais venir des étrangers extracommunautaires, lesquels ne parlent pas français.

Une des raisons à cela est que la plupart des travaux importants en français sont traduits en anglais et que l'enseignement du français a semblé - de ce fait - de plus en plus inutile dans le monde. Ce premier renoncement explique en grande partie celui que nous sommes aujourd'hui en train de faire.

Encore une fois, je fais avec la situation que l'on me donne. Si vous proposez une méthode miracle pour augmenter les budgets, augmenter les allocations de recherche et leur durée, etc., je la prends. Mais, essentiellement, ce que vous me reprochez, c'est d'essayer de fonctionner en situation difficile.

A titre personnel je ne vous rends responsable de rien du tout.

Vous me répondez par des considérations pratiques très légitimes mais je vous oppose des considérations à plus long terme qui expliquent pourquoi nous en sommes là. Je n'ai jamais prétendu avoir une solution magique.

J'ajoute que j'ai fait circuler mes suggestions auprès de collègues et que tout le monde, jusqu'à présent, applaudit des deux mains. J'ai la faiblesse de croire que des enseignants-chercheurs et chercheurs du domaine sont mieux placés pour connaître les besoins qu'un enseignant du secondaire d'une autre discipline (de la même façon que vous trouvez, à juste titre, gonflé les gens qui viennent vous expliquer comment faire cours alors qu'ils n'ont pas vu de lycéens depuis 15 ans).

J'observe qu'il a des membres de la communauté scientifiques qui ne partagent pas votre point de vue : science21.blogs.courrierinternat ... caise.html

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05 Mai 2013 18:53 #5712 par DM
@Loys: Permettez-moi, encore une fois, de vous faire remarquer que vous ne connaissez pas le monde de la recherche scientifique.

Il y a une sorte de fiction commode dans le monde de la recherche que l'on va travailler là où c'est le plus dynamique, le plus séduisant thématiquement ; c'est sur cette fiction que s'appuie la mode actuelle d'imposer des « mobilités » aux chercheurs, qui sont censés aller à l'étranger pour y prendre de nouvelles idées et de nouvelles approches. Cette fiction omet que les chercheurs ont des préoccupations pratiques et des contraintes familiales.

En réalité, le choix d'un lieu de thèse ou de post-doctorat s'appuie sur bien d'autres facteurs que la qualité et le dynamisme de l'équipe de recherche. Exemples:
* J'ai obtenu un visa mais mon épouse et mon bébé n'en ont pas eu. Je n'y vais pas.
* Ma copine a peur d'aller résider dans un pays où on ne parle pas anglais.
* C'est super chez vous pour faire du parapente.
* Je veux un diplôme d'une université immédiatement identifiable mondialement, afin de faciliter mon futur recrutement. Nous ne connaissons que l'INRIA et l'EPFL en Europe.
* La France a une réputation mondiale pour la bureaucratie et les tracasseries administratives.
* Le salaire que vous proposez est trop faible.

Croyez bien que si je devais expliquer aux gens qu'il faudra que dans 2,5 ans ils maîtrisent suffisamment bien le français pour rédiger 150 pages en langue soutenue, ils fuiraient.

Évidemment, peut-être pourrions-nous être attractifs malgré ce genre de règles si l'argent coulait à flot, que nous avions des financements sur 5 ans et que nous puissions nous débarrasser de la bureaucratie. Mais même en Suisse, à l'EPFL ou à l'ETHZ (établissements en comparaison desquels l'université française moyenne est un taudis désorganisé), ils font des thèses en anglais et ils ont même des enseignants qui ne parlent respectivement pas français ou allemand.

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