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"Le fabuleux rapport de la Cour des comptes" 2013
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02 Fév 2023 21:15 - 21 Jul 2023 16:53 #24317
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Cour des comptes : rapport 2023 sur le recrutement des enseignants
Le 01/02/2023, nouveau rapport de la Cour des comptes :
"Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants"
Dans "AEFinfo" (abonnés) du 1/02/23 : "Enseignants : "L’articulation entre formation et recrutement est insatisfaisante" (Cour des comptes)"
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Dans le "Café pédagogique" du 2/02/23 : "Métier enseignant : La Cour des Comptes opte pour les contractuels"
Attention : Spoiler !
La réussite scolaire des élèves doit beaucoup à la qualité des enseignements et de l’accompagnement assuré par leurs professeurs tout au long de leurs apprentissages. La qualité du recrutement et de la formation des enseignants est ainsi cruciale pour la performance de l’école. Le recrutement et la formation initiale des futurs professeurs ont connu plusieurs réformes au cours des dernières décennies. Mais depuis 2010, ce nouveau cadre se révèle instable et ne garantit pas que la formation prépare de manière satisfaisante les étudiants à leur entrée dans le métier et à l’exercice de leurs futures fonctions. Une réflexion sur l’évolution du métier d’enseignant, sur la place reconnue aux professeurs dans la société et sur les conditions concrètes d’exercice de leurs fonctions doit être menée. La crise d’attractivité souvent évoquée depuis une vingtaine d’années devient aujourd’hui plus tangible, même si de nombreux étudiants ou personnes en reconversion professionnelle demeurent attirés par l’enseignement. Le rapport publié ce jour par la Cour des comptes vise notamment à apprécier l’attractivité du recrutement ainsi que la qualité de leur formation initiale.
Une difficulté croissante de recrutement, particulièrement sur certains territoires et dans certaines disciplines
Si le besoin d’enseignants dépend de la démographie des élèves et du corps enseignant, et des décisions de politique éducative, il est difficile à évaluer. Néanmoins, sur la période 2017-2021, sur la base des postes non pourvus aux concours enseignants externes, en moyenne annuelle, il aurait manqué un peu plus d’un millier de postes (1 110), entraînant le recrutement de professeurs non-titulaires. L’année 2022, exceptionnelle par la mise en œuvre de la récente réforme, a conduit au recrutement d’environ 4 500 nouveaux contractuels. En effet, les signes de perte d’attractivité du recrutement des enseignants se renforcent, même si cette tendance générale est à nuancer. La dégradation de l’image du métier d’enseignant, ses conditions d’exercice et sa rémunération pèsent aussi largement sur son attractivité, comme le confirme le sondage réalisé par Ipsos à la demande de la Cour. Face à ces difficultés, le ministère chargé de l’éducation nationale a développé depuis plusieurs années une politique de recrutement active, dans l’objectif de diversifier les viviers de candidats aux concours, d’ajouter aux concours standards des concours spécifiques pour les académies peu attractives et d’attirer des étudiants vers l’enseignement plus tôt durant leur cursus. Il recourt plus largement aux contractuels - politique qui trouve cependant sa limite, puisque le vivier des contractuels recoupe largement celui des futurs titulaires.
Une articulation entre formation initiale et recrutement insatisfaisante depuis la mastérisation
Les débats sur les contenus de la formation, en lien avec la nature même du métier d’enseignant, demeurent d’actualité. Deux conceptions s’opposent : une première avec une approche globale du métier, autant fondée sur la maîtrise des savoirs disciplinaires que sur une bonne connaissance du système éducatif, de la psychologie de l’élève, de la pédagogie et de la didactique des disciplines, et une seconde valorisant davantage les savoirs disciplinaires. De plus, la place complexe des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) au sein du monde universitaire et la volonté du ministère de vérifier les acquis des candidats ont conduit à faire des concours le sésame en matière de recrutement. Le master MEEF a donc une double fonction de formation pour exercer un futur métier, mais aussi de préparation à un concours, qui aboutit à une surcharge de travail contreproductive pour les étudiants. Le choix du master préparé (ou du diplôme équivalent) a également des conséquences sur l’entrée dans le métier : les lauréats de concours issus de master MEEF deviennent fonctionnaires stagiaires à plein temps lors de leur année de titularisation et suivent 10 à 20 jours de formation, alors que les autres lauréats, sont désormais « en alternance » entre un mi-temps de service et un temps de formation à l’INSPE. Enfin, le coût de la formation initiale des enseignants reste toujours mal connu - la Cour l’estimant à environ un milliard d’euros.
Tirer toutes les conséquences des réformes engagées pour construire une politique performante de formation et de recrutement
Au-delà des améliorations techniques de la réforme de 2019, une refonte plus globale des modes de formation et de recrutement des enseignants est nécessaire. La Cour préconise d’aménager les modalités de recrutement dans les académies qui peinent à pourvoir les postes de professeurs des écoles, ou ceux du second degré pour les disciplines en tension. Dans le cadre d’une expérimentation, les rectorats pourraient recruter sur diplômes, via un contrat d’une durée pluriannuelle (trois à cinq ans), pendant laquelle les candidats s’engageraient à rester en poste ; à l’issue de ce contrat, l’enseignant pourrait demander un contrat à durée indéterminée (CDI) ou opter pour une autre carrière. Pour le premier degré, l’enjeu central est de mieux construire la formation des futurs professeurs des écoles sur un continuum de cinq années. Mais ces propositions de réforme ne sauraient à elles seules redonner une meilleure attractivité au métier enseignant. La position sociale de la fonction enseignante et l’attractivité du métier doivent être une véritable priorité interministérielle, affichée et traduite en moyens. Enfin, la Cour recommande une nouvelle organisation de la formation et du recrutement, qui suppose de compenser les inégalités territoriales d’attractivité du métier par une différentiation plus forte au profit des académies de Créteil et Versailles, ciblée sur les établissements les plus en tension.
Une difficulté croissante de recrutement, particulièrement sur certains territoires et dans certaines disciplines
Si le besoin d’enseignants dépend de la démographie des élèves et du corps enseignant, et des décisions de politique éducative, il est difficile à évaluer. Néanmoins, sur la période 2017-2021, sur la base des postes non pourvus aux concours enseignants externes, en moyenne annuelle, il aurait manqué un peu plus d’un millier de postes (1 110), entraînant le recrutement de professeurs non-titulaires. L’année 2022, exceptionnelle par la mise en œuvre de la récente réforme, a conduit au recrutement d’environ 4 500 nouveaux contractuels. En effet, les signes de perte d’attractivité du recrutement des enseignants se renforcent, même si cette tendance générale est à nuancer. La dégradation de l’image du métier d’enseignant, ses conditions d’exercice et sa rémunération pèsent aussi largement sur son attractivité, comme le confirme le sondage réalisé par Ipsos à la demande de la Cour. Face à ces difficultés, le ministère chargé de l’éducation nationale a développé depuis plusieurs années une politique de recrutement active, dans l’objectif de diversifier les viviers de candidats aux concours, d’ajouter aux concours standards des concours spécifiques pour les académies peu attractives et d’attirer des étudiants vers l’enseignement plus tôt durant leur cursus. Il recourt plus largement aux contractuels - politique qui trouve cependant sa limite, puisque le vivier des contractuels recoupe largement celui des futurs titulaires.
Une articulation entre formation initiale et recrutement insatisfaisante depuis la mastérisation
Les débats sur les contenus de la formation, en lien avec la nature même du métier d’enseignant, demeurent d’actualité. Deux conceptions s’opposent : une première avec une approche globale du métier, autant fondée sur la maîtrise des savoirs disciplinaires que sur une bonne connaissance du système éducatif, de la psychologie de l’élève, de la pédagogie et de la didactique des disciplines, et une seconde valorisant davantage les savoirs disciplinaires. De plus, la place complexe des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) au sein du monde universitaire et la volonté du ministère de vérifier les acquis des candidats ont conduit à faire des concours le sésame en matière de recrutement. Le master MEEF a donc une double fonction de formation pour exercer un futur métier, mais aussi de préparation à un concours, qui aboutit à une surcharge de travail contreproductive pour les étudiants. Le choix du master préparé (ou du diplôme équivalent) a également des conséquences sur l’entrée dans le métier : les lauréats de concours issus de master MEEF deviennent fonctionnaires stagiaires à plein temps lors de leur année de titularisation et suivent 10 à 20 jours de formation, alors que les autres lauréats, sont désormais « en alternance » entre un mi-temps de service et un temps de formation à l’INSPE. Enfin, le coût de la formation initiale des enseignants reste toujours mal connu - la Cour l’estimant à environ un milliard d’euros.
Tirer toutes les conséquences des réformes engagées pour construire une politique performante de formation et de recrutement
Au-delà des améliorations techniques de la réforme de 2019, une refonte plus globale des modes de formation et de recrutement des enseignants est nécessaire. La Cour préconise d’aménager les modalités de recrutement dans les académies qui peinent à pourvoir les postes de professeurs des écoles, ou ceux du second degré pour les disciplines en tension. Dans le cadre d’une expérimentation, les rectorats pourraient recruter sur diplômes, via un contrat d’une durée pluriannuelle (trois à cinq ans), pendant laquelle les candidats s’engageraient à rester en poste ; à l’issue de ce contrat, l’enseignant pourrait demander un contrat à durée indéterminée (CDI) ou opter pour une autre carrière. Pour le premier degré, l’enjeu central est de mieux construire la formation des futurs professeurs des écoles sur un continuum de cinq années. Mais ces propositions de réforme ne sauraient à elles seules redonner une meilleure attractivité au métier enseignant. La position sociale de la fonction enseignante et l’attractivité du métier doivent être une véritable priorité interministérielle, affichée et traduite en moyens. Enfin, la Cour recommande une nouvelle organisation de la formation et du recrutement, qui suppose de compenser les inégalités territoriales d’attractivité du métier par une différentiation plus forte au profit des académies de Créteil et Versailles, ciblée sur les établissements les plus en tension.
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Dans le "Café pédagogique" du 2/02/23 : "Métier enseignant : La Cour des Comptes opte pour les contractuels"
Attention : Spoiler !
Métier enseignant : La Cour des Comptes opte pour les contractuels
« Au-delà des améliorations techniques de la réforme de 2019, une refonte plus globale des modes de formation et de recrutement des enseignants est nécessaire », estime la Cour des Comptes dans un nouveau rapport présenté le 1er février. « L’attractivité du métier enseignant ne peut se résumer à une question salariale ». Puisque ce n’est pas un problème de salaire et puisque les concours n’arrivent pas à faire le plein, la solution est vite trouvée : il suffit des les supprimer. Et pour assurer l’attractivité partout, de payer différemment les enseignants selon les académies. Pour les professeurs des écoles, sans aller jusqu’à la réouverture des écoles normales, la Cour des Comptes demande une formation spécifique basée sur une licence professionnelle. Quelques jours après un rapport qui demandait la mise sous contrat des établissements publics, la Cour est toujours dans l’optique d’une gestion privée du service éducatif public.
La masterisation « déstabilisante »
La Cour des Comptes ne l’ignore pas , il y a bien une baisse d’attractivité des concours de l’enseignement que la Cour évalue tout en restant curieusement sur les chiffres de 2021, alors que 2022 a vu près de 4000 postes laissés vacants. Or, pour la Cour, « la qualité du recrutement et de la formation des enseignants est cruciale pour la performance de l’école ». La crise du recrutement amène une baisse de cette qualité selon les académies et les disciplines. Ainsi dans le second degré le nombre de candidats par poste peut atteindre 6 en SVT mais moins de 1 en lettres classiques ou tout juste 1 en allemand. Dans le premier degré, ni Créteil ni Versailles n’arrivent à avoir assez de candidats.
Pour expliquer cette crise du recrutement, curieusement, la Cour ne s’appesantit pas sur la faiblesse des salaires, alors que sa mission première est bien de veiller aux deniers de l’Etat. Elle montre le brouillard entretenu par le ministère sur les flux de recrutement (brouillard qui s’est étendu jusqu’aux demandes de la Cour) et « la persistance d’une perception peu valorisante du métier par les étudiants ». Là dessus la Cour a fait réaliser un sondage auprès de 2000 étudiants qui montre par exemple que ceux ci sous estiment les salaires enseignants. Les dispositifs mis en place par le ministère (PPPE, pré-recrutements) apparaissent comme complexes, « difficiles à concilier ».
Surtout , la Cour s’attaque aux réformes de la formation des enseignants. Elle comprend que la masterisation ne peut plus être remise en cause même si elle est « déstabilisante ». Mais déplore « des logiques de formation imposées par les lois successives sans mise en cohérence satisfaisante ». « La décision de recruter des enseignants désormais titulaires d’un master pose avec une plus grande acuité la question de l’articulation entre le concours et la formation universitaire, puisqu’il n’est plus envisageable de consacrer une année particulière à la préparation des concours. À cet égard, la doctrine du ministère sur le positionnement du concours a changé à trois reprises : en fin de M2 lors de la réforme en 2010, en fin de M1 lors de la réforme de 2012/2013, puis à nouveau en fin de M2 avec la réforme de 2019 », relève la Cour. « La liberté de passer par des formations diverses et l’importance numérique des candidats non étudiants renforcent la fonction « couperet » des concours, qui vérifient alors les contenus disciplinaires et la capacité à les transmettre des futurs enseignants. Ceci conduit à penser des concours hybrides, jugés régulièrement encore trop « académiques » et peu « professionnels » ou à l’inverse trop peu disciplinaires ». La seconde année de master apparait comme « trop dense », ce qui est confirmé par les étudiants. De plus le ministère a donné « la priorité à la gestion des moyens plutôt qu’aux logiques de formation ». Cela se lit par exemple dans l’utilisation des professeurs stagiaires selon le type de master qu’ils détiennent. Les master MEEF par exemple vont directement en classe à temps complet.
Supprimer les concours
Puisque les concours sont mal ficelés et nuisent à la lisibilité de l’accès dans le métier, la Cour des Comptes invite à les supprimer là où la crise du recrutement sévit le plus. « Les difficultés de recrutement sont concentrées géographiquement sur des académies, Créteil et Versailles pour le premier degré, et, dans certaines disciplines dans le second degré… Aussi les étudiants pourraient-ils être recrutés, « directement » par la voie contractuelle, sur une durée comprise entre trois et cinq ans, accompagnés davantage dans leur prise de poste, avec pour contrepartie leur affectation dans les académies concernées sur un poste précis avec engagement d’y demeurer pour la durée du contrat. Les conditions de diplôme et dispense seraient identiques à celles requises pour les concours.. L’acte de recrutement pourrait se formaliser par un ou deux entretiens pilotés par les autorités rectorales ». C’est tout simplement le remplacement du recrutement sur concours par la contractualisation par job dating dans une grande partie des disciplines du 2d degré (lettres, maths, allemand, anglais par exemple) avec un contrat plus long que ceux des contractuels actuels et, souhaite la Cour, un meilleur accompagnement.
Une formation spécifique pour le premier degré
Pour le premier degré, la Cour n’ose pas remettre en question la masterisation mais change complètement la formation universitaire des futurs PE. Ils seraient recrutés (en dehors des académies déficitaires) après une licence professionnelle suivie d’un master MEEF et non plus après une licence ordinaire. En fait c’est le modèle des PPPE , imaginé par JM BLanquer, que la Cour veut généraliser. IL s’agit aussi de dissocier la formation des futurs PE de celle des enseignants du second degré, ce qui est encore une nouvelle rupture.
Différencier la paye plutôt que revaloriser
Troisième réforme demandée par la Cour, la différenciation de la paye en fonction des territoires plutôt que la revalorisation générale. » Une différenciation plus grande des rémunérations selon les territoires (qui existe déjà mais de façon très encadrée pour le recrutement des contractuels) doit ainsi pouvoir se développer, afin de compenser cette inégale attractivité (primes de stabilité comme cela a été instauré en Seine-Saint-Denis pour les fonctionnaires, primes spécifiques, avantages en termes de carrière, visibilité et garanties sur les perspectives de mobilité, etc.). Il conviendra de s’assurer surtout que de telles modalités ne produisent pas d’effet d’aubaine ni reconventionnel, ce qui suppose que les recteurs puissent cibler ces mesures, selon les besoins, sur les établissements les moins attractifs ».
Des propositions déjà reprises par le ministre
La Cour des Comptes poursuit donc sa pression sur l’Ecole. Les remèdes qu’elle propose sont ceux d’une gestion privée du service éducatif, ce qui explique que l’on parle de privatisation. C’est bien une rupture pour l’éducation nationale. La question c’est l’accueil que va avoir ce rapport. Rappelons que Pap Ndiaye a déjà évoqué le recrutement de professeurs des écoles après une licence. Les concours exceptionnels annoncés pour 2023 permettront même leur recrutement à bac 2. Le 25 janvier, le ministre évoquait devant l’Assemblée le recrutement » d’élèves professeurs titularisés à l’issue de 5 années de formation ». C4est exactement le schéma recommandé par la Cour des Comptes.
François Jarraud
« Au-delà des améliorations techniques de la réforme de 2019, une refonte plus globale des modes de formation et de recrutement des enseignants est nécessaire », estime la Cour des Comptes dans un nouveau rapport présenté le 1er février. « L’attractivité du métier enseignant ne peut se résumer à une question salariale ». Puisque ce n’est pas un problème de salaire et puisque les concours n’arrivent pas à faire le plein, la solution est vite trouvée : il suffit des les supprimer. Et pour assurer l’attractivité partout, de payer différemment les enseignants selon les académies. Pour les professeurs des écoles, sans aller jusqu’à la réouverture des écoles normales, la Cour des Comptes demande une formation spécifique basée sur une licence professionnelle. Quelques jours après un rapport qui demandait la mise sous contrat des établissements publics, la Cour est toujours dans l’optique d’une gestion privée du service éducatif public.
La masterisation « déstabilisante »
La Cour des Comptes ne l’ignore pas , il y a bien une baisse d’attractivité des concours de l’enseignement que la Cour évalue tout en restant curieusement sur les chiffres de 2021, alors que 2022 a vu près de 4000 postes laissés vacants. Or, pour la Cour, « la qualité du recrutement et de la formation des enseignants est cruciale pour la performance de l’école ». La crise du recrutement amène une baisse de cette qualité selon les académies et les disciplines. Ainsi dans le second degré le nombre de candidats par poste peut atteindre 6 en SVT mais moins de 1 en lettres classiques ou tout juste 1 en allemand. Dans le premier degré, ni Créteil ni Versailles n’arrivent à avoir assez de candidats.
Pour expliquer cette crise du recrutement, curieusement, la Cour ne s’appesantit pas sur la faiblesse des salaires, alors que sa mission première est bien de veiller aux deniers de l’Etat. Elle montre le brouillard entretenu par le ministère sur les flux de recrutement (brouillard qui s’est étendu jusqu’aux demandes de la Cour) et « la persistance d’une perception peu valorisante du métier par les étudiants ». Là dessus la Cour a fait réaliser un sondage auprès de 2000 étudiants qui montre par exemple que ceux ci sous estiment les salaires enseignants. Les dispositifs mis en place par le ministère (PPPE, pré-recrutements) apparaissent comme complexes, « difficiles à concilier ».
Surtout , la Cour s’attaque aux réformes de la formation des enseignants. Elle comprend que la masterisation ne peut plus être remise en cause même si elle est « déstabilisante ». Mais déplore « des logiques de formation imposées par les lois successives sans mise en cohérence satisfaisante ». « La décision de recruter des enseignants désormais titulaires d’un master pose avec une plus grande acuité la question de l’articulation entre le concours et la formation universitaire, puisqu’il n’est plus envisageable de consacrer une année particulière à la préparation des concours. À cet égard, la doctrine du ministère sur le positionnement du concours a changé à trois reprises : en fin de M2 lors de la réforme en 2010, en fin de M1 lors de la réforme de 2012/2013, puis à nouveau en fin de M2 avec la réforme de 2019 », relève la Cour. « La liberté de passer par des formations diverses et l’importance numérique des candidats non étudiants renforcent la fonction « couperet » des concours, qui vérifient alors les contenus disciplinaires et la capacité à les transmettre des futurs enseignants. Ceci conduit à penser des concours hybrides, jugés régulièrement encore trop « académiques » et peu « professionnels » ou à l’inverse trop peu disciplinaires ». La seconde année de master apparait comme « trop dense », ce qui est confirmé par les étudiants. De plus le ministère a donné « la priorité à la gestion des moyens plutôt qu’aux logiques de formation ». Cela se lit par exemple dans l’utilisation des professeurs stagiaires selon le type de master qu’ils détiennent. Les master MEEF par exemple vont directement en classe à temps complet.
Supprimer les concours
Puisque les concours sont mal ficelés et nuisent à la lisibilité de l’accès dans le métier, la Cour des Comptes invite à les supprimer là où la crise du recrutement sévit le plus. « Les difficultés de recrutement sont concentrées géographiquement sur des académies, Créteil et Versailles pour le premier degré, et, dans certaines disciplines dans le second degré… Aussi les étudiants pourraient-ils être recrutés, « directement » par la voie contractuelle, sur une durée comprise entre trois et cinq ans, accompagnés davantage dans leur prise de poste, avec pour contrepartie leur affectation dans les académies concernées sur un poste précis avec engagement d’y demeurer pour la durée du contrat. Les conditions de diplôme et dispense seraient identiques à celles requises pour les concours.. L’acte de recrutement pourrait se formaliser par un ou deux entretiens pilotés par les autorités rectorales ». C’est tout simplement le remplacement du recrutement sur concours par la contractualisation par job dating dans une grande partie des disciplines du 2d degré (lettres, maths, allemand, anglais par exemple) avec un contrat plus long que ceux des contractuels actuels et, souhaite la Cour, un meilleur accompagnement.
Une formation spécifique pour le premier degré
Pour le premier degré, la Cour n’ose pas remettre en question la masterisation mais change complètement la formation universitaire des futurs PE. Ils seraient recrutés (en dehors des académies déficitaires) après une licence professionnelle suivie d’un master MEEF et non plus après une licence ordinaire. En fait c’est le modèle des PPPE , imaginé par JM BLanquer, que la Cour veut généraliser. IL s’agit aussi de dissocier la formation des futurs PE de celle des enseignants du second degré, ce qui est encore une nouvelle rupture.
Différencier la paye plutôt que revaloriser
Troisième réforme demandée par la Cour, la différenciation de la paye en fonction des territoires plutôt que la revalorisation générale. » Une différenciation plus grande des rémunérations selon les territoires (qui existe déjà mais de façon très encadrée pour le recrutement des contractuels) doit ainsi pouvoir se développer, afin de compenser cette inégale attractivité (primes de stabilité comme cela a été instauré en Seine-Saint-Denis pour les fonctionnaires, primes spécifiques, avantages en termes de carrière, visibilité et garanties sur les perspectives de mobilité, etc.). Il conviendra de s’assurer surtout que de telles modalités ne produisent pas d’effet d’aubaine ni reconventionnel, ce qui suppose que les recteurs puissent cibler ces mesures, selon les besoins, sur les établissements les moins attractifs ».
Des propositions déjà reprises par le ministre
La Cour des Comptes poursuit donc sa pression sur l’Ecole. Les remèdes qu’elle propose sont ceux d’une gestion privée du service éducatif, ce qui explique que l’on parle de privatisation. C’est bien une rupture pour l’éducation nationale. La question c’est l’accueil que va avoir ce rapport. Rappelons que Pap Ndiaye a déjà évoqué le recrutement de professeurs des écoles après une licence. Les concours exceptionnels annoncés pour 2023 permettront même leur recrutement à bac 2. Le 25 janvier, le ministre évoquait devant l’Assemblée le recrutement » d’élèves professeurs titularisés à l’issue de 5 années de formation ». C4est exactement le schéma recommandé par la Cour des Comptes.
François Jarraud
Dernière édition: 21 Jul 2023 16:53 par Loys.
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- Loys
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21 Jul 2023 16:32 - 21 Jul 2023 16:51 #24654
par Loys
Réponse de Loys sur le sujet Les rapports de la Cour des comptes sur l'Éducation nationale
Le 7/07/23, note de la Cour des comptes :
"Privilégier l'approche territoriale et l'autonomie dans la gestion des dépenses d'éducation"
Dans le "Café pédagogique" du 10/07/23 : "La Cour des Comptes veut désétatiser le métier enseignant"
La Cour a procédé à une analyse des dépenses consacrées à la politique scolaire, leur nature, leur volume et leur évolution. Le périmètre retenu est celui des dépenses supportées par le budget de l’État, décrites dans la mission interministérielle « enseignement scolaire », et celles qui sont à la charge des collectivités territoriales, régions, départements et communes. La Cour identifie quatre leviers d’amélioration, potentiellement mis en œuvre par voie d’expérimentation, qui doivent avoir pour conséquence une approche territoriale et une autonomie plus marquée des établissements.
Dans le "Café pédagogique" du 10/07/23 : "La Cour des Comptes veut désétatiser le métier enseignant"
Attention : Spoiler !
La Cour des Comptes veut désétatiser le métier enseignant
Territorialiser signifie désétatiser. C’est ce que montre clairement le nouveau rapport de la Cour des Comptes « Privilégier l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses d’éducation ». La Cour appelle à territorialiser le recrutement et la gestion des enseignants pour en finir avec leur statut et « le cloisonnement des métiers ». Rien de neuf dans cette « Note » qui reprend des idées émises auparavant. Si ce n’est que c’est le troisième rapport en 2023 sur l’Ecole, le 4ème depuis 2022. C’est cet acharnement de la Cour, avec les attaques venues de la Droite et du gouvernement, qui font sens. C’est l’hallali ?
Territorialiser pour une meilleure gestion
« Entre une croissance continue des dépenses de l’État dont les effets sont décalés et la nécessité dans laquelle se trouvent les collectivités territoriales de remettre à niveau le patrimoine immobilier scolaire, il est impérieux de tracer une trajectoire à moyen terme« , écrit la Cour des Comptes dans cette nouvelle Note. Sous l’objectif « d’améliorer la concertation » entre l’Etat et les collectivités locales, la Cour vise à réduire la dépense publique en privatisant le fonctionnement du système éducatif.
La dépense scolaire, selon la Cour, c’est 109 milliards, soit 78 pour l’Etat (pensions incluses) et 31 milliards pour les collectivités locales. Pour le premier c’est surtout du salaire (mais pas seulement d’enseignants) et pour les secondes surtout des investissements avec aussi des de la masse salariale.
La réflexion de la Cour des Comptes c’est qu’en 10 ans, de 2012 à 2022, la dépense de l’Etat a augmenté de 62 à 78 milliards. Et comme les collectivités locales vont avoir à faire face à des améliorations du bâti scolaire pour tenir compte du changement climatique (de 50 à 100 milliards d’ici 2030), on entre dans une spirale dangereuse.
La dépense d’éducation augmente elle vraiment ?
Evidemment tout dans cette présentation relève d’un choix savant. Parce que si on regarde la dépense d’éducation dans le PIB, elle représentait 7.8% du PIB à la fin des années 1990 contre 6.8% en 2022. Tout dépend donc du choix des dates. Depuis 2012 , en réalité, il y a eu près de 50 000 embauches d’enseignants sous Hollande puis une légère baisse sous Macron avec une hausse du nombre des AESH et AED. Mais de 2007 à 2012, près de 80 000 postes d’enseignants ont été supprimés. Globalement sur les années 2015 à 2021-22, on compte 1% d’enseignants en plus, 46% de non enseignants en plus (essentiellement des AESH). Mais cela n’empêche pas le rapport de recommander la gestion locale des enseignants alors que celle des AESH et AED est déjà locale…
La Cour décortique la hausse de la masse salariale des enseignants, déplorant la hausse du GVT (glissement vieillesse technicité : avancement à l’ancienneté) et les revalorisations du point d’indice. Or, souligne la Cour, « en dépit d’une dépense nationale d’éducation supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE, le système éducatif français peine à produire des résultats satisfaisants. Son modèle de gestion, très vertical et centralisé, et privilégiant certains parcours, ne lui permet pas de fédérer les énergies au service de la réussite des élèves… En dépit de sa centralisation, le système éducatif français ne parvient pas à garantir l’égalité des chances« . A contrario, la Cour vante la gestion des collectivités locales qui à la différence de l’Etat doivent chercher l’équilibre.
A l’occasion de la publication du rapport de la Cour de décembre 2021, nous avons déjà montré que là aussi l’affirmation sur le coût est aventurée. Nous avons vu que la dépense d’éducation était nettement supérieure avant 2000. De plus il est faux de dire que la France dépense plus que les autres pays pour l’éducation. La France dépense un peu plus que la moyenne OCDE pour chaque élève : 11 201 $ contre 10 454 $ pour l’OCDE en 2018. Mais un seul grand pays développé dépense moins : le Japon (10 185$). Tous les autres grands pays développés dépensent plus. Ainsi l’Allemagne consacre 12 791$ par élève, le Royaume Uni 12 245, l’Italie 11 202 (un dollar de plus !), les Etats Unis 14 009$. Selon Regards sur l’éducation (OCDE), la France fait partie des pays où la dépense d’éducation a le moins augmenté tout au long des années 2010. De 2012 à 2018, sa dépense par élève du primaire à la fin du second degré a augmenté de 0.5% par an. C’est trois fois moins que la moyenne de l’OCDE (1.6%) ou que la moyenne européenne (1.4%). En Allemagne, la dépense d’éducation augmente deux fois plus vite (0.9%), au Royaume Uni et aux Etats-Unis trois fois (1.3%), en Italie 4 fois plus vite.
L’autre idée contestable c’est que la gestion centralisée implique des surcoûts. Effectivement avoir un système national dans un pays à densité faible génère des coûts. Comme le remarque la Cour, les établissements scolaires français sont plus petits que les Allemands. Si on veut avoir des écoles, des collèges et des lycées géographiquement accessibles dans la « diagonale du vide » qui traverse le pays, il faut accepter d’avoir un ratio enseignant / élèves faible en zone rurale. Mais on verra que la Cour vise aussi directement le statut des enseignants pour générer des économies.
Supprimer les concours
Voyons donc les 4 « leviers » de la Cour pour diminuer la dépense d’éducation. Le premier c’est la chute démographique. Perceptible déjà dans le premier degré , elle arrivera en 2024 dans le second. « La démographie étant un déterminant de la dépense d’éducation, la diminution du nombre d’enfants scolarisés se traduit mécaniquement par un ajustement du nombre de postes d’enseignants« . La Cour en attend entre 9000 et 15000 suppressions de postes d’enseignants d’ici 2027. On sait que pour 2023 ce sont 1500 postes dans le 1er degré qui ont été supprimés pour ce motif. L’économie devrait être de l’ordre de 500 millions d’ici 2027 selon la Cour. Notons que l’extension de la chute au 2d degré devrait doubler son impact à compter de 2026. Dès 2021 , le sénateur LR Longuet appelait le gouvernement à anticiper cette chute en diminuant les recrutements.
Le second levier c’est la prise en compte des « disparités territoriales ». La formule vise en fait les difficultés de recrutement des enseignants dans certaines académies. On sait que cela concerne Créteil, Versailles, la Guyane et Mayotte. La solution donnée par la Cour c’est de déroger au statut des enseignants en recrutant sur diplôme « pour une durée limitée de trois à cinq ans, au terme de laquelle l’enseignant pourrait bénéficier d’un contrat à durée indéterminée (CDI)« . Il faut bien peser les mots. Il s’agit tous simplement de la suppression des concours et du recrutement sur titre. L’idée n’est pas neuve. Elle a été aussi émise par le Conseil supérieur des programmes. Elle a déjà été mise par la Cour , par exemple en 2022. C’est le mode de gestion des enseignants anglosaxons. Comme l’écrit la Cour, « le choix du concours comme mode principal de recrutement est minoritaire en Europe (avec l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg et l’Albanie). La plupart des pays exigent une formation initiale qualifiante pour l’enseignement« . En même temps, la Cour recommande de fermer des petits établissements en commençant par les LP, actuellement en pleine réforme. « Le maintien de lycées professionnels à faible effectif, justifié par un besoin de proximité pour les publics fragiles, conduit à la persistance, dans certains territoires, de formations peu pertinentes« .
L’autonomie contre l’Etat
« Selon la Cour, les modalités d’allocation (des moyens des établissements) doivent davantage tenir compte du niveau initial des élèves, évalué par les tests nationaux à l’entrée du collège et du lycée, et des contraintes pesant sur le lieu d’implantation de l’établissement« , recommande la Cour. C’est à dire qu’à la place de l’éducation prioritaire avec son cadre national, on aurait des moyens décidés localement en fonction des difficultés pédagogiques mais aussi de la géographie. On détruit ainsi les critères nationaux qui sont la base de l’égalité, on s’en remet aux influences locales et on transfère des moyens des banlieues vers le rural plus « gaulois »…
Le troisième levier est en fait le même mais présenté de façon plus transparente. Il s’agit de « sortir d’une gestion encore trop concentrée« . « Son modèle de gestion, très vertical et centralisé, et privilégiant certains parcours, ne lui permet pas de fédérer les énergies au service de la réussite des élèves« , écrit la Cour à propos de l’Education nationale.
La Cour veut donc de l’autonomie. Selon la Cour, il faut « donner davantage de compétences et d’autonomie aux rectorats, par exemple dans le dialogue avec l’enseignement privé sous contrat sur la gestion des moyens, des ouvertures et des fermetures de classes« . C’est évidemment le moyen de contourner la barre des 20% imposée depuis les accords Lang Cloupet et d’assurer la croissance du privé. « Il faut aborder de façon pragmatique les difficultés de recrutement particulières de certaines académies ou certaines disciplines en tension, en donnant aux rectorats la possibilité d’expérimenter des modalités dérogatoires de recrutement sur diplômes« , comme on l’a vu plus haut. Mais c’est aussi étendre les pouvoir des des chefs d’établissement « pour en faire des cadres dirigeants« . Le Pacte leur donne déjà la main sur la paye, ce qui est énorme. La Cour propose qu’ils évaluent seuls les enseignants.
Dépasser le cloisonnement
Le dernier levier c’est la gestion de proximité, lancée sous Blanquer. « La Cour recommande, pour la gestion des personnels enseignants comme pour l’ensemble de la communauté éducative, de développer, outre les revalorisations salariales, une gestion des ressources humaines plus souple et dépassant le cloisonnement des métiers, pour redéployer les moyens et améliorer le service rendu aux élèves. Redéfinir les obligations de service pour intégrer en dehors du temps de classe le temps de travail des équipes pédagogiques, la formation, et les absences institutionnelles est pour cela indispensable« . Dépasser le cloisonnement c’est assurer les remplacements , comme le prévoit le Pacte. C’est aussi assurer la surveillance et la vie scolaire pour mieux « redéployer les moyens ». C’est mettre fin à la barrière entre 1er et 2d degré, comme l’introduit le Pacte 1er degré et fondre école et collège.
Si la Cour des Comptes va loin dans ses recommandations, celles-ci ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau c’est le martelage, la répétition ou, si on préfère, le harcèlement dont est victime la profession enseignante.
Hallali sur le statut des professeurs
Du coté de la Cour des Comptes rappelons son rapport de décembre 2021, en pleine campagne électorale. La Cour préconisait d’annualiser les services, de regrouper écoles primaires et collèges, de faire évaluer les enseignants par les chefs d’établissement et d’augmenter l’autonomie de ces derniers. En janvier 2023, nouveau rapport qui présente des établissements autonomes sous contrat avec l’Etat, financés selon les résultats des élèves et dotés d’un vrai manager. Une vraie privatisation de l’école publique. En février 2023, rebelote. La Cour publie un rapport sur le métier enseignant où elle recommande , comme on l’a vu, la contractualisation car « l’attractivité du métier enseignant ne peut se résumer à la question salariale« .
La Cour n’est pas seule. La droite sénatoriale tire dans le même sens. Rappelons le rapport Longuet de juin 2022 qui invite à laisser les chefs d’établissement recruter et payer à leur gré les enseignants pour augmenter « leur productivité ». « Les pays ayant la meilleure performance économique sont ceux où les enseignants vivent 35 heures par semaine dans l’établissement » , écrit G Longuet dans un raccourci stupéfiant. « On a le sentiment que la rue de Grenelle a offert aux enseignants des conditions de vie que nos compatriotes ne comprennent toujours pas car ils ont le sentiment qu’ils n’ont que 160 jours de travail par an ce qui n’est pas beaucoup« …
Nouveau texte du Sénat, cette fois ci une proposition de loi adoptée par la haute assemblée, en avril 2023. Le Sénat adopte la contractualisation des écoles et établissements, la bivalence des enseignants du 2d degré, leur évaluation par les chefs d’établissement, la fin des règles du mouvement.
A cela s’ajoute évidemment le Pacte. Celui-ci donne aux chefs d’établissement et aux directeurs le pouvoir de fixer le salaire des enseignants. Il met fin au lien entre corps et salaire et généralise la contractualisation salariale. Après la loi de transformation de la fonction publique, qui a supprimé le paritarisme, c’est l’éclatement des statuts qui se produit sous nos yeux. Il génère la division des enseignants et donc leur affaiblissement. Ce que Macron n’a pu faire dans son premier quinquennat se met en place. (voir aussi ici)
Ce nouveau rapport de la Cour des Comptes se situe dans ce contexte. Gouvernement, Sénat, Cour des Comptes, tous harcèlent ensemble le corps enseignant. Ils voient, avec la politique gouvernementale, sa chute arriver. Ils donnent les derniers coups. La revalorisation « morale des enseignants a duré bien peu de temps. La privatisation de l’Ecole semble « inévitable ». « la lame de fond est à l’œuvre » comme nous le disait en 2020 Xavier Pons.
François Jarraud
Territorialiser signifie désétatiser. C’est ce que montre clairement le nouveau rapport de la Cour des Comptes « Privilégier l’approche territoriale et l’autonomie dans la gestion des dépenses d’éducation ». La Cour appelle à territorialiser le recrutement et la gestion des enseignants pour en finir avec leur statut et « le cloisonnement des métiers ». Rien de neuf dans cette « Note » qui reprend des idées émises auparavant. Si ce n’est que c’est le troisième rapport en 2023 sur l’Ecole, le 4ème depuis 2022. C’est cet acharnement de la Cour, avec les attaques venues de la Droite et du gouvernement, qui font sens. C’est l’hallali ?
Territorialiser pour une meilleure gestion
« Entre une croissance continue des dépenses de l’État dont les effets sont décalés et la nécessité dans laquelle se trouvent les collectivités territoriales de remettre à niveau le patrimoine immobilier scolaire, il est impérieux de tracer une trajectoire à moyen terme« , écrit la Cour des Comptes dans cette nouvelle Note. Sous l’objectif « d’améliorer la concertation » entre l’Etat et les collectivités locales, la Cour vise à réduire la dépense publique en privatisant le fonctionnement du système éducatif.
La dépense scolaire, selon la Cour, c’est 109 milliards, soit 78 pour l’Etat (pensions incluses) et 31 milliards pour les collectivités locales. Pour le premier c’est surtout du salaire (mais pas seulement d’enseignants) et pour les secondes surtout des investissements avec aussi des de la masse salariale.
La réflexion de la Cour des Comptes c’est qu’en 10 ans, de 2012 à 2022, la dépense de l’Etat a augmenté de 62 à 78 milliards. Et comme les collectivités locales vont avoir à faire face à des améliorations du bâti scolaire pour tenir compte du changement climatique (de 50 à 100 milliards d’ici 2030), on entre dans une spirale dangereuse.
La dépense d’éducation augmente elle vraiment ?
Evidemment tout dans cette présentation relève d’un choix savant. Parce que si on regarde la dépense d’éducation dans le PIB, elle représentait 7.8% du PIB à la fin des années 1990 contre 6.8% en 2022. Tout dépend donc du choix des dates. Depuis 2012 , en réalité, il y a eu près de 50 000 embauches d’enseignants sous Hollande puis une légère baisse sous Macron avec une hausse du nombre des AESH et AED. Mais de 2007 à 2012, près de 80 000 postes d’enseignants ont été supprimés. Globalement sur les années 2015 à 2021-22, on compte 1% d’enseignants en plus, 46% de non enseignants en plus (essentiellement des AESH). Mais cela n’empêche pas le rapport de recommander la gestion locale des enseignants alors que celle des AESH et AED est déjà locale…
La Cour décortique la hausse de la masse salariale des enseignants, déplorant la hausse du GVT (glissement vieillesse technicité : avancement à l’ancienneté) et les revalorisations du point d’indice. Or, souligne la Cour, « en dépit d’une dépense nationale d’éducation supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE, le système éducatif français peine à produire des résultats satisfaisants. Son modèle de gestion, très vertical et centralisé, et privilégiant certains parcours, ne lui permet pas de fédérer les énergies au service de la réussite des élèves… En dépit de sa centralisation, le système éducatif français ne parvient pas à garantir l’égalité des chances« . A contrario, la Cour vante la gestion des collectivités locales qui à la différence de l’Etat doivent chercher l’équilibre.
A l’occasion de la publication du rapport de la Cour de décembre 2021, nous avons déjà montré que là aussi l’affirmation sur le coût est aventurée. Nous avons vu que la dépense d’éducation était nettement supérieure avant 2000. De plus il est faux de dire que la France dépense plus que les autres pays pour l’éducation. La France dépense un peu plus que la moyenne OCDE pour chaque élève : 11 201 $ contre 10 454 $ pour l’OCDE en 2018. Mais un seul grand pays développé dépense moins : le Japon (10 185$). Tous les autres grands pays développés dépensent plus. Ainsi l’Allemagne consacre 12 791$ par élève, le Royaume Uni 12 245, l’Italie 11 202 (un dollar de plus !), les Etats Unis 14 009$. Selon Regards sur l’éducation (OCDE), la France fait partie des pays où la dépense d’éducation a le moins augmenté tout au long des années 2010. De 2012 à 2018, sa dépense par élève du primaire à la fin du second degré a augmenté de 0.5% par an. C’est trois fois moins que la moyenne de l’OCDE (1.6%) ou que la moyenne européenne (1.4%). En Allemagne, la dépense d’éducation augmente deux fois plus vite (0.9%), au Royaume Uni et aux Etats-Unis trois fois (1.3%), en Italie 4 fois plus vite.
L’autre idée contestable c’est que la gestion centralisée implique des surcoûts. Effectivement avoir un système national dans un pays à densité faible génère des coûts. Comme le remarque la Cour, les établissements scolaires français sont plus petits que les Allemands. Si on veut avoir des écoles, des collèges et des lycées géographiquement accessibles dans la « diagonale du vide » qui traverse le pays, il faut accepter d’avoir un ratio enseignant / élèves faible en zone rurale. Mais on verra que la Cour vise aussi directement le statut des enseignants pour générer des économies.
Supprimer les concours
Voyons donc les 4 « leviers » de la Cour pour diminuer la dépense d’éducation. Le premier c’est la chute démographique. Perceptible déjà dans le premier degré , elle arrivera en 2024 dans le second. « La démographie étant un déterminant de la dépense d’éducation, la diminution du nombre d’enfants scolarisés se traduit mécaniquement par un ajustement du nombre de postes d’enseignants« . La Cour en attend entre 9000 et 15000 suppressions de postes d’enseignants d’ici 2027. On sait que pour 2023 ce sont 1500 postes dans le 1er degré qui ont été supprimés pour ce motif. L’économie devrait être de l’ordre de 500 millions d’ici 2027 selon la Cour. Notons que l’extension de la chute au 2d degré devrait doubler son impact à compter de 2026. Dès 2021 , le sénateur LR Longuet appelait le gouvernement à anticiper cette chute en diminuant les recrutements.
Le second levier c’est la prise en compte des « disparités territoriales ». La formule vise en fait les difficultés de recrutement des enseignants dans certaines académies. On sait que cela concerne Créteil, Versailles, la Guyane et Mayotte. La solution donnée par la Cour c’est de déroger au statut des enseignants en recrutant sur diplôme « pour une durée limitée de trois à cinq ans, au terme de laquelle l’enseignant pourrait bénéficier d’un contrat à durée indéterminée (CDI)« . Il faut bien peser les mots. Il s’agit tous simplement de la suppression des concours et du recrutement sur titre. L’idée n’est pas neuve. Elle a été aussi émise par le Conseil supérieur des programmes. Elle a déjà été mise par la Cour , par exemple en 2022. C’est le mode de gestion des enseignants anglosaxons. Comme l’écrit la Cour, « le choix du concours comme mode principal de recrutement est minoritaire en Europe (avec l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg et l’Albanie). La plupart des pays exigent une formation initiale qualifiante pour l’enseignement« . En même temps, la Cour recommande de fermer des petits établissements en commençant par les LP, actuellement en pleine réforme. « Le maintien de lycées professionnels à faible effectif, justifié par un besoin de proximité pour les publics fragiles, conduit à la persistance, dans certains territoires, de formations peu pertinentes« .
L’autonomie contre l’Etat
« Selon la Cour, les modalités d’allocation (des moyens des établissements) doivent davantage tenir compte du niveau initial des élèves, évalué par les tests nationaux à l’entrée du collège et du lycée, et des contraintes pesant sur le lieu d’implantation de l’établissement« , recommande la Cour. C’est à dire qu’à la place de l’éducation prioritaire avec son cadre national, on aurait des moyens décidés localement en fonction des difficultés pédagogiques mais aussi de la géographie. On détruit ainsi les critères nationaux qui sont la base de l’égalité, on s’en remet aux influences locales et on transfère des moyens des banlieues vers le rural plus « gaulois »…
Le troisième levier est en fait le même mais présenté de façon plus transparente. Il s’agit de « sortir d’une gestion encore trop concentrée« . « Son modèle de gestion, très vertical et centralisé, et privilégiant certains parcours, ne lui permet pas de fédérer les énergies au service de la réussite des élèves« , écrit la Cour à propos de l’Education nationale.
La Cour veut donc de l’autonomie. Selon la Cour, il faut « donner davantage de compétences et d’autonomie aux rectorats, par exemple dans le dialogue avec l’enseignement privé sous contrat sur la gestion des moyens, des ouvertures et des fermetures de classes« . C’est évidemment le moyen de contourner la barre des 20% imposée depuis les accords Lang Cloupet et d’assurer la croissance du privé. « Il faut aborder de façon pragmatique les difficultés de recrutement particulières de certaines académies ou certaines disciplines en tension, en donnant aux rectorats la possibilité d’expérimenter des modalités dérogatoires de recrutement sur diplômes« , comme on l’a vu plus haut. Mais c’est aussi étendre les pouvoir des des chefs d’établissement « pour en faire des cadres dirigeants« . Le Pacte leur donne déjà la main sur la paye, ce qui est énorme. La Cour propose qu’ils évaluent seuls les enseignants.
Dépasser le cloisonnement
Le dernier levier c’est la gestion de proximité, lancée sous Blanquer. « La Cour recommande, pour la gestion des personnels enseignants comme pour l’ensemble de la communauté éducative, de développer, outre les revalorisations salariales, une gestion des ressources humaines plus souple et dépassant le cloisonnement des métiers, pour redéployer les moyens et améliorer le service rendu aux élèves. Redéfinir les obligations de service pour intégrer en dehors du temps de classe le temps de travail des équipes pédagogiques, la formation, et les absences institutionnelles est pour cela indispensable« . Dépasser le cloisonnement c’est assurer les remplacements , comme le prévoit le Pacte. C’est aussi assurer la surveillance et la vie scolaire pour mieux « redéployer les moyens ». C’est mettre fin à la barrière entre 1er et 2d degré, comme l’introduit le Pacte 1er degré et fondre école et collège.
Si la Cour des Comptes va loin dans ses recommandations, celles-ci ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau c’est le martelage, la répétition ou, si on préfère, le harcèlement dont est victime la profession enseignante.
Hallali sur le statut des professeurs
Du coté de la Cour des Comptes rappelons son rapport de décembre 2021, en pleine campagne électorale. La Cour préconisait d’annualiser les services, de regrouper écoles primaires et collèges, de faire évaluer les enseignants par les chefs d’établissement et d’augmenter l’autonomie de ces derniers. En janvier 2023, nouveau rapport qui présente des établissements autonomes sous contrat avec l’Etat, financés selon les résultats des élèves et dotés d’un vrai manager. Une vraie privatisation de l’école publique. En février 2023, rebelote. La Cour publie un rapport sur le métier enseignant où elle recommande , comme on l’a vu, la contractualisation car « l’attractivité du métier enseignant ne peut se résumer à la question salariale« .
La Cour n’est pas seule. La droite sénatoriale tire dans le même sens. Rappelons le rapport Longuet de juin 2022 qui invite à laisser les chefs d’établissement recruter et payer à leur gré les enseignants pour augmenter « leur productivité ». « Les pays ayant la meilleure performance économique sont ceux où les enseignants vivent 35 heures par semaine dans l’établissement » , écrit G Longuet dans un raccourci stupéfiant. « On a le sentiment que la rue de Grenelle a offert aux enseignants des conditions de vie que nos compatriotes ne comprennent toujours pas car ils ont le sentiment qu’ils n’ont que 160 jours de travail par an ce qui n’est pas beaucoup« …
Nouveau texte du Sénat, cette fois ci une proposition de loi adoptée par la haute assemblée, en avril 2023. Le Sénat adopte la contractualisation des écoles et établissements, la bivalence des enseignants du 2d degré, leur évaluation par les chefs d’établissement, la fin des règles du mouvement.
A cela s’ajoute évidemment le Pacte. Celui-ci donne aux chefs d’établissement et aux directeurs le pouvoir de fixer le salaire des enseignants. Il met fin au lien entre corps et salaire et généralise la contractualisation salariale. Après la loi de transformation de la fonction publique, qui a supprimé le paritarisme, c’est l’éclatement des statuts qui se produit sous nos yeux. Il génère la division des enseignants et donc leur affaiblissement. Ce que Macron n’a pu faire dans son premier quinquennat se met en place. (voir aussi ici)
Ce nouveau rapport de la Cour des Comptes se situe dans ce contexte. Gouvernement, Sénat, Cour des Comptes, tous harcèlent ensemble le corps enseignant. Ils voient, avec la politique gouvernementale, sa chute arriver. Ils donnent les derniers coups. La revalorisation « morale des enseignants a duré bien peu de temps. La privatisation de l’Ecole semble « inévitable ». « la lame de fond est à l’œuvre » comme nous le disait en 2020 Xavier Pons.
François Jarraud
Dernière édition: 21 Jul 2023 16:51 par Loys.
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