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Le jeu de loi de Wikipédia
- Loys
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Qu'attend la Wikimedia Foundation pour rendre publique la demande de la DCRI du 4 mars ? Et qu'attend Rémi Mathis pour porter plainte ?DM écrit: Sur cette affaire, nous avons
1. les déclarations de Wikimedia Foundation (qui ne parle pas d'ordre de l'autorité judiciaire, mais de demande de la DCRI)
Vous ne parlez pas en ces termes des "communicants" de la Wikimedia Foundation ou de Wikimedia France, dont vous ne remettez guère les allégations en cause. Pourtant la communication a marché à plein (deux communiqués officiels, des articles dans la presse de membres de Wikimedia France etc.).2. les déclarations d'un communicant du Ministère de l'Intérieur un week-end [...]
Permettez-moi de ne pas prendre les déclarations de communicants pour argent comptant,
Je m'appuie sur la déclaration du Ministère....et de faire remarquer qu'un syndicaliste étranger à l'affaire et à la DCRI ne sait sans doute rien de précis (ou alors, ce serait effrayant: j'espère bien que la DCRI ou d'autres services de police ne communiquent pas les procédures aux syndicalistes).
Je note que vous ne vous offusquez pas qu'une instance aussi indépendante de la Wikimedia Foundation que l'est Wikimedia France prenne la parole pour défendre la Wikimedia Foundation sans savoir pourtant rien de précis non plus : blog.wikimedia.fr/la-dcri-menace ... ticle-5477
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- Loys
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Il ne s'agit pas de donner un ordre mais d'avertir Rémi Mathis des conséquence d'un refus d'obtempérer, c'est-à-dire des risques judiciaires d'un non respect de la LCEN (retrait immédiat d'un contenu quand son caractère illicite est porté à la connaissance de l'hébergeur sinon risque pénal) et d'une compromission du secret-défense (risque pénal).DM écrit: @archeboc: Selon vous, Rémi Mathis aurait dû faire "ce que les militaires lui demandaient".
Dans un état de droit, les militaires n'ont pas le pouvoir de donner des ordres aux civils (sauf les gendarmes, mais ce sont des militaires particuliers).
C'est le parquet, "sous le contrôle de l'autorité judiciaire" qui a fait cette demande. Si vous voulez contestez cette affirmation, apportez-en la preuve.En l'espèce, nous parlons de la DCRI, qui est un organisme civil, une des directions de la Police nationale. Mais, là encore, dans un état de droit, les policiers n'ont pas le droit d'exiger n'importe quoi.
Il faut croire que non, et la LCEN date même de 2004.Cette qualité d'"hébergeur de fait" que vous invoquez n'a il me semble jamais été reconnue par un tribunal français — alors que la LCEN date de 2008 et que donc on pourrait s'attendre à ce que les tribunaux aient défriché le terrain.
Je comprends que Wikipédia et la Wikimedia Foundation aient intérêt à ce que ce terrain ne soit pas défriché, même si - à titre personnel - je pense que ce n'est pas l'intérêt de Wikipédia à long terme.
Dans le cas d'un vide juridique, toutes les questions sont bonnes à poser.Autrement dit, vous faites du droit-fiction, se basant sur des jurisprudences qui pourraient bien arriver.
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Je ne prends pas non plus les déclarations de Wikimedia Foundation pour argent comptant (ne serait-ce que parce qu'il est possible que leur service juridique ne comprenne pas bien les procédures françaises).
Notez enfin que le communiqué de Wikimédia France ne se prononce pas sur le bien-fondé de la requête adressée à Wikimedia Foundation, mais sur la mise en cause d'un membre (son président) pour une affaire à laquelle il n'est pas mêlé et pour laquelle on ne peut pas arguer d'une urgence (l'article étant là depuis des années).
Enfin, vous demandez pourquoi Rémi Mathis ne porte pas plainte. Je ne suis pas Rémi Mathis et ne puis donc pas répondre à sa place. J'ai toutefois une explication plausible.
À en croire Maître Eolas (qui connaît visiblement bien le sujet) : la police pratique des "auditions libres", éventuellement sur convocation, où le témoin est censé se rendre de son plein gré et qu'il est censé pouvoir quitter à tout moment de son plein gré. Il n'a pas droit à un avocat. Lors de cette audition, la police informe le témoin que s'il ne coopère pas, elle le placera en garde à vue, d'où un emprisonnement de fait d'un durée de 24h ou 48h.
Cette pratique (convocation "libre" puis menace de gàv) est tout bénéfice pour la police:
- pas d'avocat
- la durée d'audition libre n'est pas décomptée du temps de garde à vue.
Cette pratique est peut-être légale, il n'en reste pas moins qu'elle choque certains avocats et d'autres citoyens.
Permettez-moi enfin de vous rappeler la différence qu'il y a entre une action choquante et une action illégale.
À ma connaissance, ni Wikimédia France ni Rémi Mathis n'accusent la DCRI de délits, qui pourraient valoir une plainte en justice. Wikimédia France, en revanche, estime choquante l'action de la DCRI, à la fois parce qu'elle vise une personne qui n'est pas partie à l'affaire, et qu'elle constitue une forme de pression et d'intimidation.
Jusque là, personne n'a contesté qu'il s'agissait bien d'une forme de pression et d'intimidation, voire de menace (le syndicaliste de la police et le communicant de l'Intérieur ont juste dit que c'était légal), et personne n'a contesté que Rémi Mathis n'avait rien à voir avec l'article en question et n'exerçait aucune fonction chez Wikimedia Foundation; ses seuls points de raccord au problème sont le fait qu'il apparaît parfois dans les médias pour parler de Wikipédia, et celui qu'il pouvait faire disparaître temporairement l'article (je dis temporairement parce qu'il ne peut évidemment pas empêcher que d'autres personnes, notamment résidant hors de France, le rétablissent).
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DM écrit: Permettez-moi enfin de vous rappeler la différence qu'il y a entre une action choquante et une action illégale.
Je vous remercie de cette distinction, c'était elle que je cherchais pour mettre des mots sur certains détails de cette affaire.
Ainsi, même si l'action de Rémi Mathis n'est pas illégale (ce qui reste à démontrer) elle est pour moi profondément choquante. Averti que certaines informations sont dangereuses pour son pays, et donc pour ses concitoyens, et muni du pouvoir de les faire discrètement disparaître, il fait exactement le contraire ? Beurk.
DM écrit: et personne n'a contesté que Rémi Mathis n'avait rien à voir avec l'article en question et n'exerçait aucune fonction chez Wikimedia Foundation; ses seuls points de raccord au problème sont le fait qu'il apparaît parfois dans les médias pour parler de Wikipédia, et celui qu'il pouvait faire disparaître temporairement l'article (je dis temporairement parce qu'il ne peut évidemment pas empêcher que d'autres personnes, notamment résidant hors de France, le rétablissent).
Il a le pouvoir de le faire disparaître discrètement, de surveiller qu'il ne revient pas, de persister à le faire mourir, de promouvoir des contributeurs proches de la DCRI, etc. Il a le pouvoir d'utiliser son influence pour le bien de son pays, pour notre bien à tous. Il a préféré la jouer perso, pour soigner sa notoriété et son brushing de rebelle, vous ne voulez quand même pas que je le plaigne, ni que je le félicite ?
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Une action légale mais choquante, c'est un abus de droit, non ?
Donc pour résumer, face à une désobéissance civile, la DCRI a commis un abus de droit.
Ces subtilités entre droit à appliquer et droit à transgresser me font penser à ce que j'ai entendu ce matin sur France Inter .
Personne n’est au-dessus des lois. S’il y a des infractions ou des violences, elles doivent être sanctionnées. On peut quand même être surpris par le zèle que met la police à réprimer les opposants au projet Taubira. Je vais vous donner un exemple : lundi dernier, il y a eu des heurts violents à Notre-Dame-des-Landes, entre les opposants au projet d’aéroport et les forces de l’ordre. Trois gendarmes ont été blessés. Il y a eu deux gardes à vue. La veille, il y a avait eu une manifestation, non violente, à Paris, contre le mariage gay. Bilan : 67 gardes à vue. Autre exemple : quand des salariés de PSA envahissent le conseil national du PS samedi dernier, obligeant le premier ministre à quitter précipitamment les lieux sous protection policière, personne ne bouge à gauche. Mais quand il y a des débordements dans une manif contre la loi Taubira, Harlem Désir, le patron du PS, parle de « groupes fascisants ». Comme s’il y avait des bons et des mauvais manifestants ?
Dans cette discussion entre Wikipédia et la DCRI, j'adore la façon dont on flirte avec le fait que la France serait un pays totalitaire. Si on suivait cette logique, Wikipédia serait quoi ? La résistance qui se dédie à sauver le monde ?
Et comme dirait l'autre à propos des fichier de données personnelles, "vous n'avez rien à vous reprocher ? Rien à cacher ?" Donc autant répondre aux demandes de la DCRI, non ?
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* que le devoir d'un simple citoyen qui se trouve périphériquement mêlé à une affaire est de se transformer durablement en auxiliaire de police, de faciliter l'infiltration d'agents de la police, y compris en mentant à son entourage associatif
* que le bien de la France est défini par la police et l'armée, qui peuvent, sans se justifier, exiger au nom de l'intérêt supérieur la suppression de tout document.
Cela me rappelle (pardonnez les références culturelles peu raffinées) le blanc-seing signé par Richelieu dans les Trois Mousquetaires.
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À partir du moment où l'information s'est ébruitée, s'en prendre à Wikipédia et à ses contributeurs est tout simplement idiot. La DCRI s'est trouvé un bouc émissaire commode, mais tout résulte in fine de son incapacité à garder ses secrets.
Typhon
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- Loys
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Et s'il y a faute militaire...
- ce n'est pas celle de la DCRI qui est une instance de police agissant à la demande du parquet, et non une instance militaire.
- c'est un mauvais prétexte pour publier des informations classifiées à grande échelle, dans toutes les langues et avec le plus de publicité possible. Le recel est un délit comme le vol.
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- Loys
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Attendons, attendons.DM écrit: Pardon, typo, évidemment c'est 2004. Je voulais dire qu'en 8 ans, et presque 9, nous n'avons pas eu de jurisprudence (du moins à ma connaissance) qualifiant une personne d'hébergeur de fait.
Dans ce cas c'est parfaitement légitime mais ce que vous affirmez n'est pas tout à fait exact : Wikimedia France prend bien la défense de la Wikimedia Foundation, avec laquelle elle soutient qu'elle n'a aucun lien (ce qui ne manquera pas d'en faire sourire certains). Je cite : "La Wikimedia Foundation est habituée à collaborer sur requête judiciaire avec les autorités des différents pays de diffusion de Wikipédia. Elle reçoit des centaines de demandes de retrait de contenu chaque année, et coopère de son mieux pour régler ce genre de problèmes lorsque les requêtes sont claires et juridiquement motivées."Notez enfin que le communiqué de Wikimédia France ne se prononce pas sur le bien-fondé de la requête adressée à Wikimedia Foundation, mais sur la mise en cause d'un membre (son président) pour une affaire à laquelle il n'est pas mêlé et pour laquelle on ne peut pas arguer d'une urgence (l'article étant là depuis des années).
Concernant l'absence de plainte de Rémi Mathis, je pense que l'explication est plutôt dans le vide juridique que les deux Wikimedia n'ont pas intérêt à voir combler. Une plainte obligerait en effet à sortir de ce vide et rien ne garantit que l'issue soit favorable à Wikimedia.
Bien sûr qu'il a fait l'objet d'une menace. Mais je dirais pour provoquer que la loi est dans son principe même une menace.
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* Wikimédia France ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé de la requête adressée à Wikimedia Foundation (*). Elle s'est contenté d'indiquer qu'à sa connaissance, l'habitude de Wikimedia Foundation est de collaborer aux requêtes judiciaires (sans doute limitées aux pays un minimum démocratiques et respectueux des droits). Bref, c'est « nous sommes surpris qu'il y ait eu un problème, car d'habitude cela fonctionne » et non « nous affirmons que la DCRI a présenté une requête fumeuse ».
* Wikimédia France n'a jamais prétendu n'avoir aucun lien avec Wikimedia Foundation, ne serait-ce que parce qu'elle a un contrat avec cette organisation lui donnant le droit d'utiliser la marque déposée Wikimedia. Cependant, elle a des dirigeants indépendants (élus par les membres de l'association) — ce n'est pas une filiale de Wikimedia Foundation, et surtout elle n'en est ni mandataire, ni représentant légal, ni porte-parole. Elle ne s'exprime donc qu'en son nom propre.
J'admets qu'il s'agit de distinctions fines, et que de loin Wikipédia, Wikimédia France et Wikimedia Foundation c'est la même chose. Cependant, nous parlons ici de droit, où justement ces distinctions ont une importance.
(*) Je serais d'ailleurs extrêmement surpris que les dirigeants de cette association aient eu communication de cette requête.
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