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"Le numérique par et pour l’éducation inclusive"
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03 Fév 2021 18:37 - 03 Fév 2021 18:47 #23172
par Loys
"Le numérique par et pour l’éducation inclusive" a été créé par Loys
Dans "Le Nouvelle Revue - Education et société inclusives" (2019 n°87) ce dossier :
"Le numérique par et pour l’éducation inclusive"
Présentation du dossier
Présentation du dossier
Line Numa-Bocage, Ecaterina Pacurar
La déclaration de Salamanque au niveau international et la loi du 11 février 2005 en France engageaient au développement d’une société inclusive et d’orientation integratiste visant aussi bien l’éducation et la formation que tous les secteurs de l’activité humaine. Depuis, une rupture paradigmatique s’est peu à peu instaurée entre les deux termes amenant à considérer l’inclusion comme une position plus radicale où l’école, voire la société, « doit s’organiser pour répondre aux besoins particuliers de tous les élèves alors que l’intégration suppose la mise en œuvre de dispositifs de soutien et de rééducation pour adapter l’enfant ou l’adolescent à l’école ordinaire » (Thomazet, 2010). Cette approche nous enjoint à repenser le système éducatif dans une visée transformationnelle (Plaisance, 2010 ; Ramel, 2010) à renouveler les pratiques dans un processus où les technologies apparaissent comme des supports potentiels à l’éducation inclusive et à la formation.
Ce dossier intitulé « Le numérique par et pour l’éducation inclusive » pourrait paraître centré sur le seul domaine scolaire, mais si, d’un côté, il montre que les approches inclusives offrent des perspectives pour prendre en compte la diversité des profils des acteurs et des contextes d’apprentissage et de formation en apportant des réponses (pédagogiques et didactiques) pour tous, d’un autre côté, en déplaçant la perspective de transformation de l’individu vers une réflexion relative au milieu dans lequel il évolue, il étend, par ce basculement vers l’inclusion, les espaces et les temporalités où l’action éducative se produit bien au-delà de l’espace scolaire et de son temps.
Un peu plus d’une vingtaine d’années plus tard et parallèlement au développement de la technologie numérique, où en sommes-nous ? Les nouvelles technologies permettent-elles de penser autrement la problématique de l’éducation inclusive ? Parmi les recherches sur inclusion en contexte d’éducation et de formation explorant cette perspective, celles interrogeant l’accessibilité numérique se multiplient en mettant la focale aussi bien sur l’apport des technologies mobiles que sur l’apport de la réalité virtuelle dans des situations d’apprentissage. Ainsi l’intérêt de l’interactivité et des fonctionnalités tactiles des tablettes pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Terrat, 2013) a fait l’objet d’études auprès des jeunes scolarisés en situation de handicap. D’autres travaux sont centrés sur des approches didactiques et pédagogiques des ressources numériques et de leur analyse en termes d’accessibilité et l’opérationnalité inclusive (Benoit et Feuilladieu, 2017). Des recherches récentes à destination des praticiens de l’éducation ont pour objectif de clarifier certaines perspectives d’utilisation d’aides technologiques en direction des praticiens de l’éducation (Rousseau et Angelucci, 2014).
Ces divers domaines d’application liés à la problématique de l’inclusion et du numérique, qu’ils soient centrés sur l’éducation en milieu scolaire, universitaire ou sur l’éducation à la santé, se développent dans une approche interdisciplinaire : quelles transformations observe-t-on dans les pratiques inclusives avec des technologies numériques ? Quels développements dans les formations peuvent être envisagés dans une perspective de société inclusive ? En effet, au-delà de l’affirmation des droits, se trouve le registre pragmatique de l’action dans l’espace éducatif (Nedelec-Trohel, Numa-Bocage et Kalubi, 2015 ; Husson et Pérez, 2016) et de son écologie. Dans la formation, les transformations pourraient alors ne pas être aussi syncrétiques qu’espérées (Michailakis et Reich, 2009).
La société inclusive est ainsi un projet social et sociétal dont l’effectivité est encore à réaliser (Gardou, 2012). Le numérique semble devoir y jouer une place incontournable (European Commission, 2019). Dans cette perspective l’éducation inclusive se trouve traversée par différentes réflexions mettant en tension la place des acteurs et les contraintes des institutions. Il semble alors que l’utilisation des artefacts matériels ou symboliques du numérique apporterait des pistes de réalisation concrète de l’inclusion pour tous dans la société.
Le colloque international Regards croisés sur l’éducation inclusive et les technologies numériques (Strasbourg, 5 et 6 avril 2018) a cherché à faire cet état des lieux du processus concret de l’inclusion dans la société. Ce dossier propose certaines des réflexions issues de ce colloque en mettant l’accent sur les artefacts et instruments de l’inclusion par et pour le numérique.
Dans une perspective interdisciplinaire, ce dossier thématique se veut alors être une contribution à ce débat par la mise en dialogue entre des chercheurs et praticiens, provenant de domaines de recherche et de terrains professionnels variés, sur un objet d’étude situé dans le champ de l’éducation. Il se veut être une ouverture scientifique aux regards croisés sur des résultats issus de la recherche et des retours de praticiens.
Les neuf textes recensés dans ce dossier thématique sont issus aussi bien des travaux de recherche réalisés sur des dispositifs spécifiques d’école inclusive que de travaux basés sur des retours d’expérience réalisés par des professionnels praticiens du domaine de l’inclusion en contexte d’usage des technologies numériques. La dixième contribution apporte à l’ensemble de l’ouvrage un point d’orgue en forme de synthèse et de mise en perspective au regard des débats en cours, notamment au niveau international.
Dans le premier article, cette période de transformations profondes de la société et de l’école est reprise dans la réflexion que propose Teresa Assude. Ce texte traite la question des changements induits par et pour l’éducation inclusive et numérique. La thématique est abordée dans un premier temps à travers la définition du terme inclusivité, celle-ci vue comme un horizon encore à atteindre, comme le souligne Gardou (2012). Puis, dans un second temps, à travers les convergences possibles avec le numérique dans l’éducation. L’exemple de l’utilisation des tablettes à l’école est alors le prétexte à la discussion de l’effectivité de l’inclusivité. L’éducation numérique et l’éducation inclusive visent ainsi l’accès de tous à tout. Mais quelle opérationnalité inclusive est-elle possible ? La discussion s’installe alors à travers la notion d’accessibilité et d’accessibilité didactique, et autour des conditions favorables à la mise en œuvre d’une dynamique inclusive dans la classe, un nouveau partage de responsabilités entre l’enseignant et l’élève.
L’utilisation à l’école des tablettes est aussi la centration de Claude-Alexandre Magot et Stéphanie Listra. Ainsi, l’article interroge l’usage des tablettes numériques par des enfants atteints des troubles d’autisme. Il porte sur une étude de cas située dans une perspective écologique et basée sur une approche de recherche-action dans le cadre du dispositif Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire). L’apport de ce texte peut être considéré, d’une part, dans l’élaboration du cadre théorique, fondé sur la TAD et la genèse instrumentale, et d’autre part, dans l’approche clinique, la démarche réflexive de l’enseignante et l’interprétation de ses observations.
L’article de Mélissa Arneton et Cédric Moreau est une métaréflexion sur les choix d’outils numériques de travail entre des participants (chercheurs, praticiens, militants, etc.) dans le cadre d’un projet visant à la construction d’un vivre-ensemble entre individus porteurs de cultures différentes dans une approche inspirée du courant pratique en épistémologie des sciences. Dans leur contribution, après une discussion sur l’évolution des termes de l’intégration à l’inclusion et à l’adjectif inclusif, les auteurs proposent de discuter des fonctionnalités et du potentiel d’apprentissage de la plateforme Ocelles : Observatoire des concepts et lexiques en langues écrites et signées. Ils interrogent la portée et les limites des conceptions de collaboration et des espaces collaboratifs dans des dispositifs numériques mobilisés en s’inspirant du triangle sémiotique d’Ogen et Richards (1923).
L’article de Vanessa Bacquelé s’intéresse aux pratiques et conceptions des enseignants pour l’accompagnement des élèves dyslexiques bénéficiant d’aides technologiques plus spécifiquement les ordinateurs. Malgré l’introduction de la machine, il reste toujours à la charge des enseignants d’élaborer et de mettre en œuvre le projet de compensation pour les élèves, en s’appuyant le cas échéant sur l’expertise de l’ergothérapeute ou de l’enseignant spécialisé. L’enseignant se doit alors d’intégrer de nouveaux automatismes. L’usage de la synthèse vocale permet à certains jeunes de gagner en autonomie dans le langage écrit, mais la nécessité d’un raisonnement orthographique s’impose pour la correction des textes produits. Il apparait que l’introduction de l’aide technologique dans la classe à un effet sur les pratiques des enseignants. L’auteur se demande si la machine à elle seule, permet à l’élève de surmonter ses difficultés. La question des compétences augmentées est alors convoquée.
Après une synthèse sur le stress spécifique ressenti par les élèves dyslexiques ou dysorthographiques face à des tâches d’apprentissage, d’exercice ou d’évolution, les auteures Michelle Dumont, Nadia Rousseau, Stacey Paquin, Priscilla Boyer, Brigitte Stanké mettent en avant le fait que ces élèves souffrent davantage que leurs pairs non soumis à ces difficultés. Elles mettent ensuite l’accent sur les technologies d’aide (Td’A) associées au processus d’écriture et en discutent la fonction et l’efficience au regard des difficultés des élèves. Les Td’A sont alors utilisées comme mesure d’adaptation, mais les auteures posent un regard critique sur leurs apports dans une perspective globale de l’apprentissage qui allie cognition et émotion, à travers l’étude de trois ressources personnelles (la perception de soi scolaire, le sentiment d’efficacité personnelle et l’anxiété aux évaluations).
L’article proposé par Caroline Barbot-Bouzit interroge l’utilisation des outils d’écriture collaborative, comme le blog, par des élèves ayant des déficiences motrices sévères, à travers une étude de cas concernant le récit à partir des souvenirs d’un voyage en classe. L’analyse porte sur l’activité d’écriture poétique d’une élève présentant des déficiences motrices sévères. L’interprétation des résultats amène à constater comme plus-value l’activité d’écriture sur le blog Renaissance, contribuant à favoriser des apprentissages liés au langage écrit, à s’exprimer avec poésie et à communiquer avec son entourage.
Le Trouble du spectre de l’autisme (TSA), en tant qu’enjeu de santé publique, fait l’objet dans la contribution de Vasiliki Mourgela et Céline Clément, d’une revue de la question qui montre que les programmes de formation à distance pour les parents visent surtout l’information et une formation détachée du contexte de vie de leur enfants et qu’ils ne sont pas suffisamment accompagnés. La proposition faite est la transposition d’un programme palliant ce manque dans la formation. Une recherche exploratoire avec le programme (L’ABC du comportement d’enfant ayant un TSA : des parents en action !) est ici présenté, et expérimenté avec trois familles d’enfants TSA.
L’article proposé par Mike Noeppel et Claire Goulet, interroge l’incidence des stages en formation continue sur les représentations qu’ont les enseignants de l’inclusion. Le terrain d’étude est centré sur des stagiaires suivant des formations sur plusieurs années. L’objectif des auteurs est d’identifier des caractéristiques formatives de ces dispositifs de formation continue susceptibles d’influer sur l’évolution positive des représentations des enseignants stagiaires sur l’inclusion. Les enseignants participants à l’étude ont été regroupés selon la spécificité des formations qu’ils avaient suivies, orientées handicap comportemental, handicap limitant ou toutes formes de handicap. Les résultats obtenus suite à l’analyse quantitative et qualitative de l’enquête amènent à considérer, entre autres, l’apport significatif des interventions des professionnels sur des situations de handicap. Ces interventions conjuguées à la pertinence des contenus de ces stages semblent contribuer à une meilleure compréhension du fonctionnement lié aux besoins particuliers des élèves.
L’article proposé par Laetitia Castillan, Julie Lemarié, Mustapha Mojahid interroge l’accessibilité native des contenus pédagogiques dans les situations d’apprentissage pour des élèves déficients visuels. Partant d’une description du cas de la Suède concernant l’adaptation des manuels scolaires numérique, les auteurs interrogent les bénéfices et limites de l’édition des manuels scolaires numériques en contexte d’inclusion en France. Les résultats de l’étude montrent que l’adaptation numérique des manuels scolaires semble être bénéfique pour les élèves déficients visuels (libérer des ressources mentales pour l’apprentissage, avoir recours à des stratégies de compensation pour faciliter l’apprentissage). Cependant les auteurs soulèvent la question des limites et bénéfices de cette évolution d’édition sur l’activité des services d’adaptation qui accueillent les élèves en inclusion. L’analyse amène à souligner qu’une édition inclusive des manuels scolaires numériques contribuerait à alléger la charge de travail en permettant aux professionnels des services d’adaptation de centrer davantage leur activité sur la dimension pédagogique de l’encadrement des élèves.
La conclusion d’Éric Plaisance, Numérique et éducation inclusive : Quelles alliances ? souligne les aspects fondamentaux de la réflexion menée dans ces différents articles. Ainsi, l’auteur rappelle-t-il la position de l’Unesco en 2009, qui adopte des « principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation » et fait référence à l‘ensemble des « apprenants » et non à un type spécifique d’élèves. Ceci place le terme diversité au cœur de la réflexion sur l’inclusion et ouvre la responsabilité à l’ensemble des acteurs dans la perspective d’une véritable politique d’inclusion sociale. L’auteur va plus loin en expliquant « Elle ne peut avoir de sens que dans un changement radical d’attitudes et de pratiques : non plus dans l’adaptation des personnes diverses à la réalité existante des institutions et des manières de faire, mais, au contraire, dans la visée ambitieuse de modifications profondes des institutions et des comportements. […] un engagement éthique dans la relation à l‘autre. » Il met également l’accent sur de nouvelles perspectives qui orientent les futures recherches : la compatibilité de l’outil avec les besoins spécifiques des enfants, dans la variété des manifestations du syndrome autistique ; le rôle médiateur de l’adulte comme dimension essentielle pour aider les élèves à se déprendre des pièges du numérique et à en faire une source de savoir.
Line Numa-Bocage, Ecaterina Pacurar
La déclaration de Salamanque au niveau international et la loi du 11 février 2005 en France engageaient au développement d’une société inclusive et d’orientation integratiste visant aussi bien l’éducation et la formation que tous les secteurs de l’activité humaine. Depuis, une rupture paradigmatique s’est peu à peu instaurée entre les deux termes amenant à considérer l’inclusion comme une position plus radicale où l’école, voire la société, « doit s’organiser pour répondre aux besoins particuliers de tous les élèves alors que l’intégration suppose la mise en œuvre de dispositifs de soutien et de rééducation pour adapter l’enfant ou l’adolescent à l’école ordinaire » (Thomazet, 2010). Cette approche nous enjoint à repenser le système éducatif dans une visée transformationnelle (Plaisance, 2010 ; Ramel, 2010) à renouveler les pratiques dans un processus où les technologies apparaissent comme des supports potentiels à l’éducation inclusive et à la formation.
Ce dossier intitulé « Le numérique par et pour l’éducation inclusive » pourrait paraître centré sur le seul domaine scolaire, mais si, d’un côté, il montre que les approches inclusives offrent des perspectives pour prendre en compte la diversité des profils des acteurs et des contextes d’apprentissage et de formation en apportant des réponses (pédagogiques et didactiques) pour tous, d’un autre côté, en déplaçant la perspective de transformation de l’individu vers une réflexion relative au milieu dans lequel il évolue, il étend, par ce basculement vers l’inclusion, les espaces et les temporalités où l’action éducative se produit bien au-delà de l’espace scolaire et de son temps.
Un peu plus d’une vingtaine d’années plus tard et parallèlement au développement de la technologie numérique, où en sommes-nous ? Les nouvelles technologies permettent-elles de penser autrement la problématique de l’éducation inclusive ? Parmi les recherches sur inclusion en contexte d’éducation et de formation explorant cette perspective, celles interrogeant l’accessibilité numérique se multiplient en mettant la focale aussi bien sur l’apport des technologies mobiles que sur l’apport de la réalité virtuelle dans des situations d’apprentissage. Ainsi l’intérêt de l’interactivité et des fonctionnalités tactiles des tablettes pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Terrat, 2013) a fait l’objet d’études auprès des jeunes scolarisés en situation de handicap. D’autres travaux sont centrés sur des approches didactiques et pédagogiques des ressources numériques et de leur analyse en termes d’accessibilité et l’opérationnalité inclusive (Benoit et Feuilladieu, 2017). Des recherches récentes à destination des praticiens de l’éducation ont pour objectif de clarifier certaines perspectives d’utilisation d’aides technologiques en direction des praticiens de l’éducation (Rousseau et Angelucci, 2014).
Ces divers domaines d’application liés à la problématique de l’inclusion et du numérique, qu’ils soient centrés sur l’éducation en milieu scolaire, universitaire ou sur l’éducation à la santé, se développent dans une approche interdisciplinaire : quelles transformations observe-t-on dans les pratiques inclusives avec des technologies numériques ? Quels développements dans les formations peuvent être envisagés dans une perspective de société inclusive ? En effet, au-delà de l’affirmation des droits, se trouve le registre pragmatique de l’action dans l’espace éducatif (Nedelec-Trohel, Numa-Bocage et Kalubi, 2015 ; Husson et Pérez, 2016) et de son écologie. Dans la formation, les transformations pourraient alors ne pas être aussi syncrétiques qu’espérées (Michailakis et Reich, 2009).
La société inclusive est ainsi un projet social et sociétal dont l’effectivité est encore à réaliser (Gardou, 2012). Le numérique semble devoir y jouer une place incontournable (European Commission, 2019). Dans cette perspective l’éducation inclusive se trouve traversée par différentes réflexions mettant en tension la place des acteurs et les contraintes des institutions. Il semble alors que l’utilisation des artefacts matériels ou symboliques du numérique apporterait des pistes de réalisation concrète de l’inclusion pour tous dans la société.
Le colloque international Regards croisés sur l’éducation inclusive et les technologies numériques (Strasbourg, 5 et 6 avril 2018) a cherché à faire cet état des lieux du processus concret de l’inclusion dans la société. Ce dossier propose certaines des réflexions issues de ce colloque en mettant l’accent sur les artefacts et instruments de l’inclusion par et pour le numérique.
Dans une perspective interdisciplinaire, ce dossier thématique se veut alors être une contribution à ce débat par la mise en dialogue entre des chercheurs et praticiens, provenant de domaines de recherche et de terrains professionnels variés, sur un objet d’étude situé dans le champ de l’éducation. Il se veut être une ouverture scientifique aux regards croisés sur des résultats issus de la recherche et des retours de praticiens.
Les neuf textes recensés dans ce dossier thématique sont issus aussi bien des travaux de recherche réalisés sur des dispositifs spécifiques d’école inclusive que de travaux basés sur des retours d’expérience réalisés par des professionnels praticiens du domaine de l’inclusion en contexte d’usage des technologies numériques. La dixième contribution apporte à l’ensemble de l’ouvrage un point d’orgue en forme de synthèse et de mise en perspective au regard des débats en cours, notamment au niveau international.
Dans le premier article, cette période de transformations profondes de la société et de l’école est reprise dans la réflexion que propose Teresa Assude. Ce texte traite la question des changements induits par et pour l’éducation inclusive et numérique. La thématique est abordée dans un premier temps à travers la définition du terme inclusivité, celle-ci vue comme un horizon encore à atteindre, comme le souligne Gardou (2012). Puis, dans un second temps, à travers les convergences possibles avec le numérique dans l’éducation. L’exemple de l’utilisation des tablettes à l’école est alors le prétexte à la discussion de l’effectivité de l’inclusivité. L’éducation numérique et l’éducation inclusive visent ainsi l’accès de tous à tout. Mais quelle opérationnalité inclusive est-elle possible ? La discussion s’installe alors à travers la notion d’accessibilité et d’accessibilité didactique, et autour des conditions favorables à la mise en œuvre d’une dynamique inclusive dans la classe, un nouveau partage de responsabilités entre l’enseignant et l’élève.
L’utilisation à l’école des tablettes est aussi la centration de Claude-Alexandre Magot et Stéphanie Listra. Ainsi, l’article interroge l’usage des tablettes numériques par des enfants atteints des troubles d’autisme. Il porte sur une étude de cas située dans une perspective écologique et basée sur une approche de recherche-action dans le cadre du dispositif Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire). L’apport de ce texte peut être considéré, d’une part, dans l’élaboration du cadre théorique, fondé sur la TAD et la genèse instrumentale, et d’autre part, dans l’approche clinique, la démarche réflexive de l’enseignante et l’interprétation de ses observations.
L’article de Mélissa Arneton et Cédric Moreau est une métaréflexion sur les choix d’outils numériques de travail entre des participants (chercheurs, praticiens, militants, etc.) dans le cadre d’un projet visant à la construction d’un vivre-ensemble entre individus porteurs de cultures différentes dans une approche inspirée du courant pratique en épistémologie des sciences. Dans leur contribution, après une discussion sur l’évolution des termes de l’intégration à l’inclusion et à l’adjectif inclusif, les auteurs proposent de discuter des fonctionnalités et du potentiel d’apprentissage de la plateforme Ocelles : Observatoire des concepts et lexiques en langues écrites et signées. Ils interrogent la portée et les limites des conceptions de collaboration et des espaces collaboratifs dans des dispositifs numériques mobilisés en s’inspirant du triangle sémiotique d’Ogen et Richards (1923).
L’article de Vanessa Bacquelé s’intéresse aux pratiques et conceptions des enseignants pour l’accompagnement des élèves dyslexiques bénéficiant d’aides technologiques plus spécifiquement les ordinateurs. Malgré l’introduction de la machine, il reste toujours à la charge des enseignants d’élaborer et de mettre en œuvre le projet de compensation pour les élèves, en s’appuyant le cas échéant sur l’expertise de l’ergothérapeute ou de l’enseignant spécialisé. L’enseignant se doit alors d’intégrer de nouveaux automatismes. L’usage de la synthèse vocale permet à certains jeunes de gagner en autonomie dans le langage écrit, mais la nécessité d’un raisonnement orthographique s’impose pour la correction des textes produits. Il apparait que l’introduction de l’aide technologique dans la classe à un effet sur les pratiques des enseignants. L’auteur se demande si la machine à elle seule, permet à l’élève de surmonter ses difficultés. La question des compétences augmentées est alors convoquée.
Après une synthèse sur le stress spécifique ressenti par les élèves dyslexiques ou dysorthographiques face à des tâches d’apprentissage, d’exercice ou d’évolution, les auteures Michelle Dumont, Nadia Rousseau, Stacey Paquin, Priscilla Boyer, Brigitte Stanké mettent en avant le fait que ces élèves souffrent davantage que leurs pairs non soumis à ces difficultés. Elles mettent ensuite l’accent sur les technologies d’aide (Td’A) associées au processus d’écriture et en discutent la fonction et l’efficience au regard des difficultés des élèves. Les Td’A sont alors utilisées comme mesure d’adaptation, mais les auteures posent un regard critique sur leurs apports dans une perspective globale de l’apprentissage qui allie cognition et émotion, à travers l’étude de trois ressources personnelles (la perception de soi scolaire, le sentiment d’efficacité personnelle et l’anxiété aux évaluations).
L’article proposé par Caroline Barbot-Bouzit interroge l’utilisation des outils d’écriture collaborative, comme le blog, par des élèves ayant des déficiences motrices sévères, à travers une étude de cas concernant le récit à partir des souvenirs d’un voyage en classe. L’analyse porte sur l’activité d’écriture poétique d’une élève présentant des déficiences motrices sévères. L’interprétation des résultats amène à constater comme plus-value l’activité d’écriture sur le blog Renaissance, contribuant à favoriser des apprentissages liés au langage écrit, à s’exprimer avec poésie et à communiquer avec son entourage.
Le Trouble du spectre de l’autisme (TSA), en tant qu’enjeu de santé publique, fait l’objet dans la contribution de Vasiliki Mourgela et Céline Clément, d’une revue de la question qui montre que les programmes de formation à distance pour les parents visent surtout l’information et une formation détachée du contexte de vie de leur enfants et qu’ils ne sont pas suffisamment accompagnés. La proposition faite est la transposition d’un programme palliant ce manque dans la formation. Une recherche exploratoire avec le programme (L’ABC du comportement d’enfant ayant un TSA : des parents en action !) est ici présenté, et expérimenté avec trois familles d’enfants TSA.
L’article proposé par Mike Noeppel et Claire Goulet, interroge l’incidence des stages en formation continue sur les représentations qu’ont les enseignants de l’inclusion. Le terrain d’étude est centré sur des stagiaires suivant des formations sur plusieurs années. L’objectif des auteurs est d’identifier des caractéristiques formatives de ces dispositifs de formation continue susceptibles d’influer sur l’évolution positive des représentations des enseignants stagiaires sur l’inclusion. Les enseignants participants à l’étude ont été regroupés selon la spécificité des formations qu’ils avaient suivies, orientées handicap comportemental, handicap limitant ou toutes formes de handicap. Les résultats obtenus suite à l’analyse quantitative et qualitative de l’enquête amènent à considérer, entre autres, l’apport significatif des interventions des professionnels sur des situations de handicap. Ces interventions conjuguées à la pertinence des contenus de ces stages semblent contribuer à une meilleure compréhension du fonctionnement lié aux besoins particuliers des élèves.
L’article proposé par Laetitia Castillan, Julie Lemarié, Mustapha Mojahid interroge l’accessibilité native des contenus pédagogiques dans les situations d’apprentissage pour des élèves déficients visuels. Partant d’une description du cas de la Suède concernant l’adaptation des manuels scolaires numérique, les auteurs interrogent les bénéfices et limites de l’édition des manuels scolaires numériques en contexte d’inclusion en France. Les résultats de l’étude montrent que l’adaptation numérique des manuels scolaires semble être bénéfique pour les élèves déficients visuels (libérer des ressources mentales pour l’apprentissage, avoir recours à des stratégies de compensation pour faciliter l’apprentissage). Cependant les auteurs soulèvent la question des limites et bénéfices de cette évolution d’édition sur l’activité des services d’adaptation qui accueillent les élèves en inclusion. L’analyse amène à souligner qu’une édition inclusive des manuels scolaires numériques contribuerait à alléger la charge de travail en permettant aux professionnels des services d’adaptation de centrer davantage leur activité sur la dimension pédagogique de l’encadrement des élèves.
La conclusion d’Éric Plaisance, Numérique et éducation inclusive : Quelles alliances ? souligne les aspects fondamentaux de la réflexion menée dans ces différents articles. Ainsi, l’auteur rappelle-t-il la position de l’Unesco en 2009, qui adopte des « principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation » et fait référence à l‘ensemble des « apprenants » et non à un type spécifique d’élèves. Ceci place le terme diversité au cœur de la réflexion sur l’inclusion et ouvre la responsabilité à l’ensemble des acteurs dans la perspective d’une véritable politique d’inclusion sociale. L’auteur va plus loin en expliquant « Elle ne peut avoir de sens que dans un changement radical d’attitudes et de pratiques : non plus dans l’adaptation des personnes diverses à la réalité existante des institutions et des manières de faire, mais, au contraire, dans la visée ambitieuse de modifications profondes des institutions et des comportements. […] un engagement éthique dans la relation à l‘autre. » Il met également l’accent sur de nouvelles perspectives qui orientent les futures recherches : la compatibilité de l’outil avec les besoins spécifiques des enfants, dans la variété des manifestations du syndrome autistique ; le rôle médiateur de l’adulte comme dimension essentielle pour aider les élèves à se déprendre des pièges du numérique et à en faire une source de savoir.
Dernière édition: 03 Fév 2021 18:47 par Loys.
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