"Mais qui sont les assassins de l’école ?" (Carole Barjon)

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21 Oct 2016 09:16 #17477 par Loys
Dans le "Café" du 21/10/16 : "Philippe Meirieu : La victoire à la Pyrrhus des « anti-pédagos »…"

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21 Oct 2016 10:55 - 23 Oct 2016 12:08 #17480 par Loys
C'est qui, Pyrrhus ? :spider:

La critique de la pédagogie, de son laxisme délétère et de ses dispositifs technocratiques, de son humanisme niais et de son jargon scientiste, de son agitation marginale et de sa toute-puissance institutionnelle, est particulièrement à la mode par les temps qui courent.

Le ton est donné : critiquer Philippe Meirieu, c'est critiquer "la pédagogie". Comment reconnaître les pédagogistes ? Facile : ils s'autodésignent comme seuls détenteurs de la pédagogie !
"laxisme délétère" : pas de remarque de Philippe Meirieu sur le climat de discipline officiellement déplorable en France ?
"dispositifs technocratiques" : pas de remarque de Philippe Meirieu sur les atteintes à la liberté pédagogique dans la réforme du collège ?
"son humanisme niais" : pas de remarque de Philippe Meirieu sur les régressions scolaires engendrées par la généreuse idéologie pédagogiste ?
"son jargon scientiste" : pas de remarque de Philippe Meirieu sur le vocabulaire des nouveaux programmes par exemple ?
"son agitation marginale et de sa toute-puissance institutionnelle" : : pas de remarque de Philippe Meirieu sur l'opposition sidérante entre le MEN (soutenus par deux syndicats ultra-minoritaires et les "Cahiers pédagogiques") et l'ensemble des enseignants sur la réforme du collège ?

À vrai dire, tout cela n’est pas très nouveau. Déjà, dans les années 1890, Brunetière, intellectuel organique et médiatique, antidreyfusard acharné au nom de « l’honneur de la France », fustigeait Marion, à qui Jules Ferry avait confié le premier cours de « science de l’éducation » pour les enseignants : « Ayons des professeurs qui ne songent qu’à professer. Moquons-nous de la pédagogie. Et débarrassons-nous de ceux qui, au nom de la pédagogie, empêchent nos professeurs de professer ! ».

La critique du constructivisme triomphant assimilée, dans un amalgame grossier, à la haine de la pédagogie et même à l'antidreyfusisme, en toute mesure ! :shock:

Mais on peut remonter encore plus loin. Les intellectuels français n’ont jamais aimé les pédagogues : ils vénèrent Voltaire et son alacrité, méprisent Rousseau, compliqué et besogneux. Ils admirent le savoir mais se gaussent de ces inventions ridicules que quelques illuminés imaginent pour en favoriser l’accès aux « inéducables ». Itard et ses puzzles, qui bricole dans son coin avec son « idiot congénital », ne fait pas le poids face à l’intelligentsia littéraire et philosophique de l’époque. Il a beau être le créateur d’un matériel pédagogique promu par Maria Montessori et encore largement utilisé de nos jours, celui-là même qui a ouvert la voie à l’éducation des enfants handicapés, il n’en reste pas moins une sorte d’image pieuse vieillie qui inspire au mieux la sympathie, au pire la compassion, pour son « dévouement ».

Procès évasif des "intellectuels français" sans qu'on qu'on sache de quels intellectuels il s'agit ou quels propos ont été tenus. D'une manière générale, est-il vraiment bien avisé de faire le procès des intellectuels ? Le mot "intellectuel" a précisément été inventé par MM. Brunetière et Barrès pour fustiger l'engagement d'écrivains dreyfusards comme Zola. :santa:
Par ailleurs, quel rapport entre la pédagogie en général et l'éducation pratiquée par un médecin avec des "inéducables" ? Dans l'esprit de Philippe Meirieu, les enfants en difficulté seraient-ils des enfants sauvages ? :shock:

Tout et son contraire…
Aujourd’hui, les choses se font plus dures. Chez les « intellectuels » comme dans les médias, à droite comme à gauche, on dénonce les « assassins »… de l’école, des savoirs, de la culture, et même de la France ! Le procédé n’est pas spécifique au champ éducatif : il participe du populisme ambiant qui, sur des questions comme l’immigration ou le chômage, préfère désigner des coupables à la vindicte publique plutôt que d’analyser les responsabilités dans leur complexité.

Toute critique de l'action ou de la pensée de Philippe Meirieu serait donc disqualifiée parce qu'une journaliste a employé une expression outrancière ?
Quand Philippe Meirieu a condamné , en soutien au ministère, les options des langues anciennes, il ne désignait pas des coupables à la vindicte publique ? :fur

La théorie du complot fait aujourd’hui florès et beaucoup de ceux qui la dénoncent chez les autres n’hésitent pas à l’utiliser pour s’exonérer d’une analyse sérieuse comme de la recherche inventive de solutions.

La critique du constructivisme ne relève pas de "la théorie du complot" : elle dénonce l'alliance objective des pédagogistes et des libéraux.

Que reproche-t-on aux pédagogues ?

...aux pédagogistes...

D’être entêtés. Oui, ils le sont : ils ne se résignent jamais à l’échec et à l’exclusion.

Contrairement à tous ceux qui ne pensent pas comme Philippe Meirieu.

D’évoluer. Oui, bien sûr : comme tous les chercheurs, ils avancent progressivement et ne prétendent jamais – heureusement – détenir des solutions définitives…

Mais pourtant ils les imposent à tous dans les écoles de formation ou désormais par décret : la pédagogie de projet s'impose désormais aux enseignants.

On les considère aussi, tout à la fois, comme dogmatiques et inconstants. Simplement parce qu’ils sont fermes sur leurs finalités et inventifs sur les modalités. Ils le doivent à leur éthique personnelle. Ils le doivent, surtout, aux enfants et adolescents pour lesquels et avec lesquels ils travaillent…

Contrairement à tous les autres enseignants...

On voit en eux, tour à tour, des zélotes ringards de vieilles doctrines obsolètes et des techniciens fascinés par les gadgets de la modernité.

C'est-à-dire qu'il peut y avoir quelques petites contradictions à se revendiquer de l'héritage de Freinet et à promouvoir l'équipement des élèves en tablette. :santa:

C’est qu’ils ne négligent en rien le patrimoine éducatif et ses immenses richesses.

L'innovation des ces enseignants "inventifs" est pourtant une valeur cardinale du pédagogisme...

Mais qu’ils n’excommunient pas, pour autant, comme jadis le pape Pie IX, dans le Syllabus, et aujourd’hui quelques « philosophes » hors sol drapés dans leur suffisance, « la civilisation moderne »…

S'arroger la "pédagogie" ou le nom de "pédagogue", c'est bel et bien excommunier. Imposer une pédagogie au mépris de la liberté pédagogique, c'est pire encore car chacun est libre d'écouter le Pape.
On connaît d'autres penseurs de l'école ou promoteurs des réformes qui n'enseignent plus ou n'ont jamais enseigné...

On leur prête un pouvoir tout aussi occulte qu’immense, mais on ne les laisse guère s’exprimer...

Comme on peut le constater... :P
Philippe Meirieu est omniprésent médiatiquement.

...et ce sont leurs pourfendeurs pamphlétaires qui font la « une » des médias et sont donc, logiquement, en tête de gondoles.

Philippe Meirieu préfère réduire ses contradicteurs à des organes de presse ou à des éditorialistes : ils sont pourtant très nombreux parmi les enseignants.

Les pédagogues pourraient répondre à tout cela par quelque pamphlet bien tourné. Ils en ont parfois la tentation et, après tout, au regard des textes ce ceux qui les attaquent, la chose n’est pas si difficile. Rassembler quelques citations tronquées et quelques confidences, rouvrir de vieux dossiers et exhiber quelques anciens courriers, ressortir quelques maladresses de formulation pour dresser les bûchers de l’inquisition est à la portée de quiconque sait manier la plume. Mais ils ne le feront pas. Les pédagogues ne sont pas pamphlétaires et ne veulent pas l’être. Ils y mettent un point d’honneur. Non qu’ils aiment, par penchant masochiste, recevoir des coups sans y répondre, mais parce qu’ils refusent d’utiliser des méthodes en contradiction avec ce qu’ils veulent promouvoir dans l’éducation pour laquelle ils travaillent : des débats sereins portés par l’exigence de précision, de justesse, de rigueur et de vérité.

Car les "pédagogues" constructivistes sont bons. :doc:
Curieux, car nombreux parmi ceux qui sont présents sur les réseaux sociaux (dont des membres des "Cahiers pédagogiques" ou des responsables du SE-Unsa) n'ont jamais hésité à me mettre en cause personnellement, à m'insulter, à me dénoncer, à me diffamer. Faut-il quelques exemples ?
Attention : Spoiler !

Et quand Philippe Meirieu dénonce dans les options de langues anciennes "un enseignement élitiste réservé à quelques privilégiés", son propos est beaucoup plus policé mais tout aussi brutal (et faux...) pour quelqu'un qui prône "des débats sereins portés par l’exigence de précision, de justesse, de rigueur et de vérité".
"Rassembler quelques citations tronquées et quelques confidences, rouvrir de vieux dossiers et exhiber quelques anciens courriers" : pourquoi cette volonté d'amnésie ? Et M. Meirieu ne pratique-t-il pas lui-même la citation honteusement tronquée pour asseoir sa pensée, comme il l'a fait avec Gaston Bachelard à l'occasion du dernier "Forum des enseignants innovants" ?

À droite et à gauche : tous perdants !
La droite, dans la surenchère électorale à laquelle elle se livre, n’en finit pas de regarder dans le rétroviseur : entre le retour à la discipline et la restauration du « roman national identitaire », le combat contre le collège unique – qui, d’ailleurs, reste à faire...

Un timide constat d'échec, mais qui ne va pas jusqu'à évoquer la dégradation des résultats. Il est vrai que Philippe Meirieu a longtemps été l'un des plus fervents défenseurs du "Niveau [qui] monte".

– et l’exaltation des « rituels républicains », elle s’installe délibérément dans la pensée magique : il suffirait de décréter l’apprentissage et le respect des règles, d’afficher que « les professeurs doivent enseigner » – comme s’ils voulaient faire autre chose – pour que tous les problèmes soient résolus.

Laissons les réactionnaires à leurs lubies de drapeaux et d'uniformes.
Oui, les professeurs doivent pouvoir enseigner : c'est à partir de cette affirmation qu'on pourra peut-être reconstruire l'école.

Mais la pensée magique ne fonctionne pas et nous ne sommes pas à « l’école des sorciers ».

Un petit peu quand même !

On a beau s’époumoner en haut lieu sur la nécessité de l’ordre, cela ne résout pas, dans les classes, le problème de la mise au travail en silence. On peut exalter les valeurs de la République, cela ne dit pas comment les faire vivre au quotidien. On peut « sauter sur son siège comme un cabri » en disant « les savoirs, les savoirs ! », cela ne permet pas de les transmettre miraculeusement à ceux et celles qui « ne veulent rien entendre ».

Nous voilà au cœur du pédagogisme : la pédagogie, comme solution à tout. Pour pallier le manque de CPE et de surveillants, pour pallier le manque de soutien hiérarchique, pour pallier la construction de collèges à taille inhumaine dans des zones d'éducation prioritaire, la ségrégation résidentielle, la ségrégation institutionnelle (concentration des dispositifs particuliers dans les établissements les plus défavorisés, financement des écoles privées qui choisissent leurs élèves)...

C’est pourquoi la pratique de l’injonction politique sans accompagnement pédagogique est condamnée au développement de la contention et de l’exclusion. Contention car, quand rien ne relie plus les élèves au projet de leur institution, seule la contention permet d’éviter l’explosion. Et exclusion, car les systèmes de contention ont toujours besoin d’exclure les « réfractaires » pour affirmer leur pouvoir et se pérenniser. Contention et exclusion qui gangrèneront la société française et l’entraîneront vers des soubresauts tout aussi contradictoires avec « l’identité heureuse » qu’avec « l’unité nationale ».

L'exercice de l'autorité scolaire, parce qu'il faut parfois exclure un élève d'une classe ou d'un collège dans l'intérêt de tous, est donc ici présenté comme responsable de tous les maux, de façon caricaturale ("affirmer leur pouvoir"), avec un discours tout aussi catastrophiste ("gangrèneront la société française et l’entraîneront vers des soubresauts") que celui qui est dénoncé chez les réactionnaires.
Faut-il interdire ces odieuses "exclusions" ne correspondant qu'à des changements d'établissement, et qui sont souvent nécessaires compte tenu de la gravité des faits ?
La réalité, que ne semble guère connaître Philippe Meirieu, c'est que ces exclusions sont réduites à la portion congrue depuis longtemps, même dans les établissements les plus difficiles, par application de ce "progressisme" ravageur. Que les rapports de comportement s'accumulent inutilement, que les professeurs cessent même parfois d'en écrire, que les élèves renvoyés de cours y sont parfois reconduits par les CPE ?
Le redoublement a longtemps été présenté comme une exclusion : mais le passage automatique d'élèves n'ayant pas le niveau requis, d'année en année, dans un corridor de l'échec, n'est-il pas la pire des exclusions ?

Évidemment, la droite a une carte dans sa manche et ne manque pas une occasion d’en jouer : la promotion du « mérite » contre toutes les formes d’assistanat. La Région Auvergne-Rhône-Alpes est, à cet égard, un laboratoire intéressant : son nouveau président, Laurent Wauquiez, a supprimé d’un trait de plume les crédits affectés aux institutions et associations travaillant avec les élèves « décrochés » tout en attribuant une « bourse », sans critères sociaux, aux élèves ayant obtenu la mention « très bien » au baccalauréat. Entendez : les impôts du contribuable n’ont pas à aller à des jeunes qui n’ont pas fait l’effort de travailler en classe… ils doivent, au contraire, récompenser les « élèves méritants ». Le propos est efficace électoralement et flatte la classe moyenne. Mais il est terriblement méprisant à l’égard des jeunes cabossés par la vie et qui n’ont pas trouvé leur panoplie de bon élève au pied de leur berceau.

Hors sujet : cette anecdote n'a aucun rapport avec la réflexion sur le pédagogisme. Elle permet même d'occulter la vraie question : comment un tel décrochage est-il possible dans l'école moderne et réformée ? Pourquoi 40% des élèves entrants en 6e n'ont-ils principalement (et au mieux) que des compétences de CE1 ?

Il est, surtout, politiquement irresponsable : en abandonnant les « décrochés » à leur sort, on laisse s’installer la désespérance et on entretient le terreau sur lequel va se développer le radicalisme que l’on prétend combattre. On veut la « sécurité » des Français, on débloque des fonds pour installer des tourniquets dans les lycées, mais on abandonne nos jeunes aux recruteurs les plus dangereux.

Le hors sujet glisse vers l'amalgame : refuser la "pédagogie" prônée par Philippe Meirieu, ce serait… nourrir le Jihad.
On pourrait se poser la question exactement inverse : n'a-t-on pas, avec le constructivisme, édifié un enseignement de la défiance ?

Non, décidément, en sonnant l’hallali contre les pédagogues...

...contre les pédagogistes...

...la droite ne rend pas service à la France !

Mais la droite est tout aussi capable de pédagogisme que la gauche...

Mais une certaine gauche, tout aussi « anti-pédago », fait-elle mieux ?

Preuve que l'antipédagogisme, comme le pédagogisme, n'est ni de droite ni de gauche.

Elle dénonce une « réforme de l’apprentissage de la lecture » qui n’a jamais existé...

Nous sommes donc en plein déni ici... :shock:
Pourquoi une citation sans source ?

...et méprise les praticiens et chercheurs qui, loin de tout éclat médiatique, avancent vers un apprentissage plus démocratique et maîtrisé.

Ils "avancent" mais l'apprentissage de la lecture recule. :santa:
Si l'apprentissage est "plus démocratique" (formulation qui peut rappeler le lyssenkisme : une science génétique meilleure parce que communiste), c'est bel et bien qu'il est transformé...

Quel mépris pour la « piétaille » ! Elle voue aux gémonies les « innovateurs irresponsables »...

A valoriser l'innovation comme vertu pédagogique...

...qui, en « mettant l’élève au centre du système », auraient entraîné l’institution scolaire vers « l’enseignement de l’ignorance » et sapé les « valeurs républicaines ».

Déni de la dégradation du niveau des élèves...

Que ne voit-elle pas monter la lame de fond d’une éducation familialiste et naturaliste qui, avec beaucoup moins de scrupules et beaucoup plus de publicité que les pédagogues...

La communication ministérielle est pourtant une arme redoutable. :devil:

...est en train d’imposer sournoisement l’idée que l’école n’a pas besoin d’être un « service public »...

L'école n'est pas un service public : c'est une mission républicaine.
Cet abaissement a conduit le président de la FCPE, censée être "progressiste", à déclarer en 2013 que "les ensei­gnants sont là au ser­vice des enfants comme la cais­sière est là au ser­vice des clients"

... et qu’elle peut – doit même, disent certains ! – se dissoudre pour laisser la place à une multitude de « services au public » ?

Ceux qui s'inquiètent à gauche de l'état de l'école seraient donc plus responsables que ceux qui en sont la cause ou sont dans le déni de cet état ?

Il faut regarder d’un peu près ce qui se passe là et dépasse, de très loin, le phénomène de « l’éducation en famille » et du développement des « écoles privées hors contrat » (dont le nombre d’élèves a quand même plus que doublé en quatre ans) : car, là, ce n’est plus « l’élève » – celui que l’on élève et qui doit s’approprier les savoirs – qui est au centre du système mais bien le mythe de l’enfant-roi, objet de satisfaction de ses parents ébahis.

Prolongement du pédagogisme, donc...

Ainsi, en boutant la pédagogie hors de l’école publique, la gauche anti-pédago....

La gauche critique le constructivisme, pas la pédagogie. Cette confusion volontaire et permanente est-elle moins brutale que la métaphore des "assassins" de l'école ?

...prend-elle le risque considérable de la voir revenir, réduite à quelques lieux communs naturalistes sur la bienveillance, dans une myriade d’initiatives privées.

Curieuse mise en garde.
La pédagogie de l'enseignement hors-contrat est très variée, du traditionnalisme le plus ridicule (façon lever de drapeau) au progressisme le plus radical (façon Summerhill). Le point commun, derrière toutes ces façades, c'est bien de cultiver l'entre-soi et les meilleures conditions d'enseignement, et de garantir ainsi autant que possible la réussite scolaire : la pédagogie n'y est pas pour grand chose...

Il ne faut pas minimiser ce danger, quels que soient les résultats électoraux. Les élites se mettront à l’abri là où la pédagogie la plus naïve fonctionne toujours et cautionne les inégalités, laissant l’école publique désarmée, se clivant, de plus en plus, entre établissements pour privilégiés – de statut public, mais en réalité, privatisés – et établissements-garderies pour le tout-venant.

Philippe Meirieu ne saurait-il pas que c'est déjà le cas ? Avec des pédagogies moins "naïves", non seulement l'école publique est devenue moins efficace mais les conditions d'enseignement elles-mêmes se sont dégradées. Le pédagogisme a occulté des questions beaucoup plus importantes pour l'enseignement, comme la ségrégation résidentielle, la ségrégation institutionnelle, les moyens d'encadrement...
Ses mises en garde bien tardives et sa promotion de "la" pédagogie (constructiviste) semblent ahurissantes : le mal pour guérir le mal, en somme.

Non, décidément, ni la droite ni la gauche ne voient les dégâts qu’elles peuvent provoquer en s’attaquant à la pédagogie !

...au pédagogisme.
Philippe Meirieu, lui, ne voit pas les dégâts déjà produits par la pédagogie qu'il promeut.

Alors, bien sûr, notre école et notre société seront atteintes, mais la pédagogie, elle, ne mourra pas.

Toujours ce catastrophisme : on dirait du déclinisme ! :P

Elle se réfugiera, comme elle l’a fait plusieurs fois déjà dans l’histoire, dans des espaces moins visibles qui n’intéressent les élites que quand leur propre progéniture est directement concernée : avec les enfants handicapés ou totalement marginalisés, dans les institutions à l’abandon, comme les classes uniques, chez des militants syndicaux ou pédagogiques, ou encore parmi les acteurs de l’Éducation populaire. Elle se réfugiera, surtout, dans la réalité des classes où s’élaborent au quotidien, avec des enseignants passionnés, les modalités d’une transmission exigeante et qui ne se résigne jamais à rejeter quiconque hors du cercle de l’humain.

La pédagogie se réfugierait dans les classes : est-ce à dire qu'elle serait ailleurs aujourd'hui ? :scratch:
On comprend que seule la pédagogie selon Philippe Meirieu "ne se résigne jamais à rejeter quiconque hors du cercle de l’humain".
A vrai dire, en étant moins grandiloquent, on peut affirmer que le constructivisme n'aide pas les plus défavorisés.

Elle survivra et continuera même à enrichir un patrimoine qui, de Comenius à Itard, de Pestalozzi à Ferrer, de Makarenko à Freinet, constitue un pan essentiel de la culture humaine et nourrit l’espérance de millions d’humains, dans notre hexagone, pourtant perclus de rhumatismes idéologiques aigus, comme aux quatre coins du monde, partout où l’enthousiasme pour une éducation authentiquement émancipatrice est vivace.

Critiquer Freinet ou sa déformation, ce n'est donc pas promouvoir "une éducation authentiquement émancipatrice".

Elle survivra à des soubresauts nauséabonds mais pas très nouveaux.

Un adjectif bien peu mesuré (comme la référence à Brunetière), s'agissant de la nécessaire et salutaire critique du contructivisme pédagogique. Finalement, Philippe Meirieu récuse le pamphlet mais en emprunte volontiers la rhétorique.

Et la victoire des « anti-pédagos » sera, au bout du compte, une victoire à la Pyrrhus. C’est-à-dire leur défaite ! Haut les cœurs !

"ni la droite ni la gauche ne voient les dégâts qu’elles peuvent provoquer en s’attaquant à la pédagogie" : quels dégâts, donc si tout va bien ? Le lyrisme de cette péroraison laisse perplexe. :scratch:
A noter que Philippe Meirieu reste très évasif sur les victoires de la pédagogie : la réforme du collège qu'il a défendue vaillamment contre l'écrasante majorité des enseignants, un progrès donc ? Soyons flous...
Dernière édition: 23 Oct 2016 12:08 par Loys.

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21 Oct 2016 20:08 - 22 Oct 2016 12:58 #17483 par averoes
Bonsoir.
Ph. Meirieu sonne la charge contre les contempteurs du pédagogisme. Dès les premières lignes, une escobarderie saute aux yeux : c'est celle qui réside dans le fait de présenter toute critique du pédagogisme comme critique de la pédagogie en général, oubliant sciemment de préciser que sa conception de la pédagogie n'est qu'une parmi tant d'autres dans le "marché" de l'enseignement. Au nom de quoi considère-t-il ses thèses comme représentatives de la pédagogie ?
Cette première lecture de sa diatribe m'a également laissé entrevoir un sophisme dans son argumentaire, dans la mesure où il établit une corrélation entre les critiques du pédagogisme et des velléités populistes, comme si la remise en question du socio-constructivisme, de l'approche par compétences, de la pédagogie de projet, bref, de l'enfant au centre du dispositif pédagogique, n'avait d'autres arguments que des relents populistes, comme si la critique du pédagogisme n'avait aucune référence intellectuelle et théorique à faire valoir.
In fine, Ph. Meirieu, se drapant de l'étoffe de la victime par un procédé rhétorique peu glorieux, déplace la controverse relative à l'apprentissage et à ses méthodes, de la sphère intellectuelle au champ du politique. Que répondrait-il alors à ceux qui voient des motivations bassement financières et non réellement pédagogiques, dans des billevesées pédagogistes, comme la politique des cycles et la différenciation pédagogique, pour justifier la suppression du redoublement, ainsi que l'aversion quasi pavlovienne à l'égard de la note chiffrée et à toute volonté de mettre le savoir, et non l'élève, au centre des préoccupations de l'enseignement ? Que répondrait-il à ceux qui pensent, comme Marcel Crahay, Henri Nivesse, Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, ou encore Hervé Boillot et Michel Le Du, que toutes ces "trouvailles" ne visent qu'à camoufler des considérations purement économistes et idéologiques, faisant allégeance aux cénacles de la mondialisation et qui, pour sauver les apparences, tentent, sous couvert d’innovations pédagogiques, de l’habiller d’un argumentaire intellectuellement fallacieux ? Est-ce le populisme qui préside à la pensée critique de cette pléiade d'intellectuels ?
Bien à vous.
Dernière édition: 22 Oct 2016 12:58 par averoes.

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22 Oct 2016 11:58 - 22 Oct 2016 11:59 #17486 par Loys
S'en prendre aux intellectuels, ne serait-ce pas un peu populiste ? :rirej
A lire ce billet de réponse à Philippe Meirieu : orbisterraeconcordia.wordpress.com/2016/...-des-belles-lettres/
Dernière édition: 22 Oct 2016 11:59 par Loys.

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23 Oct 2016 17:03 #17506 par Loys
Billet de Christophe Cailleaux et Amélie Hart-Hutasse : "L'émancipation n'est pas une marchandise" sur Mediapart du 23/10/16.

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28 Oct 2016 16:52 - 28 Oct 2016 16:54 #17544 par Loys
Dans "Educavox" du 28/10/16 : "Quelle mouche a piqué Carole Barjon ?" par Jean-Claude Sallaberry.

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Dernière édition: 28 Oct 2016 16:54 par Loys.

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10 Nov 2016 09:05 - 12 Nov 2016 11:59 #17684 par Loys
Tribune dans "Le Monde" du 9/11/16 (abonnés) : "Une réponse au livre de Carole Barjon : « Le mépris et l’ignorance ne servent pas le débat sur l’école »"

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Des extraits sur cet autre fil : www.laviemoderne.net/veille/le-naufrage-...u-pas?start=60#17694
Dernière édition: 12 Nov 2016 11:59 par Loys.

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13 Nov 2016 19:41 - 04 Nov 2017 22:43 #17705 par Loys
Réponse à une tribune parue dans "Le Monde" : "Mais qui sont les déclinistes ?" (13/11/16) Petite phrase amusante de Philippe Meirieu à l'occasion de la Biennale de l'Éducation nouvelle en 2017 :

Philippe Meirieu écrit: Le pédagogue ce n'est pas Kant, c'est ceux qui ont la tête dans les étoiles et les mains dans le cambouis"

Dernière édition: 04 Nov 2017 22:43 par Loys.

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16 Nov 2016 19:49 - 22 Nov 2016 21:13 #17732 par averoes
Bonsoir.
Voici un petit hendécasyllabe accouché d'une inspiration récente pour exprimer une pensée à l'égard des caciques de cette doxa.
Attention : Spoiler !
Dernière édition: 22 Nov 2016 21:13 par Loys.

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22 Nov 2016 21:15 - 22 Nov 2016 21:17 #17774 par Loys
Vous êtes cruel. :rirej
Sur son blog du 14/11/16, Cécile Revéret : "Education : Carole Barjon, une lanceuse d’alerte"

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Dernière édition: 22 Nov 2016 21:17 par Loys.

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