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Didier Lebouc (2) - "Dissertations indignées - Chronique pédagogique" (27/03/12)
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Allez, on va se répéter, un corrigé de commentaire n'est pas un ensemble d'informations. Le commentaire d'un texte est un travail personnel, qui n'a donc rien d'informatif : c'est une mise en forme personnelle, dans un style personnel, d'une réflexion personnelle nourrie par une culture personnelle.Dissertations indignées - Chronique pédagogique
Loys Bonod, professeur de lettres au lycée Chaptal à Paris, a récemment mis internet et les médias en émoi en relatant ce qui aurait du n'être qu'un canular et qu'il présente comme une expérience pédagogique.
Cet enseignant "a pourri" le web en instillant un peu partout des informations sur le regretté auteur du dix-septième siècle Charles de Vion d'Alibray.
Pour mieux faire comprendre ceci, on peut prendre l'exemple d'une rédaction au collège (même si c'est un exercice d'invention) : est-ce qu'un rédaction mise en ligne en ligne peut être considérée comme de l'information et à ce titre copiée-collée ?
A partir d'un sonnet, plutôt.Il a ensuite donné comme devoir à ses élèves un commentaire composé à propos d'un quatrain de ce poète injustement méconnu.
Et vous, M. Lebouc, quel horizon proposez-vous ?La plupart des potaches se sont contentés de recopier la prose de leur professeur aimablement fournie par Google. Les constats dressés par Loys Bonod à la suite de sa supercherie sont pour le moins étonnants : "Les élèves au lycée n'ont pas la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique en lettres". [...] En voulant faire entrer le numérique à l'école, [...] il creuse la tombe de l'école républicaine".
Suite à cette publication, le débat a fait rage sur les blogs et forums. Les tenants de l'enseignement traditionnel des Lettres Françaises fustigent la propension à la copie des lycéens honteusement encouragée par internet. Ils soutiennent mordicus que commentaires composés et dissertations constituent l'horizon indépassable de la Pédagogie et de la Culture.
Attention, M. Lebouc est facétieux comme moi.Je vais probablement vous surprendre mais ces gardiens du temple de la Littérature ont mille fois raison !
Oui, la preuve : les Ticiens pensent que le numérique peut sauver l'école !La preuve par ces quelques sujets de dissertation suscités par l'expérience de Loys Bonod qui ne dépareraient pas les épreuves de français et de philosophie du baccalauréat :
- Peut-on penser contre l'expérience ?
Mon travail en Première est très personnel : je n'utilise jamais les manuels, ou presque. Eh oui, c'est une des spécificités des lettres que de laisser toute liberté aux professeurs pour choisir les œuvres à étudier.- "L'enseignant, fier de ses manuels, défend jalousement ce qu'il considère comme son équipement professionnel".
Le sujet est trop vague.Commentez cette citation d'Ivan Illich en un développement structuré qui s’appuiera sur les textes du corpus, les romans que vous avez étudiés en classe ainsi que vos lectures personnelles.
- Le devoir se réduit-il à un ensemble de contraintes sociales ?
Répondons avec Pierre Dac : "Pourquoi essayer de faire semblant d’avoir l’air de travailler ? C’est de la fatigue inutile !"- A partir de deux phrases de Pierre Dac - "c'est en bûchant qu'on devient bûcheron", "la discipline est la force de ceux qui ne savent pas se faire obéir sans commander" - ainsi que sur les poèmes que vous avez étudié en classe, développez une argumentation structurée en faveur du travail personnel au lycée.
On ne demande pas aux élèves d'être des artistes. Et si vous aviez étudié par exemple la littérature antique ou le classicisme français, vous auriez la réponse, M. Lebouc. Il y a même toute une partie du programme de lettres en terminale qui est consacrée aux réécritures du XVIIème siècle jusqu'à nos jours.- Peut-on apprendre quelque chose en copiant une œuvre d'art ?
En tout cas la doctrine de l'imitation classique est plaisamment détournée ici : copier-coller sans comprendre, c'est résolument apprendre quelque chose, pour M. Lebouc.
Il y a d'abord une question préalable : copier-coller, est-ce réécrire ?- Selon vous, réécrire, est-ce chercher à dépasser son modèle ?
Reformulons : n'est-ce pas humain de recopier le travail des autres ?- Les hommes doivent-ils fournir un travail personnel pour être humains ?
"aux enjeux principalement socio-économiques" ?- Un philosophe a déclaré qu'il avait beaucoup plus appris sur l'économie et la politique dans les romans de Balzac qu'en lisant les économistes et les historiens.
Dans quelle mesure, la dissection mot à mot de romans anciens et l'absence de cours d'économie dans la plupart des séries du baccalauréat général permettent-elles de former valablement de jeunes citoyens ayant très bientôt à participer à une élection aux enjeux principalement socio-économiques ?
Et pour la culture, il faudrait effectivement étudier des romans présents, ou mieux des romans futurs, qui permettraient aux élèves de mieux choisir leur avenir. Ce n'est pas comme si la littérature ou la philosophie pouvait éclairer la condition humaine universelle.
Ou même en se trompant, puisqu'un maximum de deux points au bac de français sont retirés pour l'orthographe.Vous rédigerez un développement structuré, qui s’appuiera sur les textes du corpus, les romans que vous avez étudiés en classe et vos lectures personnelles.
[Un bonus de deux points sera attribué lors de l'oral à tout candidat capable de répéter par cœur dix fois suite ce sujet sans se tromper]
De blogs oui déjà, vu le nombre d'articles à répétition surfant sur mon expérience.- Un enseignant farceur peut-il être un héros de roman ?
Un genre sensiblement différent que celui que préparent Oodoc et Oboulo.- Si on peut dire que "l'homme ne devient homme que par l'éducation", quel genre d'humanité l'enseignement des lettres dans les lycées français prépare-t-il ?
Copier-coller est donc un acte politique, un manifeste de la jeunesse agissante ! Au fait, sourcer signifie "indiquer la source", ce que curieusement les plagiaires ne font que rarement, par manque de temps ou d'espace sans doute.- "Aux jeunes, je dis : regardez autour de vous, vous y trouverez les thèmes qui justifient votre indignation". Stéphane Hessel
A la lumière de cette citation, expliquez pourquoi, alors que "Indignez vous !" est devenu un ouvrage de référence pour beaucoup d'enseignants, ces derniers s'indignent lorsque des lycéens "s'indignent avec leur clavier" en sourçant leurs devoirs sur le web ?
Voilà qui confirme bien un règlement de compte personnel avec l'école... qui n'a d'ailleurs aucunement vocation à imposer le goût des lettres.Post-scriptum :
Si par le plus grand des hasards, un jeune internaute furète sur ce blog, je tiens à le rassurer : il y a une vie après le lycée !
Les cours et exercices rébarbatifs de français et de langues en vue du baccalauréat n'empêchent aucunement, après une période de convalescence, de reprendre goût aux lettres.
C'est vrai, ça : pourquoi le baccalauréat ne serait-il pas un exercice qui procurerait du plaisir à tous, une sorte de récréation nationale, avec rafraîchissements pour tous ? Le monde serait plus doux : que n'y a-t-on pensé avant ! Merci M. Lebouc !Longtemps après ces supplices, il est tout à fait possible de se faire plaisir en publiant des blogs, rédigeant des livres ou échangeant en anglais "cassé" avec des indiens ou des russes ...
En tout cas, pour ce qui est d'écrire correctement, M. Lebouc peut remercier l'école qu'il vilipende si bien. Car aujourd'hui il y en a qui ne s'en sortiront pas aussi bien que lui : www.laviemoderne.net/mirabilia/10-copies-non-conformes
Concluons avec Pierre Dac : "Rien ne prédispose davantage à l’aspect pensif que l’absence totale de pensée."
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