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"Le soutien scolaire numérique : futile ou utile ?" (Atlantico)
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Soit un professeur pour 25 élèves en ligne. Répondre à 25 demandes de soutien en ligne demande beaucoup plus de temps qu'en classe... Je le sais pour dialoguer régulièrement avec mes élèves en ligne. Si la classe existe, c'est qu'il y a une raison. Encore une fois le numérique donne l'illusion de la personnalisation, mais celle-ci ne sera pas plus possible avec le numérique, peut-être même moins.Atlantico : À la rentrée 2013, plus de 30 000 élèves de sixième scolarisés en éducation prioritaire se verront proposer "une offre numérique de soutien scolaire", a annoncé le ministre de l'Éducation nationale, Vincent Peillon. Ce nouveau dispositif sera expérimenté dès janvier 2013 pour une durée de six mois par le Centre national d’enseignement à distance (CNED). Ces élèves auront accès aux ressources du CNED et pourront dialoguer à distance avec l’un des 1 170 professeurs du centre.
A quels horaires donc ?De retour chez eux, ils pourront continuer à travailler avec le soutien en ligne d’un enseignant.
Je n'aurai pas dit mieux !A l’heure qu’il est, les établissements scolaires français ont-ils les ressources nécessaires pour appliquer un tel dispositif ?
Jean-Rémi Girard : Les établissements scolaires sont très inégalement dotés en termes de parc informatique. La question est surtout de savoir quand ces élèves pourront bien avoir accès à ces ressources, et encadrés par qui. Il ne faut pas croire qu'en les laissant seul devant un ordinateur, ils vont miraculeusement se mettre à travailler dans la joie et la bonne humeur (que ce soit au collège ou chez eux).
Surtout que les horaires seront forcément en dehors des horaires scolaires : on s'interroge.D'autre part le CNED est une structure efficace disposant de professeurs compétents, mais dont l'activité professionnelle est déjà lourde. Le ministre ne pourra pas leur demander d'assurer du soutien en ligne sans par ailleurs alléger leur charge de travail et/ou leur donner une compensation financière.
Oui, virtuellement. Un professeur pourra être amené à répondre à ses élèves un mardi soir ou un dimanche matin : je me demande bien quel cadre professionnel sera donné à ce nouveau télétravail. Le confort des uns est une atteinte à la vie privée des autres.Quels pourraient être les avantages d'un soutien à distance (par opposition à un soutien "physique") ?
J'imagine que l'avantage est qu'il peut être accessible à n'importe qui d'équipé, et n'importe quand.
On peut rappeler que l'effort de l’État dans les zones d'éducation prioritaire est finalement peu important, en terme d'horaires ou d'équipes éducatives.Mais à mon sens, la liste des points positifs s'arrête là. La relation pédagogique entre un professeur (y compris quelqu'un donnant des cours particuliers) et des élèves n'est pas remplaçable par un écran d'ordinateur. À cet âge, la transmission des savoirs scolaires ne peut être effectuée de façon désincarnée. La présence d'un adulte est nécessaire pour que les connaissances puissent passer vers l'enfant. La plate-forme proposée par le ministre est donc un outil sur lequel des adultes pourront s'appuyer — et en cela elle peut avoir une utilité réelle — mais elle ne peut remplacer un professeur.
Les prestataires privés offriront toujours mieux que ce que pourra l’État.« Il n'y a pas de raison que le soutien soit réservé aux élèves dont les parents peuvent payer des prestataires privés » a déclaré le ministre. Comment s'assurer que les élèves qui en auront besoin seront suffisamment équipés ? La fracture numérique ne va-t-elle pas constituer un obstacle ?
Les collectivités locales peuvent intervenir en matière d'équipement, mais l'on sait bien que d'un endroit à l'autre, la situation varie énormément, ce qui nuit à l'égalité républicaine d'ailleurs. La question n'est de toute manière pas qu'une question matérielle. Être équipé ne suffit pas : encore faut-il savoir se servir correctement des outils numériques, et les utiliser à des fins pédagogiques. Je ne vois pas pourquoi des élèves chez qui l'utilisation de l'ordinateur ou du téléphone mobile se résume souvent aux blogs, aux réseaux sociaux et aux jeux et qui pour beaucoup ne font déjà pas le travail demandé par leurs professeurs deviendraient tout à coup addicts au soutien scolaire en ligne. Cela me paraît utopique.
Ce qui est incroyable, c'est qu'on envisage une telle mesure sans savoir exactement ce qu'il faut en attendre...Une telle proposition est-elle vraiment en mesure d’impacter sur l’échec scolaire ?
Je crains que l'impact soit faible.
Les raisons de l'échec scolaire, nous les connaissons depuis longtemps, et elles relèvent pour beaucoup d'une faible acquisition des fondamentaux causée à la fois par des délires idéologiques et des coupes claires dans les horaires (en français et en mathématiques) et les moyens de l'Éducation nationale. Pour la plupart des élèves en échec scolaire en sixième, il est déjà presque trop tard, et ce n'est pas sur une plate-forme numérique de soutien qu'ils compenseront un mauvais apprentissage de la lecture, de graves lacunes en grammaire, en vocabulaire ou dans la compréhension des différentes opérations mathématiques. Un tel dispositif peut venir en support d'un soutien humain, mais si l'on prétend qu'il s'y substitue, alors on va vers de graves déconvenues.
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