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Nouveauté à l'école en 2016 : "le prédicat"
- Loys
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Romain de Linguisticæ se revendique militant (comprendre contre la droite et l'extrême-droite : "je suis forcément du côté du social, des gens, du peuple" dit-il dans cet entretien ), réagissant à la récupération politique de la polémique, il s'offre une conscience de gauche à peu de frais ("il nous faut réagir"). "En politique il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses adversaires".
Malheureusement, du point de vue scientifique, les choses sont parfois un peu moins binaires et un peu plus compliquées : d'ailleurs ces programmes ont été rejetées à la majorité au Conseil supérieur de l'éducation en 2015...
Une réaction, comme nous allons le voir, assez cassante, mais pleine de contradictions grossières ou même d'informations fausses. Sa réaction est tout aussi "épidermique" que celles qu'il raille dans sa vidéo.
Romain nous annonce d'emblée que COI et COD n'ont pas disparu des programmes : il ne les a sans doute pas lus. Le COI n'est nulle part et pour le COD une mention seulement (p. 241) pour l'accord du participe passé en cycle 4 : il n'est pas retenu dans la terminologie utilisée et, s'il ne disparaît pas, se trouve bien effacé. D'ailleurs la première version des programmes (9 avril 2015) prévoyait la disparition pure et simple du COD et du COI.
"un copule"
Exemple maladroit : "arriver" est donné en modèle de verbe intransitif par Romain. Et "J'arrive à travailler" ?
C'est malheureusement ce qu'indiquent les programmes de 2016 ("des compléments de phrase facultatifs" p. 118 ; "les compléments de phrase (supprimables, déplaçables et non pronominalisables" p. 120), programmes qui d'ailleurs évoquent en cycle 4 du "complément de phrase ou circonstanciel" (p. 245) après avoir évoqué en cycle 3 des "compléments de phrase"..."le complément circonstanciel, tu le reconnais au fait que tu puisses le supprimer : eh bien c'est pas tout à fait vrai"
Romain parle de "réforme entre guillemets" et accuse Lucie Martin : "elle déplore même ce qu'est - a priori - le nouvel intitulé des linguistes [...] c'est un peu affolant de le décrire comme ça parce qu'en fait le prédicat c'est pas du tout quelque chose de nouveau". Non, Lucie Martin évoque "un nouvel intitulé est apparu, issu du travail des linguistes" : et c'est bien un nouveau terme dans les programmes. La référence à Aristote est d'autant plus consternante qu'elle ne renvoie pas à une fonction grammaticale...
Romain raille la "mauvaise foi de cette personne" qui n'a pas compris pour quoi il était "nécessaire" de remplacer les compléments circonstanciels par les compléments de phrases : il n'a donc pas vu que les programmes évoquent indistinctement les deux notions. Il suppose également que le complément circonstanciel n'est pas nécessairement supprimable, ce qui justifie à son sens le changement terminologique : or les compléments de phrases sont présentés comme supprimables dans les programmes que décidément il n'a pas lus !
Sans même parler du fait que le complément de phrase n'est pas du tout un complément circonstanciel...
Plus grave encore : Romain explique que l'argument de l'accord du participe passé n'est pas valide puisque "cette règle n'a pas lieu d'être à la base" avec les rectifications orthographiques.
Intéressant : Romain s'étonne que personne ne parle de l'attribut du sujet : c'est que les programmes définissent le prédicat ainsi : "le prédicat de la phrase, c’est-à-dire ce qu’on dit du sujet (très souvent un groupe verbal formé du verbe et des compléments du verbe s’il en a)" (p. 118). Au passage, on notera la nouveauté terminologique également des "compléments de verbe".
Il réfute ensuite l'argument de "la continuité intergénérationnelle" : "si on était obligés d'apprendre ce que nos parents ont eux-mêmes appris, la science et la pédagogie n'avanceraient pas du tout". Il faudrait d'abord démontrer que le prédicat est un progrès dans la pédagogie du primaire. Pour le reste, Bachelard avait donc tort : "Dans l’œuvre de la science seulement on peut aimer ce qu'on détruit, on peut continuer le passé en le niant " !
On parle de savoirs fondamentaux de l'école primaire, pas des avancées de la science...
Romain parle de "désinformation massive" : "le prédicat ne remplace pas le COD et le COI : ça existe encore". Eh bien plus en cycle 3 et en cycle 4 pour le COI : il suffit de lire les programmes. Ni l'un ni l'autre ne sont dans la "terminologie utilisée". Il finit par reconnaître que le prédicat sera enseigné au cycle 3 (et au cycle 2 : c'est confirmé, Romain n'a pas lu les programmes) et qu'il précède l'étude du COD, du COI et de l'attribut "au cycle 4 c'est-à-dire en 6e et en 5e" (sic) ! Au demeurant l'attribut est mentionné au cycle 3, encore une erreur...
Il finit donc par reconnaître que le prédicat va "préparer le terrain" et donc remplacer les trois notions jusqu'en 6e comprise. C'est donc bien une disparition en primaire et en 6e, que Romain justifie par la difficulté pour comprendre la transitivité des verbes : il ne semble pas savoir que ces notions ont toujours été abordées en primaire. Sujet et prédicat permettent d'identifier "qui fait l'action" et "qui la subit, c'est-à-dire le prédicat", définition qui ne correspond pas à l'attribut (sur lequel il insiste pourtant), à la voix passive ou à de nombreux exemples où le sujet ne fait pas l'action au sens logique : "L'esclave a reçu des coups de fouets". Confusion (comme chez d'autres défenseurs du prédicat) sur la notion de prédicat, qui dans les programmes est un élément d'analyse grammaticale, et non logique.
"On parle de grammaire simplifiée, de tout fout le camp etc." mais il justifie lui-même cette simplification par l'illisibilité des verbes transitifs !
Du coup Romain montre (en voulant défendre l'enseignement des langues anciennes qui "créent des inégalités en terme d'égalités des chances") que c'est un enseignement élitiste, ce qui est doublement contradictoire puisque le prédicat n'a en réalité rien à voir avec l'enseignement des langues anciennes (d'ailleurs Romain ne donne pas la moindre preuve dans les programmes de ce qu'il avance : et pour cause !) et qu'il s'agirait donc bien d'une simplification. L'argument est d'autant plus irrecevable qu'en latin on ne peut pas se passer du COD..."Le prédicat est parfaitement courant quand on fait du latin et du grec".
Sauf que Romain ne les a pas lus lui-même..."Il y a quelque chose qui me perturbe, c'est que tous ces articles aient relayé des informations qui étaient donc fausses, c'est de la désinformation, sur quelque chose qui est pourtant très vérifiable puisque ce sont des programmes scolaires tout ce qu'il y a de plus officiels. La source est quand même très facile à trouver"...
Mais Romain disait qu'il n'y avait pas de simplification !"Il y a un autre truc qui me perturbe assez, c'est que des professeurs en viennent à vouloir lutter contre cette simplification."
Quel rapport avec le prédicat ? On se le demande."J'ai lu des témoignages de profs qui disaient qu'ils allaient continuer les tableaux de conjugaisons et les dictées à outrance alors qu'on sait que ça ne marche plus."
Les collègues ont déclaré qu'ils continueraient à enseigner COD, COI etc. C'est une bonne chose puisqu'il n'y a pas de simplification, non ?
En réalité Romain, sans avoir jamais enseigné, se fait ici pédagogue averti contre toutes ces enseignants ignorants qui prétendent connaître leur métier...
Son mépris (ou plutôt sa rancœur) contre l'Éducation nationale semble trouver son origine dans son expérience personnelle ( "Moi, par exemple, j’étais irrécupérable aux yeux de l’Éducation nationale. Ma prof de français m’avait dit que je finirais balayeur." )
Romain ne fait ici que répéter ici des arguments entendus ailleurs. C'est enseigné au Québec, nous dit-on : et alors ?"Le prédicat, c'est quelque chose qu'on enseigne déjà au Québec".
Si on ne sait pas, mieux vaut se taire. Et même si c'était vrai, ce serait peut-être un peu rapide d'imputer au prédicat un tel succès..."Les Québécois, ils savent pas mieux écrire que les autres. Peut-être ils savent mieux, je ne sais pas...."
Romain expliquait plus haut qu'il fallait simplifier des notions trop complexes."Ça rajoute quelque chose donc on n'est pas du tout dans la simplification."
C'est exactement l'argument avancé plus haut par Romain...J'ai lu dans certains articles qu'on cherche à complexifier et donc les élèves seraient beaucoup trop cons pour comprendre le prédicat...
En réalité, c'est la notion même de prédicat qui est trop complexe puisqu'il y a confusion (dont Romain lui-même est victime) entre prédicat logique et prédicat grammatical.
Romain donne d'ailleurs rapidement une idée de l'estime dans laquelle il tient son public :
Comprendre donc que c'est un enseignement inutile ?"Combien parmi vous arrivent à identifier à chaque fois l'attribut du sujet, du COD, du COI, du CC ? Et maintenant combien par contre savent identifier un sujet ?"
De l'art de la prétérition...Moi, je n'ai pas d'avis par rapport à tout ça, je ne suis pas pédagogue...
Il accuse ensuite notre collège d'"idée réactionnaire, d'idée conservatrice [...] un sursaut identitaire"...
Et donc j'aimerais juste inviter les gens à prendre du recul par rapport à tout ça et ne pas partager [...] des informations qui n'en sont pas.
Mais ce n'est pas "prendre les élèves pour des cons"... Ni nous puisque "Ça rajoute quelque chose donc on n'est pas du tout dans la simplification."Et je vous invite également à vous poser la question simple de ce qu'un enfant de huit ans peut comprendre de la langue et de ce qu'il ne peut pas comprendre [...] c'est très abstrait.
A écouter Romain, tous les programmes antérieurs n'auraient donc pas compris ce que peuvent comprendre les enfants : le COD ne peut se comprendre qu'à douze ans...
Pour le reste, bien sûr que les principes de l'analyse grammaticale sont "abstraits" : c'est même, comme les mathématiques, leur principale vertu : entrer dans l'abstraction.
Romain fait ensuite le lien, de lui-même, avec les "rectififications" orthographiques, qu'il avait défendues... avec autant de pertinence.
Ce sont bien les mêmes programmes, c'est bien la même simplification. Et la grammaire, c'est aussi au service de l'orthographe."Les gens ne comprennent rien le prédicat ce n'est pas de l'orthographe, c'est de la grammaire."
Le plus amusant est que Romain, étudiant en linguistique, critique la "mauvaise foi" d'un billet qui était… ironique. Sa critique est de plus contradictoire : il nie qu'on veuille imposer l'orthographe simplifiée "farmacie" ou "analfabète" (ce que le billet ne prétendait pas, c'était une plaisanterie) puis justifie ensuite cette orthographe simplifiée...
Résumons : Romain n' a pas lu les programmes puisqu'il pense :
- que les "compléments de phrase" ne sont pas déplaçables,
- que les compléments circonstanciels ne sont plus mentionnés,
- que l'attribut n'est pas abordé en cycle 3,
- que le COD est retenu dans la terminologie utilisée en cycle 4,
- que le COI est mentionné quelque part dans les programmes
- que le cycle 4 concerne... les 6e et les 5e.
Sur le fond, il prétend que le prédicat, c'est tout simplement le groupe verbal, ce qui n'est pas une fonction (ou alors le groupe nominal est une fonction aussi...). D'autres affirment que c'est la fonction du groupe verbal (ce qui est problématique, un groupe verbal pouvant être sujet). Sans parler de confusions avec le prédicat logique ou sémantique (ce qu'on dit sur le sujet). Ajoutons enfin qu'il se contredit quelque peu en affirmant qu'il ne s'agit pas d'une simplification de la grammaire scolaire tout en défendant… la nécessité d'une telle simplification. Bref, pas très informé, pas très rigoureux, mais assez péremptoire.
A noter que les principaux arguments contre le prédicat n'ont pas été réfutés...
Est-ce que penser qu'un enfant de moins de douze ans ne peut pas comprendre ce qu'est un COD est vraiment de gauche ?
Version vidéo de cette analyse : www.dailymotion.com/video/x59k3mb
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- Loys
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Dans le "JDD" du 22/01/17 : "Nouveaux programmes de grammaire : l'avis de Pivot, Finkielkraut, Rouart et Lussault"
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- Loys
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Aucun lien contradictoire au "Café", donc.
Aristote ou l'argument d'autorité de ceux qui ne l'ont pas lu : de fait a notion de prédicat chez Aristote n'a rien à voir avec l'analyse fonctionnelle en grammaire...La notion de prédicat, qui remonte à Aristote et apparait dans des manuels de grammaire depuis des décennies, y est soigneusement expliquée.
C'est dommage de ne pas l'expliquer davantage : ce serait intéressant !On y verra combien la notion est loin de porter « atteinte à la langue française » et de participer à un « nivellement par le bas » (Annie Genevard, déléguée à l’éducation chez les Républicains) : elle est susceptible au contraire d’aider à une plus fine compréhension du fonctionnement de la langue et à un meilleur usage de celle-ci.
Intéressante (et consternante) confusion dans le document indiqué en lien :
Clé utilisateur/ secrète de la configuration non valide
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Dans "Le Figaro" du 24/01/17 : www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/01...nt-leur-predicat.php
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