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"Natacha Polony : «L'école ne fabrique plus des hommes libres, mais des incultes !»" (Le Figaro)
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Poser la question, c'est déjà y répondre.Doit-on supprimer les concours sur épreuves?
Comme ça, le débat est clos.Le bilan des avantages et des inconvénients des concours sur épreuves peut apparaître tellement mauvais que la seule solution jugée souhaitable soit celle de la suppression.
Cette phrase très étudiée (malgré l'absence du subjonctif) mérite de retenir toute notre attention.La formule favorise, quoique toute pression et toute partialité en sont absentes, et d’une façon automatique, un modèle de candidat qui n’est pas toujours celui qui a le plus de mérite, ni celui qui rendra le plus de services à la société dans les fonctions pour lesquelles il est sélectionné.
D'abord Il faudrait d'abord définir ce que l'on entend par le terme "concours". De quels concours Claude Lelièvre parle-t-il ? Il suppose en effet qu'ils ont vocation à choisir ceux qui rendront "le plus de service à la société dans les fonctions pour lesquelles il est sélectionné". Or la plupart des concours sont ceux des grandes écoles : ils ne sélectionnent donc pas pour des "fonctions", mais pour une intégration. Et, à quelques exceptions près, ces écoles n'ont pas vocation elles-mêmes à préparer des fonctionnaires au service de la société, mais des cadres au service d'entreprises (ce qui n'exclut évidemment qu'elles puissent rendre service à la société mais ce n'est pas leur vocation). Même les écoles normales supérieures préparent de moins en moins d'agrégés. Claude Lelièvre invente en quelque sorte une fonction "sociale" imaginaire des concours, à laquelle devrait répondre une réaction "sociale" qui justifierait leur suppression.
Ensuite Claude Lelièvre se présente ici comme le défenseur du "mérite". C'est habile puisque le mérite est supposément au cœur du discours "républicain" sur l'école et ce, en négation de toute réflexion sociologique. Selon lui, les concours devraient donc recruter non selon le principe de l'exigence mais du mérite. Suivons ce raisonnement jusqu'au bout : comment le mérite se mesure-t-il ? Sur quels critères exactement ? Qui a "le plus de mérite" ?
Voilà qui suppose en vérité une conception biaisée du mérite, présenté ici comme une curieuse non-réussite, un échec face à l'exigence. Or le mérite, c'est précisément d'avoir répondu à cette exigence, avec un plusieurs handicaps de départ. Le niveau à atteindre ne se "favorise" d'ailleurs pas (le terme laisse entendre une reproduction de classe délibérée) : il se constate... ou ne se constate pas.
Évidemment, si l'on poursuit encore le raisonnement, les conséquences deviennent presque cocasses : les grandes écoles, l’État, les entreprises devraient sélectionner les candidats en fonction non de leurs compétences, mais de leur "mérite", si difficile soit-il à évaluer : le recrutement deviendrait donc social, presque humanitaire. On recruterait par exemple des médecins, des ingénieurs, des professeurs comme on recrute des emplois-aidés ou des contrats emploi solidarité.
Voilà qui n'est pas sans rappeler l'appel des syndicats réformistes au recrutement de candidats à "l'éthique sociale affirmée" plutôt que "brillants" . Ce qui suppose implicitement qu'être brillant, c'est être dépourvu d'éthique sociale et qu'être médiocre, c'est nécessairement en être pourvu.
Étranges qualités qui rappellent évidemment l'habitus bourdieusien et qui ne peuvent évidemment rendre aucun service "à la société", laquelle préfèrerait des candidats médiocres, lents et s'exprimant difficilement.C’est ainsi que les facteurs de réussite aux concours que constituent le brillant, la rapidité, une certaine aisance dans l’expression, favorisent de facto les candidats issus des classes aisées, plus cultivées, au détriment des milieux plus modestes.
Et si évidemment on peut constater aux concours une forme déplorable de reproduction sociale, plus encore aujourd'hui qu'hier, il faut en chercher la cause dans une école qui ne remplit plus aussi bien sa fonction.
De ce point de vue, avec la suppression de tous les autres signes (suppression des notes, du redoublement, orientation choisie, scolarité allongée, lycée et baccalauréat pour tous, accès au supérieur pour tous, etc.), les concours sont le dernier signe visible de l'échec patent de l'école tout simplement parce qu'ils exigent un niveau. Et, dans l'esprit de Claude Lelièvre, une telle exigence constitue une insupportable discrimination, un odieux miroir qui nous renvoie en pleine figure l'image de notre démocratisation ratée.
Si le "facteur chance" dominait vraiment les concours, l'égalité des chances serait atteinte d'une certaine manière et Claude Lelièvre pourrait s'en féliciter..Et on préfère ne pas voir le facteur chance qui domine les concours pour ne retenir que leur impartialité, qui demeure cependant inopérante pour démocratiser le recrutement de nos grandes écoles.
Ici Claude Lelièvre se trahit : l'impartialité de la sélection n'a pas vocation à réaliser un objectif vertueux ("démocratiser le recrutement"). On ne sélectionne pas un candidat sur d'autre critère que son niveau.
Il est difficile de comprendre comment Claude Lelièvre peut simultanément dénoncer la fatalité sociale des concours et leur total arbitraire.Le souci d’éviter des ressentiments, des mouvements de jalousie et la peur traditionnelle en France de l’arbitraire administratif aboutissent ainsi à lui substituer une règle où le hasard joue un rôle encore trop important.
Après l'argument social, l'argument de la modernité. Défendre les concours, c'est donc être partisan de la reproduction sociale et être archaïque en même temps. Évidemment l'idéologie responsable du naufrage de l'école n'est en rien responsable de la reproduction sociale plus marquée aujourd'hui qu'hier.Cette prépondérance donnée à une apparence d’égalité sur l’efficacité réelle n’est pas admissible dans un grand pays développé moderne.
Je ne savais pas que le recrutement dans les grandes universités américaines était social et plus juste que par un concours anonyme.
C'est vrai que le système universitaire américain est un modèle à suivre.Il n’est d’ailleurs que de se tourner vers des exemples bien connus puisés à l’étranger pour se rendre compte de l’efficacité d’un recrutement sur titres bien fait : les grandes universités des Etats-Unis qui correspondent à nos « grandes écoles » se recrutent de cette façon, et l’exemple du MIT est là pour permettre de juger du résultat.
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Je n'ai pas le temps d'être précis, mais cette fin d'article m'a fait penser à la manière dont certaines grandes universités américaine, pour préserver la reproduction sociale (intégration des WASP fils d'anciens élèves) en assurant toutefois un contingent politiquement correct de places pour les descendants des anciens esclaves, a écarté les excellents élèves de la communauté asiatique.Loys écrit:
C'est vrai que le système universitaire américain est un modèle à suivre.Il n’est d’ailleurs que de se tourner vers des exemples bien connus puisés à l’étranger pour se rendre compte de l’efficacité d’un recrutement sur titres bien fait : les grandes universités des Etats-Unis qui correspondent à nos « grandes écoles » se recrutent de cette façon, et l’exemple du MIT est là pour permettre de juger du résultat.
etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detai...tes-americaines-858/
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Ces expressions existent bel et bien, n'en déplaise à Mara Goyet. Quant à la ludification de l'école, si elle n'est pas atteinte, beaucoup y travaillent, comme en témoigne cette section du forum.Ici ou là, on entend dire que l'école a renoncé à enseigner, qu'elle ne transmet plus les savoirs, qu'elle est une entreprise débilitante qui privilégie le tout ludique, le savoir-être, le savoir-faire, le savoir-vivre, le savoir-bidule et le savoir-truc.
Si le savoir est dans les programmes, alors tout va bien !Quand ce n'est pas le savoir-masturber. Ce type de jugements et de considérations prend sa naissance à divers sources, plus ou moins raisonnables : les fantasmes, la ronchonnerie, la haine de l'époque, l'inquiétude, l'angoisse, le plaisir de la déploration, la méconnaissance (il suffit de consulter les programmes pour voir que le savoir est encore au centre des enseignements)...
Ce ne serait donc pas un "fantasme" ?...les désaccords quant à ce qui se trame, les résultats de l'enquête PISA, la consternation devant les lubies de l'évaluation par compétences...
Eh oui. L'enseignant ne doit plus être un passeur, mais un simple animateur, quasiment dispensable puisque le savoir est disponible sur Internet....les modifications évidentes des conditions d'enseignement...
Quelle idée que celle d'une école qui s'évertuerait à transmettre une culture qui n'intéresse plus personne. L'école n'est plus là pour imprimer un mouvement mais pour le suivre....le statut de la culture aujourd'hui...
Mara Goyet reconnaît le déclin mais en le relativisant (comme font les pédagogistes qui sortent du déni) : la maîtrise de l'orthographe, après tout, c'est aussi secondaire que la "localisation de sous-préfectures". C'est vrai que l'histoire-géographie est devenue un enseignement bien plus moderne, dans ses domaines d'études comme dans ses méthodes, et avec la réussite éclatante que l'on peut constater.... Internet, l'idée fausse ou vraie que l'on se fait des époques antérieures, un constat personnel, des jeux de comparaisons.
Il est indéniable que les enfants de maintenant sont moins bons en localisation de sous-préfectures, en tirades d'Andromaque et en orthographe.
Si ce n'est que ça, quelle importance.Il est indéniable qu'il y a quelque chose qui cloche dans l'enseignement.
Avec la séquence pédagogique en français par exemple, on a renoncé de fait à un enseignement digne de ce nom de l'orthographe et de la grammaire. Avec l'entrée de la littérature jeunesse au collège, on a renoncé à la transmission d'un patrimoine littéraire qui fait aujourd'hui cruellement défaut aux lycéens. Avec les horaires de français divisés par deux, des méthodes d'apprentissage de la lecture erratiques et la suppression du travail à la maison en primaire, on a renoncé à faire des élèves de primaire des lecteurs confirmés. Etc.Est-ce vrai, pour autant, que l'on a cessé de transmettre le savoir, la culture, les œuvres, les récits, les événements, la science ? Il est assez probable que nous ne le fassions pas toujours assez bien ni efficacement. Que beaucoup de temps soit perdu en tâches annexes, protocoles et vétilles didactiques et évaluatives. En ergotage stérile. Mais le savoir et sa transmission sont là. Partout, tout le temps. Dans la majorité des cours, qu'ils soient marrants, passionnants, efficaces, chiants à mourir, bordélisés, chaotiques, lents, nuls, galvanisants.
Un raisonnement effectivement très rassurant... A la vérité il est très facile de rien faire d'utile pendant une heure.Tout d'abord parce que les programmes, malgré leurs défauts, l'exigent et que, pour la plupart, nous les appliquons gentiment. Mais il y a une autre raison, de bon sens qui devrait satisfaire les plus difficiles. Par quel autre moyen est-il possible de faire tenir 30 élèves toute la journée sur des chaises à longueur de semaine ? Il faut bien raconter quelque chose. Il faut bien s'occuper et trouver quelque chose qui les empêche de se lever, de monter sur les tables ou de partir en hurlant. Le vide ne suffit pas. Si on ne transmet pas, que faisons-nous, alors ? Rien ?
On se demande bien en ce cas pourquoi certains choisissent de passer des films à leurs élèves à l'approche des vacances.Du contre-enseignement (ça fait beaucoup de salauds dans cette histoire, alors ) ? Du crochet ? On joue au backgammon ? On se regarde dans le blanc des yeux ? On fait des cocottes en papier ? Et dans quel but ? Qu'on le sache, en cours, c'est bien plus usant de ne pas faire cours (les professeurs principaux qui passent un temps considérable en formalités, en distribution de papiers, en problèmes divers peuvent en dire long là-dessus) que de faire cours !
Noter l'antithèse subtile entre d'une part l'hyperbole d'une pédagogie de la "terreur" (merci pour tous les collègues qui veillent à respecter la discipline dans leurs cours) et d'autre part la sympathique litote pour désigner des élèves qui ne sont plus dans leur rôle d'élèves.Que pourrait-on imaginer d'autre, que la transmission (sous des formes diverses et variées) du savoir ? Sachant que nous ne faisons pas cours en braquant la classe avec une arme, que nous ne faisons pas régner la terreur, que les élèves d'aujourd'hui ne sont pas les champions de la docilité et de la discipline.
Bel aveuglement de Mara Goyet car il existe des idéologues qui estiment - comme Mara Goyet, finalement - que l'importance de savoir écrire est relative (Louis XIV ne faisait-il pas des fautes d'orthographe ?) et que la maîtrise du français "académique" est rendue inutile par la maîtrise du français "vernaculaire" des élèves ?Nous pourrions, certes, passer des films à longueur de journée (du type Thor, Man of Steel) mais il y aurait bien quelqu'un pour s'en inquiéter, à commencer par les élèves qui ont un goût assez limité pour la surenchère démagogique (un peu, ça va, trop, non) et qui ont un certain goût pour l'enseignement le plus conventionnel. On pourrait imaginer que l'on passe son temps à apprendre aux élèves à trier leurs déchets, lire des modes d'emploi, faire tout et rien. Ou à raconter notre vie : l'ennui de ces cours sans fin et répétitifs (hommage à Harold Ramis qui vient de mourir) aurait tôt fait de semer le désordre. On imagine mal, aussi, pourquoi des enseignants, des inspecteurs, des concepteurs de programmes, même pervers, idéologiquement pernicieux, prendraient un malin plaisir à ne surtout pas transmettre des savoirs (ils ne sont pas devenus professeurs entièrement par hasard).
Comme d'habitude, Mara Goyet botte en touche.Il ne faut pas non plus confondre les différentes manières d'enseigner (à l'ancienne, à grand coup de tableau numérique, à la craie, sans les mains, avec les pieds, avec sérieux, par le rire), les différentes conceptions de la transmission avec ce qui se fait en classe : un cours n'est pas une discussion enflammée sur un forum pédagogique où Républicains et Pédagogues s'agonissent d'injures.
Si les programmes sont irréprochables et si les élèves ne demandent qu'à apprendre, on se demande où est bien le problème.De fait, en cours...on fait cours (Noooooooooooon ? Si !) Ça vaut pour tout le monde, quel que soit le présupposé de départ, les méthodes, les motivations. Sinon, c'est le grand vide et l'enseignement comme les élèves ont horreur du vide.
Il faudrait surtout que Mara Goyet nous explique pourquoi des élèves sortent presque illettrés du secondaire...En vérité, il faudrait que tous ceux qui prétendent que l'Ecole a renoncé à transmettre, à délivrer le savoir, la culture nous expliquent ce qui, à leurs yeux, pourrait se passer durant toutes ces heures d'enseignement en France, dans nos 36 000 communes.
Difficile de comprendre Mara Goyet : fustiger ceux qui s'affolent tout en disant qu'ils ont raison de s'affoler : "il faut s'affoler avec raison".C'est bien de s'affoler, ça fait lucide et sérieux. Ça fait lyrique et drapé de dignité. Ça souligne sa propre culture au détriment des débiles du jour. Ça fait je suis une bibliothèque qui brûle, qualis artifex pereo et tout le toutim. C'est bien de s'affoler. Mais il faut s'affoler avec raison. Avec sérieux.
En vérité Mara Goyet voit bien qu'il est difficile de nier l'échec de l'école mais refuse d'accepter l'idée de déclin et qui plus est de déclin avec le consentement d'un certain nombre d'acteurs de l'école.
Ah... je croyais qu'il y avait seulement "quelque chose qui cloche"...Car, en effet, il y a de quoi s'affoler. L'Ecole rencontre de grands problèmes, connaît tout un tas de maux.
On attend avec impatience l'analyse de Mara Goyet.Il reste à savoir lesquels, à se montrer précis dans l'analyse et ne pas se payer de grands mots, d'idées toutes faites.
Affolons-nous mais avec raison !Que la transmission ne se fasse pas comme il le faudrait, c'est une évidence. Inutile, pour autant, d'en rajouter. L'école a déjà assez des problèmes, ce serait bien de lui épargner cette nouvelle mode qui tend à s'installer, à savoir celle du délire paranoïaque, des rumeurs et des accusations à l'emporte-pièce.
Où ça là ? Parce que le but, ce n'est pas que le savoir soit dans les programmes ou dans le cours...Bref, en cours, on fait cours. Le savoir, la culture sont là.
C'est d'ailleurs dans ce but que le Capes de lettres classiques a été supprimé l'an passé.Tout le temps. Ils sont solides, forts, ils traversent les siècles. Ils ne sont ni relégués ni oubliés.
Curieuse conclusion relativiste. En vérité, pour que les savoirs puissent quelque chose, encore faudrait-ils qu'ils soient transmis.Simplement, ils ne peuvent pas tout.
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