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Article "Copies non conformes"
- Alice
- Auteur du sujet
je viens de lire la note "copies non conformes" et la première copie de toutes celles présentées (je devrais sûrement lire les autres avant de réagir mais je suis au bureau et je ne veux pas trop jouer les mauvaises élèves au travail...).
Cela m'inspire deux réactions à la fois contradictoires et complémentaires au sujet desquelles je suis curieuse de connaître vos différents avis :
- je suis surprise par la sévérité du jugement qui a catégorisé cette copie dans les exemples suffisament mauvais pour être publiés en tant que tels : elle a certe beaucoup de défauts de style, d'orthographe et d'autres choses que l'on peut attendre dans une rédaction mais je trouve qu'elle présente aussi quelques qualités qui ne sont pas du tout mises en avant par cette catégorisation.
Par exemple je trouve la notion de bocal de requin assez originale et le fait de l'utiliser pour donner une image de grandeur plutôt habile, même si la tournure de la phrase peut être travaillée. Je trouve donc que cette copie présente une certaine créativité (ou au moins un début de créativité) qu'il serait à mon sens souhaitable d'encourager.
Or je trouve que le système scolaire français (au-delà de cet article) se cantonne souvent dans des critères d'évaluation rigides et réducteurs qui par leur cadre trop étroit (privilégiant la technicité au détriment de qualités plus "molles" comme on dirait en sciences) dévalorisent certains profils d'élèves et conduisent à l'atrophie d'éléments qui auraient pu dans un autre contexte donner lieu à des développements très appréciables. J'imagine de plus que l'impact sur l'estime de soi des élèves est considérable.
- je regrette que des élèves de troisième fassent autant de fautes qui démontrent leur incompréhension de l'origine et de la structure de la langue et parfois de leur propre pensée. Cela me conforte dans un sentiment que j'ai face aux copies d'élèves de L2 LEA à qui je donne des cours de statistiques : la tendance des enseignants (et de leurs institutions) à trouver des excuses aux élèves et à tolérer le manque de rigueur au nom de l'indulgence a des conséquences très négatives pour ne pas dire dramatiques, notamment en termes de valeur des diplômes et d'égalité républicaine puisque les élites et décideurs restent ceux qui savent (entre autres choses) écrire et s'exprimer de façon cohérente.
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- loulou
Il y a vraiment eu faute professionnelle de la part des instituteurs en primaire et au collège. Peut être serait-il sensé de rétablir le certificat d'étude primaire comme condition nécessaire au passage en 6ième
(Sans parler du délire total du voyage en ballon qui fait penser à un élève de primaire qui balance tout ce qui lui passe par la tête, et encore, en primaire on est sensé savoir écrire un minimum...)
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Le niveau des copies est surement effrayant. J'en ai lu quelques une, mais pas toutes, et comme Alice, je ne pense pas que la première copie soit si catastrophique. Et les autres copies montrent-elles des collégiens qui ne savent pas lire ? Qui n'ont pas compris le texte ?Certes tous les élèves entrent désormais au collège et une majorité d'entre eux au lycée, mais atteignent-ils seulement le niveau de fin de primaire ? Sont-ils capables de lire, de comprendre un texte et d'écrire ? Ont-ils véritablement les moyens d'accéder à cet immense patrimoine culturel qui, paradoxalement, n'a jamais été aussi disponible qu'aujourd'hui ?
Le devoir est de lire un texte de vingt lignes et d'en écrire une suite. C'est un exercice d'invention et non de mémoire, on ne demande pas à l'élève de connaitre l'histoire.
Est-ce que les devoirs présentés montrent un illettrisme tel que les élèves n'ont pas su lire le texte ? Non, les élèves ont lu le texte, ça m'a l'air évident.
Est-ce que les devoirs présentés montrent que les élèves n'ont pas compris le texte de vingt lignes ? Non, pour les devoir lus, je ne vois pas de contresens flagrant.
Est-ce que les devoirs présentés montrent que les élèvent ne savent pas écrire ? Là c'est sur, c'est une autre histoire. Les récits sont absurdes et ressemblent plus à des textes de fin de primaire que des collégiens qui passent le brevet. Mais, est-ce que cette absence de savoir écrire notre si chère langue française les empêchent d'accéder aux textes écrits en français ? Et puis je n'ai jamais compris ce genre d'exercice, où à partir d'un texte équivalent à
il faut construire une suite.Dantès est un prisonnier en prison. Son codétenu a creusé un trou et ils se retrouvent désormais ensemble.
Certes, j'ai enlevé toute la partie littéraire du texte. Mais pour construire une suite, faut-il en comprendre plus ? Qu'est-ce qu'apporte le texte à l'exercice par rapport au chapeau introductif ? L'exercice est-il d'écrire comme l'aurait écrit Alexandre Dumas, ou plutôt son nègre, si le texte s'était fini ici ?
Je trouve plein d'exercices littéraires intéressant, mais je n'ai jamais trouvé d'intérêt à celui-là. En musique il y a les interprètes et les compositeurs. On demanderait à un collégien d'être les deux à la fois ? Bizarrement après le bac, on ne m'a plus demandé des rédactions, mais des notes de synthèses, des résumés ou des dissertations. Pourquoi ne me demande-t-on plus ce que j'aurais écrit à la place de Flaubert, Proust ou je ne sais quel auteur fameux ?
Même si les questions du texte introductif vont vers les enseignants, l'article veut quand même montrer "regarder comme sont mauvais les élèves en troisième".Je ne jette pas la pierre à mes collègues et d'ailleurs je prends volontiers ma part de responsabilité dans ce naufrage, qui doit désoler tous les vrais républicains.
Mais je pose simplement la question : avons-nous vraiment aidé ces élèves ?
Ce que j'ai retenu de ma scolarité, c'est que j'ai appris à lire, on m'a enseigné les règles de l'orthographe, de grammaire, la conjugaison, comment employer telle préposition, les règles d'un dialogue. Mais par contre, rédiger, ça n'a jamais été au programme. Les notes sur mes rédactions, j'en avais toujours, savoir ce que je devais changer pour avoir de meilleurs notes, j'en avais jamais.
J'ai compris pourquoi j'ai eu 4 au bac de français.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Deux ans après j'ai eu un prof qui nous donnait des clefs sur comment écrire. Ce n'était plus simplement l'apprentissage par la découverte de l'exemple. J'ai même vu des corrigés modèles.
Et bizarrement, au concours, j'ai eu 15 sans que ça ne me surprenne exagérément (il y a eu de la surprise quand même, mais je ne pense pas qu'il y a une erreur sur la copie).
Le professeur qui corrige ces copies, a-t-il quelque chose à enseigner à ces élèves ou bien il agit simplement comme un critique littéraire ?
Demain après-midi, j'écouterai surement Des Papous dans la tête sur France Culture, des exercices littéraires corrigés en direct...
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Mais je ne suis pas d'accord avec vous, bien sûr. Je reviens ici dès que je le peux.
Présentez-vous succinctement sur le forum si vous le pouvez.
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- Messages : 18198
Parce que vous croyez que j'ai sélectionné ces copies ?!Alice écrit: - je suis surprise par la sévérité du jugement qui a catégorisé cette copie dans les exemples suffisament mauvais pour être publiés en tant que tels
Eh bien je ne sais pas ce qu'il vous faut... Sachez que certains de ces élèves avaient dix-sept ou dix-huit ans.Alice écrit: elle a certe beaucoup de défauts de style, d'orthographe et d'autres choses que l'on peut attendre dans une rédaction mais je trouve qu'elle présente aussi quelques qualités qui ne sont pas du tout mises en avant par cette catégorisation.
Par exemple je trouve la notion de bocal de requin assez originale et le fait de l'utiliser pour donner une image de grandeur plutôt habile, même si la tournure de la phrase peut être travaillée. Je trouve donc que cette copie présente une certaine créativité (ou au moins un début de créativité) qu'il serait à mon sens souhaitable d'encourager.
Les problèmes de "style" sont assez secondaires par rapport à ceux de la graphie en fin de troisième. La comparaison est peut-être "originale" mais totalement incongrue, pour ne pas dire loufoque. Quant à la tournure de la phrase ("profond comme la profondeur"), vous avez le sens de l'euphémisme pour ce qui constitue un solécisme grave. C'est à force de réduire ces enfants à leur "créativité" qu'on les a menés à ne pas savoir écrire. Votre déni de réalité est symptomatique de la dérive pédagogiste de l'enseignement du français depuis vingt ans.
Je vous applaudis mais je ne comprends plus le début de votre intervention...Alice écrit: - je regrette que des élèves de troisième fassent autant de fautes qui démontrent leur incompréhension de l'origine et de la structure de la langue et parfois de leur propre pensée. Cela me conforte dans un sentiment que j'ai face aux copies d'élèves de L2 LEA à qui je donne des cours de statistiques : la tendance des enseignants (et de leurs institutions) à trouver des excuses aux élèves et à tolérer le manque de rigueur au nom de l'indulgence a des conséquences très négatives pour ne pas dire dramatiques, notamment en termes de valeur des diplômes et d'égalité républicaine puisque les élites et décideurs restent ceux qui savent (entre autres choses) écrire et s'exprimer de façon cohérente.
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- Alice
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En réponse à Loys :
Effectivement j'ai du mal comprendre cette note en l'interprétant comme la mise en avant de copies sélectionnées comme les pires.
Mon propos précédent découlant de cette interprétation, il est à relativiser.
En effet, ce que je reprochais à ce post était de complétement dévaloriser une copie qui, sans mériter une bonne note, contient certains éléments encourageants en la donnant en exemple dans ce genre de catalogue des pires copies. Or s'il n'y a pas de catalogue mon reproche tombe à l'eau (au fond du bocal à requins).
De plus je n'ai pas pris en compte lors de mon premier commentaire qu'il s'agissait de copies de brevet, censées donc présenter un travail plutôt abouti, plus que ce qu'on peut attendre lors du processus d'apprentissage qui précède.
Je vous prie donc d'excuser ces malentendus.
Quant au fait de ne pas comprendre le début de mon intervention une fois que vous en avez lu la fin : j'ai pourtant essayé de prévenir que les deux sont contradictoires.
Mais ils reflètent bien ce que je ressens, 9 ans après l'avoir quitté, vis-à-vis du système scolaire pré-bac dans son ensemble en France : trop de laxisme sur certains points (l'orthographe et la grammaire en sont), pas assez d'encouragements et même trop de freins sur d'autres (une certaine créativité, même si elle n'est pas aboutie).
C'est un sentiment que j'ai et je ne prétends pas détenir d'explication inattaquable ni de solution miracle mais je serais ravie de continuer à en discuter !
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Rassurez-vous également : je suis critique quant à la copie mais je reste bienveillant quant à l'élève. D'autant que ce niveau de faillite scolaire ne peut pas lui incomber à lui seul.
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Je souhaite réagir à l'article "Copies non conformes", dans lequel j'ai reconnu mon quotidien d'enseignante de Lettres modernes, en collège, lycée et, depuis septembre, en BTS. Je crois vraiment que le grand public ne mesure pas la perplexité des professeurs face aux copies illisibles, incompréhensibles, dépourvues de ponctuation, écrites en une langue qui n'est même plus phonétique mais carrément étrangère ! Il faut que cela se sache, que l'information circule ! Et je précise tout net que les copies reproduites dans l'article ne sont pas des exceptions, loin de là ! Jusqu'en BTS, on trouve des choses qui ressemblent à ça, et noter devient une entreprise qui relève de plus en plus de la voyance ! Nous devons deviner ce que les élèves ont voulu dire, et imaginer des liens possibles avec le sujet posé... C'est une tâche ardue et qui demande énormément de temps !
Heureusement, on nous donne des consignes pour noter comme il faut. Et c'est sur ce point que je voudrais m'exprimer. Un exemple entre mille, et qui s'appuie sur des erreurs faciles à relever dans les copies scannées par Loys : les passés simples fantaisistes ("il disa", "ils croyèrent", etc...). Eh bien sachez qu'il est fortement recommandé de ne pas tenir compte de telles erreurs, parce que dit-on, ce qui compte, c'est que les élèves aient eu l'intention d'employer le passé simple (et pas qu'ils sachent le conjuguer, c'est une autre compétence, gérée à part, et jugée très accessoire). Bref, on en est arrivés là : puisque la langue de nombreux élèves est devenue totalement "anormale", on décide de ne plus tenir compte de la norme, on ne juge donc plus un travail (qui devrait être abouti) mais des intentions (qui peuvent rester perpétuellement inaccomplies, en pur devenir, ce qui revient à noter des compétences "en puissance"). C'est très joli, mais alors, quel est le sens de la note ? On nage dans un monde virtuel !
Je trouve très intéressant que les copies scannées soient des copies de rédaction. En effet, lors des épreuves du Brevet, la première partie porte sur des questions, une réécriture et une dictée... là, un barème s'applique, et pour de nombreuses réponses, c'est juste ou c'est faux. On ne peut pas décemment demander aux correcteurs d'accorder un point aux élèves qui, devant identifier le sujet de la phrase "Papa va au marché", répondent : "marché". Sur toute cette première partie de l'épreuve, donc, la marge de manoeuvre est assez étroite, et quand les copies sont mauvaises, même avec la meilleure volonté du monde, les notes ne sont pas terribles ! Pour que tout le monde ait son Brevet, et que les résultats puissent être applaudis avec enthousiasme, il reste la rédaction. Cette seconde partie de l'épreuve constitue le vrai test, non pour les élèves, mais pour les professeurs : là, on attend d'eux qu'ils fassent preuve d'une vraie générosité ! La copie ne répond pas au sujet ? L'élève oublie la moitié des consignes ? Certaines phrases n'ont aucun sens ? Ce n'est pas grave, il faut que la note tourne autour de 7 ou 8 sur 15... Pour peu que l'élève ait écrit en Français (même avec un magnifique hors-sujet), on lui mettra facilement 10 ou 11. S'il y a une intention intéressante (par exemple, l'insertion d'un dialogue qui n'était pas demandé, mais qui fait avancer le propos... et sans tenir compte de la ponctuation nécessaire), on va jusqu'à 13 ! Le but est de compenser les mauvaises notes récoltées dans la partie "Questions, réécriture, dictée". Les professeurs, en grande majorité disciplinés, s'exécutent, la rage au coeur, avec la conscience aiguë de servir d'alibi à tout un système en perdition.
Merci donc pour cette moisson de "copies non conformes", susceptible d'ouvrir les yeux à tous ceux qui jurent, la main sur le coeur, que non, non, non, le niveau ne baisse pas. Effectivement, les notes ne baissent pas, et je viens de tenter d'en donner un début d'explication.
Bien à vous,
Glyka.
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Faites tous suivre ces copies : que tout le monde les voie !
Non pas pour stigmatiser une génération d'élèves, mais une génération de pédagogues qui a failli.
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Donc les élèves sont plus débiles qu'avant ? Ou bien se sont les professeurs qui ne sont plus capables d'assurer le niveau aux élèves de leur classe ?Merci donc pour cette moisson de "copies non conformes", susceptible d'ouvrir les yeux à tous ceux qui jurent, la main sur le coeur, que non, non, non, le niveau ne baisse pas. Effectivement, les notes ne baissent pas, et je viens de tenter d'en donner un début d'explication.
Le constat est aisé, mais encore faut-il aller plus loin, établir des conclusions.
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