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"Les élites débordées par le numérique" (Le Monde)
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Quelques observations par exemple :
Bien sûr les soutiens au bijoutier niçois sont tous des "digital natives" !Septembre 2013. Un bijoutier niçois tue son agresseur et reçoit, en cinq jours, plus d’un million de soutiens sur Facebook. « Une véritable culture nouvelle, initiée par les “digital natives”, c’est-à-dire la “génération Y”, se répand mondialement, explique Marie Ekeland, vice-présidente de France Digitale, association qui soutient le développement des start-up.
Chez Wikipédia, 5e site le plus visité du monde et symbole de la culture collaborative en ligne, Adrienne Alix, directrice des programmes de Wikimédia, sa structure faîtière...
Bel aveu s'agissant de l'encyclopédie collaborative en ligne....remarque : « Un signe majeur de la déconnexion des élites est l’usage de l’expression “nouvelles technologies”. Ils parlent de “plan numérique” comme si on planifiait la récolte de blé en URSS, cherchant à contrôler des choses qui ne sont pas contrôlables. »
Quels rebelles que ces réseaux commersociaux !En France, c’est à leur propre court-circuitage, par le biais de YouTube, Twitter ou Facebook, que syndicats et lobbys traditionnels ont assisté en 2013.
Ah bon, les "pigeons", ces entrepreneurs contre la réforme de la fiscalité, c'est "le bas" ?La Fédération nationale d’équitation, au bord de la route numérique, a découvert sur Facebook la croisade des éleveurs équins contre l’« équi-taxe ». Même surprise du patronat concernant les colères fiscales des « tondus », « poussins » et « abeilles », inspirées de celle des « pigeons », en novembre 2012, mouvement rejoint tardivement par un Medef dépassé. « C’est le bas qui pousse, estime Jean-Marc Lech. Cette société de liberté déborde toutes les élites, sans aucune culpabilité. »
Les "dindons" contre la réforme des rythmes scolaires, autrement plus nombreux et plus représentatifs du "bas", n'ont guère été entendus pour leur part...
Comme c'est merveilleux ! Un monde plus beau, plus ouvert et plus collaboratif...« LES CITOYENS RÉINVENTENT LA SOCIÉTÉ À LEUR ÉCHELLE »
Massivement, et mondialement, l’outil Internet engendre de nouvelles pratiques économiques et sociétales. Les internautes tissent des liens horizontaux, achètent et vendent sur Leboncoin.fr, pratiquent le covoiturage grâce à BlaBlaCar, conduisent la voiture de leur voisin au moyen de Ouicar.fr, s’entraident sur Craigslist.org, se logent sur Airbnb.com…
Vulgaire paraphrase de Michel Serres.« On pourrait dire que ces usagers court-circuitent les intermédiaires, mais ce terme signifierait qu’ils y mettent une volonté politique. Or ces pratiques ne sont pas clivantes au sens droite-gauche. Issus de tous bords, les citoyens s’emparent d’Internet pour agir différemment et réinventent la société à leur échelle. Sans même le chercher, ils questionnent l’organisation pyramidale gouvernée par les “sachants” », explique Antonin Léonard, cofondateur de la communauté OuiShare.
Il faudrait peut-être les déluges de tweets antisémites ou homophobes...Cette société civique...
Si c'est OuiShare qui organise, il n'y a plus d'auto-organisation......qui s’auto-organise a déjà ses têtes de pont, prêtes à jouer dans la cour mondiale des grands : OuiShare, catalyseur des pratiques collaboratives, a des relais à Rome et Berlin ;
C'est beau.... le réseau Sandbox fédère, de San Francisco à Pékin, un millier d’entrepreneurs de moins de 30 ans qui réseautent et s’entraident ;
Les récoltes de dons, c'est très moderne....du Brésil aux Philippines, Plus Social Good rassemble ceux qui « cherchent des solutions collaboratives aux problèmes sociaux », explique le polytechnicien Ismaël Le Mouël, fondateur de Helloasso.com, qui a déjà récolté 4 millions d’euros pour 2 000 associations.
Surtout qu'elles se situent hors la loi. Mais la loi républicaine, n'est-ce pas une vieille lune ? Les réseaux, c'est plus démocratique que les élections.« LES BANQUES : INTERMÉDIAIRES INÉVITABLES »
Sans centre, sans frontières, ces pratiques déstabilisent.
"sans centre" mais avec des serveurs pour la plupart aux États-Unis : voir Twitter ou Wikipédia par exemple.
Les fondateurs de Twitter ou de Google, formés dans des universités d'élite américaines, seraient donc des milliardaires sans être des "puissants".Et pour cause : « Dans l’histoire, ce sont les puissants qui se sont organisés en réseaux larges, pas vraiment le socle de la société »
C'est quand même dérisoire par rapport aux profits commerciaux générés par Internet....explique l’historienne Marjolaine Boutet. Ainsi de l’essor mondial du financement participatif ou crowdfunding. « La récente étude de la Banque mondiale, évaluant le marché à 10 milliards de dollars [7,3 milliards d’euros] en 2025, a été un électrochoc pour le milieu bancaire français », note Vincent Ricordeau, fondateur du site Kisskissbankbank.com, qui aide à financer clips, films, musique…
Au delà de l'affirmation démagogique, curieuse formulation : chacun n'aurait donc pas "accès à sa propre créativité" ?« Nous sommes désormais approchés par des groupes financiers, mais leurs réactions oscillent entre tentatives de récupération ou d’intimidation. La créativité culturelle est aux mains d’un très petit nombre de gens, les élites. Le monde ne pourra changer que si chacun peut avoir accès à sa propre créativité. »
Toujours dans le domaine financier, l’ex-banquier d’affaires de BNP Paribas Charles Egly a créé avec son camarade de HEC Geoffroy Guigou la banque de particuliers à particuliers Prêt d’union… pour donner du sens à son travail.
Ah... ce n'est donc plus du "bas" qu'il s'agit.« Nous assistons à une bataille mondiale entre les élites 1.0, prises à rebours par la base et ses idées, et les élites 2.0, qui se positionnent sur cette nouvelle économie et remettent en cause les vieux modèles », estime Jean-Michel Billaut, pionnier de l’Internet en France élu personnalité de l’année par l’Association pour le commerce et les services en ligne.
Comme quoi le "débordement" peut se gérer.Signe d’une (tardive) prise de conscience ? Pour remettre à niveau ses têtes pensantes, BNP Paribas démarre un « coaching digital international » pour les « G100 » (ses 100 premiers dirigeants) intitulé « Diffusion des usages digitaux ».
Heureusement que ces élites sont des "clients" d'entreprises qui les forment à ces questions.« PROBLÈME GÉNÉRATIONNEL VIOLENT »
La rapidité des changements numériques a laissé nombre de dirigeants et penseurs sur la touche. « Une partie de notre travail est de rappeler des évidences à des clients qui ne vivent pas avec ceux auxquels ils s’adressent. Les consommateurs sont ultraconnectés. Alors qu’en face ces élites voient Leboncoin.fr comme un épiphénomène et sont dubitatives sur l’essor du crowdfunding », explique Dominique Lévy-Saragossi, directrice générale d’Ipsos France.
C'est surtout que le "partage de l'information" n'est pas de la pensée.« C’est un problème générationnel violent. La philosophie de certains nouveaux comportements comme le partage de l’information ou l’échange est pour eux contre-intuitive. »
La théorie du complot ? C'est curieux mais ces pseudo-débats ont pourtant l'air de passionner - à tort ou à raison - les réseaux sociaux.Des Roms à la burqa, « le débat public est phagocyté par de faux problèmes », estime Dominique Lévy-Saragossi. Comme si ces débats pseudo-nationaux permettaient aux élites de garder la main et d’éviter d’affronter les vrais sujets, notamment cette mutation sociétale.
Et le principe du vote, dans cette réflexion nébuleuse ?« L’agrégation de minorités fabrique une réalité fragmentée qui n’est plus lisible par la recherche de faits majoritaires. La notion de moyenne n’a plus de sens. Ce qui pose problème à une élite française cartésienne. »
La détestation des élites n'a rien de vraiment nouveau. Il suffit de se pencher sur l'histoire de France pour s'en convaincre.« ÉLITE PARISIENNE UNIDIMENSIONNELLE »
De fait, le problème n’est pas seulement générationnel mais bel et bien français. Ce qui fait écrire à l’éditorialiste britannique Simon Kuper, le 10 mai, dans le Financial Times : « Les élites françaises n’ont pas été entraînées à réussir dans le monde mais dans le centre de Paris. » Le constitutionnaliste Dominique Rousseau avance une explication : « Le problème en France n’est pas tant la déconnexion des élites que la nature même de l’élite, recroquevillée sur les énarques, que l’on retrouve partout, dans les banques, les assurances, les grands groupes, les cabinets d’avocats, les cabinets ministériels, à l’Elysée, à la direction des partis politiques… Cette élite parisienne unidimensionnelle, qui manque de diversité, manque aussi de capteurs pour saisir la société. Autant l’“énarchie” a été très utile pour construire la nation, autant actuellement, compte tenu de cette révolution numérique, elle devient un obstacle. »
Et le vote ?Pour ce membre du prestigieux Institut universitaire de France, on assiste à un double mouvement. Face à ce nouveau monde, cette élite réagit classiquement : « Elle a été formée à l’idée que la volonté générale ne peut être produite que par elle...
Un double mouvement exacerbé par l’attitude des « élites intermédiaires », poursuit-il. Autrement dit les intellectuels, les médias, les universitaires qui ont l’oreille des puissants. « La grande majorité d’entre eux ne jouent pas leur rôle de passeur pour raconter ce qui arrive. Ces intermédiaires rêvent d’appartenir à l’élite principale et cherchent donc à lui plaire. Ils adoptent les codes et les sujets de prédilection de celle-ci.
Finalement penser le monde, c'est simple.
De vrais penseurs, quoi.Bien sûr, il existe des penseurs connectés...
Le titre avec l'arobase est déjà ringard.Une vision que reprend Jean-Michel Billaut, auteur de l’ouvrage Quand la Fr@nce se réveillera, dont certaines parties sont accessibles en ligne
Les créateurs de start-up viennent tous du "bas" !« Depuis la révolution agricole, il y a dix mille ans, nous sommes organisés de manière pyramidale. Nous avons eu les rois, puis les bourgeois après la révolution industrielle, puis lesgrandes écoles depuis la seconde guerre mondiale. Nous sommes dans une fabrique d’élite intergénérationnelle qui pousse ses dauphins pour pérenniser le passé et le pouvoir. Je viens d’interviewer 2 500 créateurs de start-up. La France 2.0 est très réveillée. Elle a un fonctionnement horizontal. Il n’y a que les élites qui ne le voient pas. »
C'est vrai que la prise de risque dans le secteur financier a montré récemment toutes ses vertus.Cette déconnexion, en pleine période de crise, a de véritables conséquences économiques. « Le système financier français ne prend plus aucun risque », explique Marie Ekeland, associée du fonds Elaia-Partner
Et qui n'en généreront peut-être pas à la fin.Une belle pousse qui cache une forêt plus sombre : « Les Français épargnent, mais nous trouvons difficilement de l’argent à investir. Dans le numérique, nous sommes obligés de financer des entreprises qui, au départ, ne génèrent pas de chiffre d’affaires.
Où est le bel esprit libre et collaboratif ?
Une entreprise qui réussit est donc une entreprise jeune.Les critères d’évaluation ont changé et le secteur financier peine à comprendre. Les décisions d’investissement se font toujours sur le passé et à court terme. Au bout du compte, les PME françaises se financent à 92 % par de la dette, alors que ce ratio n’est que de 50 % au Royaume-Uni et de 20 % aux Etats-Unis. Dans les autres pays, les investisseurs leur font confiance. Sommes-nous réellement prêts à voir naître de nouveaux champions ? L’âge moyen des entreprises composant le CAC 40 est de 101 ans. »
Des étudiants en sociologie ? Voilà qui va bouleverser le marché !Peut-on changer les choses ? Dominique Boullier, professeur de sociologie à Sciences Po, s’est attelé à cette tâche. Sa mission ? « Ne pas reproduire les mêmes élites », avance-t-il tout de go. Directeur exécutif du programme d’innovation pédagogique Forcast, il teste déjà avec ses élèves de nouvelles méthodes.
Et si le numérique n'était pas ce que Dominique Boullier voudrait qu'il soit ?« Le numérique n’a été abordé qu’en termes de média et de notoriété. On n’a rien compris de la culture qui est en train de transformer la façon de travailler, de se lier.
Un programme que les entreprises 2.0 n'ont plus qu'à suivre !La désintermédiation remet en cause les rentes de situation qui sont vues comme des abus, explique-t-il. Il faut apprendre à diffuser les informations, lâcher prise, collaborer, co-créer.
A appliquer à Dominique Boullier, donc, ou à toutes ces entreprises si innovantes mais qui déposent brevet sur brevet.Cela produit un nouveau type de richesse, mais c’est une rupture culturelle : il faut faire confiance à la masse, prendre le risque d’ouvrir les vannes. Le droit de propriété est remis en cause...
Alors qu'un professeur face un élève n'a aucune "autorité", bien entendu. Merci à Laure Belot.... le principe même de l’autorité remis en question. Tout cela est déstabilisant pour le corps professoral. C’est souvent parce que l’on pense avoir une autorité que l’on n’écoute plus. Il s’agit d’un véritable défi de formation. »
L'imprimerie s'est mise au service des élites, de ceux qui savaient lire.« LE VIEUX, LA CRISE PUIS LE NEUF »
« La technologie a toujours été un élément perturbateur, insiste, de son côté, Dominique Rousseau. L’imprimerie a permis a des gens qui n’étaient pas connectés de le devenir.
Tout comme certains ont reproché à Wikiépdia d'héberger des contenus pédopornographiques.Au numérique de jouer son rôle. Dans l’histoire, les séquences sont toujours les mêmes : le vieux, la crise puis le neuf. Le moment est dangereux et passionnant. » Adrienne Alix, qui fut historienne, spécialiste du XVIIIe siècle, avant de travailler à Wikimédia, abonde dans ce sens : « Le climat me fait penser à la période précédant la Révolution française, quand se sont développés des livres clandestins, une façon de court-circuiter le monde de l’édition aux mains des élites. Elles considéraient ces écrits comme de la pornographie.
Au passage quelle partie du trafic mondial sur Internet est-il réservé à la pornographie ?
Et des artisans de la Terreur. Et le premier Empire.Mais de ces auteurs sont sortis certains tribuns de la Révolution. »
C'est un peu le problème, en effet. Heureusement qu'il y a Michel Serres !Dominique Rousseau perçoit un changement de cycle. « La démocratie ne peut vivre sans élite. Elle est constituée d’un ensemble de personnages qui ont sur la société un savoir, une connaissance, une compétence. » Mais qui constituera l’élite de demain ? « A la différence du XVIIIe siècle, où Voltaire et Rousseau (fait prisonnier pour l’un, conspué par le système pour l’autre) étaient très connectés et ont produit des thèses qui ont eu un écho dans la société, les livres équivalents sur l’époque actuelle ne sont pas encore sortis.
Il suffit de s'en convaincre.Cela va sûrement passer par les réseaux sociaux, qui vont produire ce qui est invisible aux yeux des élites. De là surgiront les intellectuels qui vont donner des mots au monde qui vient. »
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Le numérisme est une croyance.Michel Guillou écrit: Les vrais dangers pour l’Internet seraient de ne pas y croire.
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