Inégalités... et discrimination

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01 Sep 2015 19:10 - 01 Sep 2015 19:23 #14539 par Loys
Commentons certains aspects de l’article de "Télérama".

Sinon, comment expliquer les records d'injustice que bat la France ? Notre système éducatif est l'un des plus inégalitaires de l'OCDE. Rares sont les pays développés où les résultats scolaires des élèves sont aussi fortement déterminés par leur origine sociale. Oui, cette prouesse froisse sévèrement notre ego républicain. Elle laisse pantois, aussi : qu'a-t-on fait pour produire cela ?

La ségrégation résidentielle et le financement de l’enseignement privé ségrégatif ? :santa:

Non seulement notre école est largement gratuite...

Pas dans un collège sur quatre.

...mais depuis trente ans, la politique d'éducation prioritaire est censée redoubler d'efforts dans les territoires où se concentrent les difficultés. Pourtant les faits sont là : les deux tiers des enfants d'enseignants ou de cadres obtiennent un diplôme supérieur, contre seulement 12 % d'enfants d'ouvriers non qualifiés.

Parce que les enseignants savent ce qu'il faut faire et qu'on devrait précisément les écouter davantage au lieu de les accuser ?

Et chaque année cent quarante mille élèves, très majoritairement de milieu modeste, sortent du système sans diplôme du tout.

Non, moins de 60.000...

Un système à plusieurs vitesses
Or si les dés sont pipés, les perdants le savent. « Rien ne serait pire pour l'unité d'une classe d'âge et sa capacité à vivre ensemble qu'une dérive irrépressible et irréversible des exigences et des contenus scolaires », mettent en garde les sociologues François Dubet et Marie Duru-Bellat dans un petit livre percutant (1).

:shock:

Cela reviendrait à entériner, de façon plus ou moins tacite, un système à plusieurs vitesses selon les populations, principe difficilement défendable et par conséquent choquant. La mixité sociale ne constitue donc pas un choix parmi d'autres mais une nécessité. C'est la condition sine qua non d'une école plus juste, mais aussi plus performante.

Curieuse nécessité qui s’accommode d'une ségrégation institutionnelle.

Le meilleur moyen de relever le niveau général ? Toutes les études sont formelles, il faut mélanger les élèves, comme le font les Scandinaves...

Pas d'enseignement privé en Finlande. La Norvège et la Suède ne sont pas des modèles, si l'on en croit PISA.

...ou les Canadiens : les plus faibles éléments d'une classe sont bien davantage tirés vers le haut que les plus forts ne le sont vers le bas. Il s'agit également de former les enseignants à l'art délicat d'œuvrer dans des salles disparates, en favorisant la collaboration plutôt que la compétition.

Il n'y a pas de "compétition" au collège... :roll:

“Chacun de nous préfère l'inégalité dès qu'il s'agit de ses propres enfants”
Si tout est si clair, où est le problème ? Il y a que les parents sont des animaux un rien ambivalents. « Même si nous sommes collectivement très attachés à l'égalité scolaire, chacun de nous préfère l'inégalité dès qu'il s'agit de ses propres ­enfants », expliquent Dubet et Duru-Bellat. Parce que nous « stressons » terriblement. C'est la crise, bon sang ! Les cancres d'aujourd'hui pourraient bien faire les chômeurs de demain, pas question de risquer l'avenir du rejeton au nom de la cohésion nationale. Résultat, une proportion toujours plus importante de parents remuent ciel et terre pour inscrire leur progéniture dans la « bonne » école. Pas forcément celle flambant neuve ou dotée d'une cantine quatre étoiles, mais assurément celle qui accueille le « bon » type d'élèves, c'est-à-dire des enfants irradiés à la maison d'ondes culturellement positives, jugées propices à l'apprentissage.

Et où les trouve-t-on majoritairement ? :devil:

Rectifions : toute la France n'est pas engagée dans une quête effrénée de l'établissement socialement compatible. Dans les beaux quartiers, où l'on vit en vase clos, la carte scolaire — qui contraint les élèves à intégrer l'école de leur secteur — préserve de toute « invasion barbare ». A l'autre bout du spectre, dans les « ghettos », cet « apartheid territorial, social, ethnique », selon les mots de Manuel Valls — lors des vœux à la presse en janvier dernier —, on croit encore au mythe républicain d'une même école pour tous, vouée à élever les plus « méritants ».

Qu'a donc fait l'Etat pour lutter contre la ségrégation résidentielle, qui n'est pas du ressort de l'Ecole ?

Mais surtout on maîtrise mal les combines qui permettent de contourner les règles.

Avec plus d'un élève sur cinq, la ségrégation de l'enseignement privé est d'autant plus intolérable qu'elle est financée par l'Etat

En milieu rural, enfin, lorsqu'un seul établissement se profile à trente kilomètres à la ronde, on fait avec.
Tiraillés par un dilemme
C'est dans les territoires où se côtoient ouvriers, profs et cadres que la question de la mixité sociale se pose le plus. Les classes moyennes supérieures sont passées maîtres en stratégies d'évitement : déclaration d'une fausse adresse ou achat d'un studio près de l'école convoitée, inscription dans le privé ou, plus radical, déménagement de toute la famille.

Des stratégies d'évitement diverses : mais il serait facile de contrer l'une d'entre elle.

« Près d'un enfant sur trois échappe au collège public de son quartier, constate Arnaud Parienty, professeur et auteur d'un ouvrage sur les dérives de notre système éducatif (2) . Et ces moyennes sont largement dépassées dans certains endroits. La ville de Montreuil, qui jouxte Paris à l'est, ne compte par exemple que vingt-deux classes de seconde, alors que cette commune de cent mille habitants en recenserait le double si tous les jeunes y étaient scolarisés. Où sont passés les élèves manquants ? » Dans la capitale, sans doute, qui offre une palette de collèges et de ­lycées autrement fréquentés.
Mais comment en vouloir à ces parents « resquilleurs » ? Comme l'explique la sociologue Agnès Van Zanten, nombreux sont ceux tiraillés par ce dilemme : « soit je suis un bon parent, je privilégie la réussite individuelle de mon enfant en le plaçant dans le meilleur établissement possible ; soit je suis un bon citoyen, je le mets dans l'école du quartier quitte à sacrifier sa scolarité ». Dramatisent-ils quelque peu la situation ? Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.

Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ? :scratch:

« Ils sont aidés par le palmarès des lycées, publié chaque ­année par le ministère en mars, note ­Arnaud Parienty. Que Le Figaro traduit de manière limpide par ce titre : "Où faut-il habiter pour réussir à l'école ?" »

Le lycée n'est pas le collège... :roll:

Qu'il est ambigu, ce système éducatif qui d'un côté classe les établissements, provoquant la fuite des meil­leurs éléments des zones où ils sont précieux ; et qui de l'autre appelle de ses vœux la mixité ­sociale. Comme s'il n'avait jamais vraiment tranché entre ses deux vocations : développer les talents des plus doués et offrir un bon niveau d'éducation à toutes ses ouailles. « Le problème n'est pas que l'école ait le souci, légitime, de former une élite, affirment Dubet et Duru-Bellat...

Un peu quand même puisque l'exigence est l'ennemi.

...mais qu'elle oriente tout son fonctionnement en ce sens, en disqualifiant ceux qui n'excellent pas dans les disciplines qu'elle privilégie. »

En quoi "disqualifie"-t-elle plus que les parents ou la société ? Au contraire, de nombreux enseignants sont attentifs à valoriser des compétences qui ne sont pas nécessairement académiques.

Apprentissage au rabais ?
C'est pourtant pour favoriser la réussite du plus grand nombre que dans le cadre de la réforme du collège (appliquée à la rentrée 2016) Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Education, a souhaité supprimer les sections bilangues, européennes, et les options latin et grec.

Bel aveu ! :shock:

Près de la moitié des collèges de France proposent l'une ou l'autre de ces « filières cachées », comme disent les chercheurs.

Ces chiffres sont totalement faux. Le latin n'a rien d'une "filière" : 81% des latinites ne sont pas regroupés dans une classe de latinistes, avec le grec ancien, le latin est proposé à tous les élèves dans 93% des établissements défavorisés. Il exige du travail supplémentaire et des heures de cours en plus : en quoi cette exigence est-elle cachée ? :fur

« Ces classes porteuses de ségrégation sont particulièrement répandues parmi les écoles publiques ayant un établissement privé parmi leurs deux plus proches concurrents », souligne un rapport (3) de l'Institut des politiques publiques sur la mixité en Ile-de-France.

Parler de "classes" de latinistes, c'est déjà se tromper. Et elles sont "répandues" partout. :fur
On note que le problème est bien la présence du privé : mais on en propose de traiter que la question des options... :santa:

Alors que faire : conserver ces classes de niveau...

Le CNESCO l'a dit lui-même : la ségrégation intra-établissement est "faible au collège". Parler de classes de niveaux et les associer de plus aux options de langues anciennes est une aberration.

... une école à l'intérieur de l'école certes, mais qui a l'avantage de retenir les meilleurs éléments ? Ou jouer la carte de la mixité, avec le risque de provoquer un exode massif vers le privé ?

Dans l'esprit de "Télérama", la mixité doit se régler sans tenir compte du privé... Au moins, il y a un peu de réalisme dans les conséquences envisagées.

Le choix est d'autant plus cornélien qu'il est explosif. La suppression des options latin et grec, en particulier, échauffe furieusement les esprits, et bien au-delà des cercles conservateurs. Pourquoi diable, s'écrie-t-on, amputer la jeunesse de cette part de nous-même, de cet héritage antique qui fonde la langue française, notre identité européenne, et nous forme à l'exercice de la critique et à la relativité des moeurs ? La ministre a beau assurer que, avantage de sa réforme, les langues et les cultures de l'Antiquité seront désormais enseignées à tous les élèves, nombreux sont ceux qui n'y voient qu'un apprentissage au rabais.

Mais non : un enseignement de "langues et cultures de l'antiquité" sur un mini-horaire, pendant une seule année, avec un projet pratique, sans langue et dispensé par n'importe quele professeur est une bonne nouvelle pour les langues anciennes ! :santa:

Convaincre plutôt que de contraindre
Quoi qu'il en soit, il faut agir, et avec force, avertit un rapport (4) du Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) publié en juin dernier. Dénonçant « un quasi-­immobilisme des politiques publiques sur la mixité sociale à l'école en France depuis quarante ans », il préconise en particulier : de réajuster la carte scolaire dans certains territoires, de former les enseignants aux classes hétérogènes, d'inciter le privé sous contrat à accueillir un public plus divers...

Incitons, incitons... :santa:
Le problème date de 1959 et de la loi Debré.

Il assure par ailleurs : « une politique de mixité sociale ne fonctionne que si les parents y adhèrent ».
De fait, n'est-il pas vain de vouloir contraindre le choix de ceux qui vivent comme une injustice cette injonction de scolariser leurs enfants dans une école qu'ils jugent n'être « pas à la hauteur » ? Dubet et Duru-Bellat suggèrent de concentrer les efforts sur l'offre scolaire.

Voilà. Un beau renoncement sociologique : ne rouvrons pas la guerre scolaire !
Et "les efforts sur l'offre scolaire", c'est donc de la mutiler.

« Assurer une égalité de la qualité de la scolarisation et des chances de réussir dans tous les établissements est la meilleure manière de tuer dans l'œuf les "bonnes raisons" qu'ont les familles de fuir certains établissements, ceux où pas un enseignant n'imaginerait scolariser son enfant. »

C'est exactement l'inverse qui va se produire.

Facile à dire ? Des établissements expérimentaux (lire notre reportage) montrent peut-être le chemin à suivre.

Là aussi il y aurait beaucoup à dire, notamment sur l'expérience Clisthène.
Dernière édition: 01 Sep 2015 19:23 par Loys.

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02 Sep 2015 17:17 #14546 par archeboc

Loys écrit:

Sinon, comment expliquer les records d'injustice que bat la France ? Notre système éducatif est l'un des plus inégalitaires de l'OCDE. Rares sont les pays développés où les résultats scolaires des élèves sont aussi fortement déterminés par leur origine sociale. Oui, cette prouesse froisse sévèrement notre ego républicain. Elle laisse pantois, aussi : qu'a-t-on fait pour produire cela ?

La ségrégation résidentielle et le financement de l’enseignement privé ségrégatif ? :santa:

Une autre explication provient du fait que les populations d'origine immigrée, qui constituent désormais massivement les classes populaires, ont un niveau scolaire fortement inférieur à ce que l'on constate dans les pays comparables, phénomène attesté par les statistiques de l'OCDE. Il ne semble pas aberrant qu'il y ait alors un effet statistiquement exponentiel d'enfermement culturel (pauvreté+immigration+illettrisme) alors que les comparaisons internationales (PISA en tout cas) n'envisagent que des effets cumulatifs.

Le meilleur moyen de relever le niveau général ? Toutes les études sont formelles, il faut mélanger les élèves, comme le font les Scandinaves...

Pas d'enseignement privé en Finlande. La Norvège et la Suède ne sont pas des modèles, si l'on en croit PISA.

Surtout, il y a ici une confusion entre "relever le niveau général" et "relever le niveau des plus faibles". Je ne connais pas d'étude fiable permettant d'affirmer que mélanger les élèves permet de relever le niveau général. Il y a bien quelques articles (dont un de Duru-Bellat) datant de plusieurs années et portant sur des années encore plus vieilles, mais ils souffrent tous d'une difficulté épistémologique fondamentale.
Il est en effet très difficile de dire ce qu'est le niveau général d'une classe d'age : si je permets à Jean de passer au dessus de la moyenne à une dictée d'un vieux recueil du certificat d'étude, est-ce que je peux le rendre commensurable, dans le niveau générale, avec le fait que Jacques devient capable de lire Ovide en VO ? La moyenne PISA est déjà très problématique, même si les comparaisons y ont un sens, mais comment dire que monter de dix points les 10% les plus faibles équilibre une baisse de 10 points des 10% les plus forts ?
De toute façon, les quelques études récentes que j'ai pu lire évitent de traiter sérieusement la perte de chance que constituent les mauvais élèves pour leurs condisciples, pour estimer si ces pertes sont compensées par un gain.

Rectifions : toute la France n'est pas engagée dans une quête effrénée de l'établissement socialement compatible. Dans les beaux quartiers, où l'on vit en vase clos, la carte scolaire — qui contraint les élèves à intégrer l'école de leur secteur — préserve de toute « invasion barbare ».

Totalement faux. Plusieurs résultats, déjà anciens, montrent le contraire. L'optimisation scolaire règne à Rueil, ou à Paris VIIIe, et bien plus rigoureusement qu'ailleurs.

Mais surtout on maîtrise mal les combines qui permettent de contourner les règles.

Avec plus d'un élève sur cinq, la ségrégation de l'enseignement privé est d'autant plus intolérable qu'elle est financée par l'Etat

Ce qui la rend accessible au plus grand nombre. Faudrait-il ne l'autoriser qu'aux riches ?

C'est dans les territoires où se côtoient ouvriers, profs et cadres que la question de la mixité sociale se pose le plus. Les classes moyennes supérieures sont passées maîtres en stratégies d'évitement : déclaration d'une fausse adresse ou achat d'un studio près de l'école convoitée, inscription dans le privé ou, plus radical, déménagement de toute la famille.

Des stratégies d'évitement diverses : mais il serait facile de contrer l'une d'entre elle.

Tu voudrais la supprimer, mais les parents y sont massivement attachés : même pour des parents d'enfants scolarisés à 100% dans le public, le privé apparaît comme une sécurité, la bouée de sauvetage si le système public devient trop inhumain.

« Près d'un enfant sur trois échappe au collège public de son quartier, constate Arnaud Parienty, professeur et auteur d'un ouvrage sur les dérives de notre système éducatif (2) . Et ces moyennes sont largement dépassées dans certains endroits. La ville de Montreuil, qui jouxte Paris à l'est, ne compte par exemple que vingt-deux classes de seconde, alors que cette commune de cent mille habitants en recenserait le double si tous les jeunes y étaient scolarisés. Où sont passés les élèves manquants ? » Dans la capitale, sans doute, qui offre une palette de collèges et de ­lycées autrement fréquentés.

Dans la capitale, mais dans le public ? Ou bien dans les établissements privés ?

nombreux sont ceux tiraillés par ce dilemme : « soit je suis un bon parent, je privilégie la réussite individuelle de mon enfant en le plaçant dans le meilleur établissement possible ; soit je suis un bon citoyen, je le mets dans l'école du quartier quitte à sacrifier sa scolarité ».

Il y en a un paquet qui disent : je suis un bon citoyen, puisque je mets mon enfant dans le privé, à l'abri des délires du MEN. Assurer l'avenir de mon enfant, c'est aussi travailler au bien commun.

Dramatisent-ils quelque peu la situation ?

Plusieurs fois l'année dernière, mon fils est rentrée du collège disant : "papa, aujourd'hui, en cours de XXX, c'était scandaleux".
Il a les moyens de compenser, mais pour une large frange de la population, la fuite est une option plus que raisonnable. Curieusement, Télérama s'abstient de répondre à cette intéressante question.

Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.

Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ? :scratch:

"Autre que celui de leur secteur", je pense que c'est celui de leur secteur d'habitation.

Le problème n'est pas que l'école ait le souci, légitime, de former une élite, affirment Dubet et Duru-Bellat [..] mais qu'elle oriente tout son fonctionnement en ce sens, en disqualifiant ceux qui n'excellent pas dans les disciplines qu'elle privilégie. »

En quoi "disqualifie"-t-elle plus que les parents ou la société ? Au contraire, de nombreux enseignants sont attentifs à valoriser des compétences qui ne sont pas nécessairement académiques.

Plus fondamentalement, l'école du socle a cessé de viser à former une élite. Dubet et Duru-Bellat sont ici dans le mythe.

« Assurer une égalité de la qualité de la scolarisation et des chances de réussir dans tous les établissements est la meilleure manière de tuer dans l'œuf les "bonnes raisons" qu'ont les familles de fuir certains établissements, ceux où pas un enseignant n'imaginerait scolariser son enfant. »

C'est exactement l'inverse qui va se produire.

Le pire, c'est qu'il y a des moyens d'inverser la tendance, sans démolir l'enseignement privé. Si en particulier toutes les options étaient réservées au public, cela équilibrerait avec le privé. Le gros problème, c'est que les parents bardés de diplômes, de relations et de décorations, parents d'enfants scolarisés dans le privé, vont faire pression pour augmenter la dotation horaire de leurs établissements, et qu'ils l'obtiendront plus facilement que les parents du public.
Je fais actuellement le pari que le collège privé de mon coin sauvera beaucoup plus facilement ses bilangues que les collèges publics qui l'entourent. Pourquoi ? Parce qu'il fait commencer les bilangues en primaire.
En attendant, la ruée vers l'enseignement privé a commencé - article du parisien relayé sur néoprofs :

Le Parisien écrit: Un enseignement plus personnalisé, des établissements plus autonomes... Cela pourrait être le slogan de la réforme du collège engagée par la ministre de l'Education nationale, mais c'est avant tout ce qui incite toujours plus de parents à se tourner vers l'enseignement privé. Mardi prochain, il y aura quelques milliers d'élèves supplémentaires à faire leur rentrée dans une école, un collège ou un lycée privé. Une augmentation constante « depuis une dizaine d'années », selon Claude Berruer, secrétaire général adjoint de l'Enseignement catholique.

m.leparisien.fr/societe/education-le-pri...-08-2015-5045151.php

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05 Sep 2015 10:39 - 05 Sep 2015 10:43 #14561 par Loys

archeboc écrit: Une autre explication provient du fait que les populations d'origine immigrée, qui constituent désormais massivement les classes populaires, ont un niveau scolaire fortement inférieur à ce que l'on constate dans les pays comparables, phénomène attesté par les statistiques de l'OCDE. Il ne semble pas aberrant qu'il y ait alors un effet statistiquement exponentiel d'enfermement culturel (pauvreté+immigration+illettrisme) alors que les comparaisons internationales (PISA en tout cas) n'envisagent que des effets cumulatifs.

Je n'ai pas de chiffres à ce sujet. Une chose est sûre : la ségrégation existe bien dans l'accueil des migrants !

Sur les 16 up2a de l'arrondissement de Nanterre, aucune dans l’enseignement privé (22% des élèves).
Ajoutons que les conditions d'accueil, quand elles existent, sont largement insuffisante, en durée et en qualité.

De toute façon, les quelques études récentes que j'ai pu lire évitent de traiter sérieusement la perte de chance que constituent les mauvais élèves pour leurs condisciples, pour estimer si ces pertes sont compensées par un gain.

C'est une question terrible pour les "bons élèves" de l'éducation prioritaire, ces ghettos de la difficulté scolaire. C'est pour cela que je regrettais que l'étude du CNESCO ne prenne en compte que les "bons élèves" pour évaluer la ségrégation.

archeboc écrit:

Loys écrit: Avec plus d'un élève sur cinq, la ségrégation de l'enseignement privé est d'autant plus intolérable qu'elle est financée par l'Etat

Ce qui la rend accessible au plus grand nombre. Faudrait-il ne l'autoriser qu'aux riches ?

Question pertinente. Notez que, dans les établissements d'élite, cette ségrégation est de fait réservée aux plus riches tout en étant financée par l'Etat (cf les exemples de l'école EAB ou de certaines sections internationales ).

archeboc écrit: Tu voudrais la supprimer, mais les parents y sont massivement attachés : même pour des parents d'enfants scolarisés à 100% dans le public, le privé apparaît comme une sécurité, la bouée de sauvetage si le système public devient trop inhumain.

Non, la liberté scolaire doit pouvoir exister, mais pas au prix d'une dégradation de l'école publique comme c'est le cas actuellement. Il y a un rééquilibrage à faire.

archeboc écrit:

« Près d'un enfant sur trois échappe au collège public de son quartier, constate Arnaud Parienty, professeur et auteur d'un ouvrage sur les dérives de notre système éducatif (2) . Et ces moyennes sont largement dépassées dans certains endroits. La ville de Montreuil, qui jouxte Paris à l'est, ne compte par exemple que vingt-deux classes de seconde, alors que cette commune de cent mille habitants en recenserait le double si tous les jeunes y étaient scolarisés. Où sont passés les élèves manquants ? » Dans la capitale, sans doute, qui offre une palette de collèges et de ­lycées autrement fréquentés.

Dans la capitale, mais dans le public ? Ou bien dans les établissements privés ?

Oui, ce serait intéressant de le savoir.
Sur le "bon citoyen", pas d'accord : bon parent, je veux bien.

archeboc écrit: Plusieurs fois l'année dernière, mon fils est rentrée du collège disant : "papa, aujourd'hui, en cours de XXX, c'était scandaleux". Il a les moyens de compenser, mais pour une large frange de la population, la fuite est une option plus que raisonnable. Curieusement, Télérama s'abstient de répondre à cette intéressante question.

C'est juste, mais ce serait poser des questions inconvenantes sur le climat de discipline...

archeboc écrit:

Loys écrit:

Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.

Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ? :scratch:

"Autre que celui de leur secteur", je pense que c'est celui de leur secteur d'habitation.

Ma question est pertinente : par quel passe-droit ?
Quelle étude sociologique confirme cette affirmation par ailleurs ? Je serais curieux de la consulter.

archeboc écrit: Le pire, c'est qu'il y a des moyens d'inverser la tendance, sans démolir l'enseignement privé. Si en particulier toutes les options étaient réservées au public, cela équilibrerait avec le privé.

C'est le genre de solutions auxquelles on devrait songer. Et ouverture dans le privé de sections pour traiter la difficulté scolaire.
Dernière édition: 05 Sep 2015 10:43 par Loys.

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06 Sep 2015 00:27 #14562 par Hervé

Loys écrit:

archeboc écrit:

Loys écrit:

Reste que leur choix est vite fait — à commencer par les enseignants, deux fois plus nombreux à scolariser leurs enfants dans un collège public autre que celui de leur secteur.

Il faut dire qu'inscrire son enfant dans l'établissement où l'on enseigne... Et par quel passe-droit ? :scratch:

"Autre que celui de leur secteur", je pense que c'est celui de leur secteur d'habitation.

Ma question est pertinente : par quel passe-droit ?

Sur ce point précis : on peut obtenir (facilement) une dérogation (et non pas un passe-droit parce que c'est une procédure légale, connue et ouverte) auprès de l'Inspection d'Académie pour faire venir ses enfants dans l'établissement où l'on travaille. C'est d'ailleurs mon cas, la raison principale (et celle qui justifie la dérogation) étant une gestion plus simple des allers-retours familiaux. Je sais que de nombreux collègues sont dans mon cas, ce qui se comprend dans un département très rural où les collèges peuvent être très éloignés les uns des autres. Je précise d'ailleurs que le collège de mon secteur d'habitation, auquel j'ai "échappé", recrute sur le centre-ville et n'est absolument pas un collège réputé "difficile".
Maintenant j'aimerais assez savoir d'où vient le chiffre évoqué dans l'article.

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08 Sep 2015 21:33 - 08 Sep 2015 23:39 #14603 par Loys
Dans "La Vie des idées" du 8/09/15 : "L’école française, démocratique ou élitiste ?" par le sociologue Pierre Merle.

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Dernière édition: 08 Sep 2015 23:39 par Loys.

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08 Sep 2015 23:31 - 09 Sep 2015 10:26 #14605 par Loys
Difficile de tout commenter.
Si dans l'ensemble le constat sociologique de la ségrégation est frappant, l'analyse de ses causes est pour partie problématique et les remèdes proposés au mieux vains et inutiles, au pire catastrophiques...
S'appuyant sur l'étude du CNESCO (voir notre analyse de ses graves limites) , Pierre Merle n'observe pas que (contrairement à lui) cette étude fait abstraction de l'enseignement privé et il oublie de plus qu'elle porte sur l'ensemble du secondaire. La ségrégation scolaire intra-établissement étant "faible au collège" (avec peu de classes de niveau), il est aberrant de la désigner (et donc avec elle les sections bilangues) comme principale cause de ségrégation au collège. Dans les réformes approuvées par Pierre Merle, rien ne concerne l'enseignement privé ou la politique de la ville : le problème reste donc entier ! La ségrégation risque même de s'aggraver avec de moins bonnes conditions d'enseignement dans le public.
Dernière édition: 09 Sep 2015 10:26 par Loys.

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09 Sep 2015 10:25 - 09 Sep 2015 16:25 #14610 par Loys

Les comparaisons internationales permettent de présenter un second constat. Suite aux premières évaluations PISA, plusieurs pays ont mené dans les années 2000 une politique volontariste pour améliorer leur système scolaire initialement fortement ségrégué et moyennement performant. L’Allemagne a réduit la place des filières courtes de scolarisation (Realschule, Förderschule et surtout la voie professionnelle Hauptschule), au profit d’une scolarité commune des élèves dans des Gesamtschule, incluant notamment les élèves du premier cycle du Gymnasium (Merle, 2012).

Précisément l'Allemagne ne fait que suivre l'exemple français quarante ans plus tard... Si le modèle est celui de la seule "scolarité commune", l'Allemagne est encore très en retard vis à vis de la France : c'est un comble de la donner en modèle de scolarité non ségrégative ! :roll:
D'ailleurs les cursus sont toujours différents d'un Land à l'autre.

La Pologne a suivi une politique de même type avec la création d’un collège unique – la création d’un gimnazjum équivalant d’un lower secondary – et une orientation en second cycle repoussée d’un an (Le Donné, 2014).

En Pologne le collège commence à 13 ans et se termine par un important examen de sélection à 16 ans, l'âge des tests PISA.
A noter qu'en Pologne de nombreuses écoles privées ne sont pas subventionnées par l'Etat et que le financement ne peut dépasser 50%.
www.eurorai.org/PDF/pdf%20seminar%20Karl...LEN_definitiv_FR.pdf

En Allemagne et encore plus en Pologne, ces politiques dites d’inclusion, c’est-à-dire d’homogénéisation des cursus scolaires, ont produit des effets bénéfiques. De 2003 à 2012, l’école polonaise recueille les fruits de sa réforme avec une baisse de sa proportion d’élèves peu performants (passant de 22 % à 14%), une augmentation de sa proportion d’élèves très performants (passant de 10% à 17%) (Pisa, 2012).
Les inégalités scolaires ne sont pas des fatalités. Scolariser les élèves de niveaux scolaires différents dans des cursus communs ne provoque pas un « nivellement par le bas », dénoncé à tort, mais une hausse des performances moyennes et une réduction des inégalités sociales d’accès.
L’école suédoise est un contre-modèle instructif. Elle s’est éloignée du modèle nordique du collège unique pour favoriser la différenciation des cursus scolaires, notamment grâce au développement des écoles privées financées par des vouchers (des chèques éducation dont bénéficient les parents). L’esprit de la réforme était d’adapter les établissements à « la diversité des talents » de chaque élève. Cette politique éducative de différenciation des cursus est un échec. Le niveau moyen des élèves suédois a baissé, l’origine sociale détermine plus souvent qu’auparavant le destin scolaire, les élèves des milieux défavorisés ont été particulièrement pénalisés (graphique 3). En matière éducative, la liberté se construit contre l’égalité des chances [3]. Tout comme l’école suédoise, l’école française constitue un contre-modèle caractérisé par des phénomènes d’élitisation.

Dernière édition: 09 Sep 2015 16:25 par Loys.

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09 Sep 2015 18:18 - 09 Sep 2015 18:22 #14621 par archeboc
Cette étude de Pierre Merle est principalement un résumé de son livre de 2012, "la ségrégation scolaire".
www.cairn.info/la-segregation-scolaire--...07171160.htm#summary
Il a juste ajouté un petit couplet de soutien à la réforme.
Ce livre de 2012 est intéressant, d'abord parce qu'il tente de donner une base théorique solide à la critique de la notion de mérite, et qu'il y échoue magnifiquement. Je ne résiste pas au plaisir de donner cet extrait :

La référence à des différences naturelles interindividuelles est une des spécificités de cette idéologie qui jalonne, avec constance, les discours d'une partie des élites politiques : « Il naît des hommes, il naît des femmes, il naît des filles uniques et des familles de dix enfants, il naît des enfants doués pour les études et d'autres doués pour les travaux manuels. Ce ne sont pas des inégalités de la Nature, ce sont des disparités, des différences neutres par rapport à tout sentiment de justice ou d'injustice. Trente ans après leur naissance, certains travaillent de leurs mains, d'autres s'occupent de leur foyer, d'autres accèdent à des postes de commandement, d'autres tournent des films, d'autres enseignent à la génération nouvelle. Leurs vies sont différentes, leurs modes de vie sont différents : là encore, des disparités sont inévitables » [Valéry Giscard d'Estaing, 1970, cité par Merllié, 1975].
Les « inégalités de nature », censées distinguer les « enfants doués pour les études » de ceux qui ne le seraient pas, constituent une façon de légitimer les inégalités scolaires de réussite [Bourdieu et Passeron, 1964]. Cette explication naturaliste des inégalités de réussite est invalidée par les travaux des psychologues [Monteil, 2010] et les spécialistes des neurosciences [Dehaene, 2003].

En rabattant les dispositions de chaque enfant sur des "inégalités de nature", au passage en faisant dire au texte de VGE le contraire de ce qu'il dit (voir les deux passages que j'ai mis en gras), Pierre Merle donne un coup d'épée dans l'eau. La vérité est que malgré l'égale dignité des futurs citoyens, les enfants de 3 ans qui entrent à la maternelle n'ont pas les mêmes dispositions : ils ont déjà des histoires différentes. Le fossé se creuse petit à petit au cours de la scolarité, et il advient un moment où il devient pédagogiquement intenable pour tous les acteurs du système, en dehors évidemment des hiérarques et des experts.
Plusieurs autres points intéressants dans ce livre méritent d'être référencés ici :
- A côté de la mixité sociale des élèves, la mixité de niveau dans une classe s'appelle, dans le vocabulaire OCDE, "mixité académique". Il faudrait systématiquement préférer ce terme à celui de "mixité scolaire", utilisé par Li&Riegert et portant à confusion.
- les effets de pairs, qui nous sont vendus avec enthousiasme (les bons élèves tirent vers le haut les mauvais), sont difficiles à vérifier. Il semblerait en particulier que si on met des bons élèves avec des mauvais élèves, sans élèves moyens au milieu pour faire le liant, la mixité est sans effet.
- un chapitre entier sur le secteur privé : vous devinez ce qu'il y a dedans. On y retrouve en particulier les exemples et les figures de l'article de la vie des idées.
- une conclusion qui propose de moduler les ressources des établissements en fonction de leur mixité, sur le modèle de la loi SRU (explicitement cité).

Pour favoriser la mixité sociale, il serait possible de moduler les dotations financières et en personnels des établissements selon les caractéristiques de leur recrutement. Les établissements scolarisant des élèves d'origine aisée et d'un bon niveau scolaire feraient l'objet de dotations moindres compte tenu d'une population d'élèves qui rend les apprentissages scolaires plus accessibles. En conséquence, le nombre d'élèves par classe serait accru dans ces établissements favorisés et, en contrepartie, le nombre d'élèves par classe serait réduit dans les établissements qui scolarisent des élèves au recrutement populaire et d'un niveau scolaire faible.

L'inconvénient de cette proposition, c'est sa faisabilité. Pour la loi SRU, la densité de HLM peut être assez facilement calculée et vérifiée par l'administration. Pour la mixité sociale à l'école, c'est plus difficile. Dans le meilleur des cas, l'administration fiscale fera le lien entre les enfants et le dossier fiscal de leurs parents. Les enseignants échapperont alors largement au classement en CSP+. Ce qui est sûr, c'est que si on conserve le mode déclaratif actuel, certains CDE truqueront leur déclaration comme ils peuvent truquer aujourd'hui les validations de compétences.
- Au sujet de l'Allemagne, dont tu dis, Loys "D'ailleurs les cursus sont toujours différents d'un Land à l'autre.", Pierre Merle en conclut : "Cette croissance de la Gesamtschule est d'autant plus remarquable qu'elle n'est pas une politique nationale mise en œuvre dans tous les Länder qui disposent d'une grande autonomie en matière de politique éducative".
- Malgré son chapitre sur le secteur privé, Pierre Merle classe la France dans la catégorie "carte scolaire avec dérogations", et non pas dans la catégorie "libre choix peu ou non régulé". Il me semble que le libre choix concerne en France des effectifs plus importants (20% d'élèves dans le privé, plus tous les élèves du public qui ont été refusés par le privé ou qui, ayant le choix, ont fait celui du public) que l'usage de la dérogation (" seulement 8 % à 20 % d'entre eux, selon les contextes scolaires locaux, ont sollicité une dérogation au collège de leur secteur").
- Quant à la catégorie "carte scolaire sans dérogation", il précise qu'elle inclut des pays qui pratiquent "des dérogations limitées et encadrées, par exemple par des examens d'entrée". On aimerait en savoir plus sur ces systèmes élitistes.
Dernière édition: 09 Sep 2015 18:22 par archeboc.

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09 Sep 2015 19:28 - 09 Sep 2015 19:36 #14622 par archeboc
J'avais du retard dans mes réponses sur ce fil. Avec toutes mes excuses.
On fait un papier scientifique avec tout cela ?

Loys écrit:

archeboc écrit: Attention, "ségrégation scolaire" a deux sens : ici, il faut le comprendre comme la ségrégation entre les catégories sociales au sein de l'école.

Oui mais la confusion est celle de François Jarraud. Pour ma part, je distingue, suivant la méthodologie du CNESCO, ségrégation sociale et ségrégation scolaire (ie par le niveau scolaire) au début de l'article.

Il faudrait s’entendre sur une terminologie :
Ségrégation scolaire : tout ce qui se passe à l’école. On la décompose en :
Ségrégation sociale : le mélange des classes sociales
Ségrégation académique : le mélange d’élèves de niveaux différents.

Loys écrit:

archeboc écrit: Jamais ils ne disent que les deux "ségrégations" sont indépendantes. Comme dit plus haut, ce sont deux mesures d'un même phénomène. Ce qui est indépendant et qui s'additionne, c'est la ségrégation inter-établissement avec la ségrégation intra-établissement.

Pourtant, pour autant que je me souvienne, les deux ségrégations, sociale et scolaire (= académique), sont bien additionnées dans l'étude et jamais celle-ci n'étudie la relation qui unit l'une à l'autre. Or la scolarité ne commence pas au collège.

Non, là tu te trompes. Au contraire, ils disent bien que les deux ségrégations sont corrélées.
(Du moins il me semble).
Le gros problème, c’est que lorsqu’on arrive à les décorréler, en 2nde à Paris avec la procédure AFFLENET, en améliorant fortement la mixité sociale, ils continuent à considérer que la ségrégation de niveau scolaire (la ségrégation académique selon l’OCDE) est un problème. Autrement dit, pour eux, même si toutes les classes sociales sont correctement mélangées dans chaque classe (du secteur public, évidemment), le fait qu’il y ait des classes de niveau leur pose un problème.

Loys écrit:

archeboc écrit:

Loys écrit: 3)[..] L’étude définit les « bons élèves » (appelés aussi « meilleurs élèves ») à partir des meilleurs résultats au brevet[6]. La conséquence de ce choix est que le niveau des élèves ainsi évalué est relatif, et non absolu : un élève n’est bon que s’il est meilleur.

Je ne comprends pas ta critique.

J'ai voulu attirer l'attention sur le choix de l'expression "les bons élèves"... qui exclut, par sa méthodologie (20% des élèves obtenant les meilleures notes), des élèves pourtant jugés bons au regard des résultats du brevet. L'étude ne devrait utiliser que l'expression "les meilleurs élèves".

OK. Je comprends, mais cette critique me semble moins essentielle que les autres.

Loys écrit:

archeboc écrit: Je commence par les CSP+ : ils sont généralement utilisés comme un bon indicateur de la mixité sociale : ce sont eux qui partent en premier. C'est un peu comme les canaries que les mineurs emportaient avec eux dans des cages pour détecter les gaz dangereux au fond de la mine. Par corrélation, je pense que les auteurs te répondraient que les "meilleurs élèves" sont eux-aussi un bon indicateur. Peut-être ont-ils fait une étude de sensibilité, accessible dans une publi scientifique. En tout cas, sur toute cette partie, je ne suis pas d'accord avec ta critique.

Je n'ai pas dit que ce n'était pas un bon indicateur, mais qu'il n'était pas suffisant. S'agissant de mixité, on ne considérerait pas identiques un établissement avec une forte proportion d'élèves en difficultés et un établissement avec une faible proportion d'élèves en difficultés. On ne réussit pas de la même manière dans une classe tirée vers le haut par de nombreux bons élèves... ou tirée vers le bas par de nombreux élèves en difficultés.

Expérience de terrain difficilement accessible au statisticien.

Loys écrit:

archeboc écrit: En revanche, on pleurera sans doute longtemps pour avoir les données sur les CSP des parents d'élèves de chaque établissement, sur lesquelles travaillent Li & Riegert.

Les données sur l'enseignement privé (proportion de CSP+ ou de "meilleurs élèves") à tout le moins

Pas seulement. Tout leur jeu de données est une mine statistique, de laquelle ils vont pouvoir faire plusieurs articles qui fera briller leur CV d’un éclat renouvelé. Lis leurs remerciements.

Loys écrit:

archeboc écrit: Modulo l'usage du terme ségrégation qui me gêne autant qu'il te gêne, mais dont l'usage est établi dans le monde de la recherche, la ségrégation scolaire est plus forte que la ségrégation résidentielle : c'est un résultat désormais établi par de nombreuses statistiques et plusieurs publications importantes.

Je dis bien dans l'article que cette acception du terme "ségrégation" est sociologique (avec la définition). Et que ce terme est problématique puisque source de confusion lorsqu'il est utilisé hors du champ de la recherche.
Pour le reste, quel sens donnes-tu à "ségrégation scolaire" ici ? Peux-tu reformuler très explicitement ce que tu veux dire par "la ségrégation scolaire est plus forte que la ségrégation résidentielle" ?

De nombreux résultats montrent que la mixité sociale d’un établissement (la mixité des catégories sociales dans un établissement) est inférieure à la mixité sociale des résidents de son bassin scolaire. Les gens acceptent plus facilement d’habiter dans la même zone que de mélanger leurs enfants au collège.

Loys écrit: Nous sommes d'accord que la ségrégation résidentielle est la première cause de ségrégation sociale (la seconde étant vraisemblablement l'enseignement privé) ? Et donc scolaire (au sens du niveau scolaire), indirectement ? Mon propos soulignait surtout la responsabilité limitée des établissements dans l'ensemble de la ségrégation (inter et intra-établissements).

Oui, je crois que oui. Le problème, c’est que c’est aussi une ségrégation à l’échelle des régions, et pas seulement à l’échelle des quartiers. Il faudrait reprendre les chiffres de Li&Riegert pour affiner cela.

Loys écrit:

archeboc écrit: Je rappelle, après toutes ces critiques, que je trouve ton article excellent. Comment as-tu fait l'étude de cas sur l'arrondissement de Nanterre ? Avec quel logiciels ? Quels données ?

Pour l'étude de cas, c'est de l'artisanal. Avec un simple tableur et un logiciel de graphisme : j'y ai passé du temps.

Et passer par un SIG ? Tu connais QGIS ?

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Loys écrit:

archeboc écrit: Une autre explication provient du fait que les populations d'origine immigrée, qui constituent désormais massivement les classes populaires, ont un niveau scolaire fortement inférieur à ce que l'on constate dans les pays comparables, phénomène attesté par les statistiques de l'OCDE. Il ne semble pas aberrant qu'il y ait alors un effet statistiquement exponentiel d'enfermement culturel (pauvreté+immigration+illettrisme) alors que les comparaisons internationales (PISA en tout cas) n'envisagent que des effets cumulatifs.

Je n'ai pas de chiffres à ce sujet.

L’enquête OCDE sur le niveau scolaire des migrants s’appelle DIOC
www.oecd.org/els/mig/databaseonimmigrant...ecdcountriesdioc.htm
Il faut agréger les données pour obtenir la proportion d’allochtone dans la catégorie la moins éduquée.
Pour l’indice de niveau social de l’OCDE, il s’appelle SESC. Il faudrait se pencher dessus.

Une chose est sûre : la ségrégation existe bien dans l'accueil des migrants !

Encore une très belle carte !

Loys écrit:

archeboc écrit: Tu voudrais la supprimer, mais les parents y sont massivement attachés : même pour des parents d'enfants scolarisés à 100% dans le public, le privé apparaît comme une sécurité, la bouée de sauvetage si le système public devient trop inhumain.

Non, la liberté scolaire doit pouvoir exister, mais pas au prix d'une dégradation de l'école publique comme c'est le cas actuellement. Il y a un rééquilibrage à faire.

Cela, c’est le principe. Le réalisme commande de ne pas affronter de front le secteur privé. Pour les raisons susdites, toute tentative de châtrer le secteur privé est vouée à l'échec. Le taxer selon le mode SRU serait politiquement plus facile.

Loys écrit: Sur le "bon citoyen", pas d'accord : bon parent, je veux bien.

Pas d’accord. Si tu considères que le MEN fait une politique néfaste pour l’avenir du pays, en particulier une politique qui va le priver de ses cadres, il est citoyen d’aller-là contre, et mettre tes enfants à l’abri n’est pas seulement un acte de bon père de famille, c’est aussi celui d’un citoyen soucieux de l’avenir du pays.

Loys écrit: Quelle étude sociologique confirme cette affirmation par ailleurs ? Je serais curieux de la consulter.

Grâce à [Merle 2012], j’ai trouvé :
www.orientation-paysdelaloire.fr/mediath...php?explnum_id=21195
Les chiffres trouvés dans cette note se retrouvent dans le livre de Merle, mais avec quelques petites imprécisions (assimilation « d’enfant d’enseignant » à la catégorie donnée par la profession du chef de famille, et confusion entre enseignant et enseignant du secondaire). Mais le principal est là.

Loys écrit:

archeboc écrit: Le pire, c'est qu'il y a des moyens d'inverser la tendance, sans démolir l'enseignement privé. Si en particulier toutes les options étaient réservées au public, cela équilibrerait avec le privé.

C'est le genre de solutions auxquelles on devrait songer. Et ouverture dans le privé de sections pour traiter la difficulté scolaire.

Plus difficile sans rallumer la guerre scolaire.
Dernière édition: 09 Sep 2015 19:36 par archeboc.

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30 Sep 2015 21:47 - 31 Aoû 2017 21:45 #14786 par Loys
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A lire sur du 24/09/15 sur le site du Centre de l'observation de la société : "Pourquoi les enfants d’ouvriers réussissent moins bien à l’école ?"

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Dernière édition: 31 Aoû 2017 21:45 par Loys.

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