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Carte scolaire et mixité
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Voir aussi ces fils :
- "Affelnet et mixité"
- "Inégalités et discrimination
A lire dans "le Point" du 11/04/13, avec des chiffres très intéressants : "Le grand retour de la carte scolaire" .
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Avec l'orientation choisie, les demandes de dérogation n'auront plus lieu d'être.Depuis 2007, il y a eu près de 630 000 demandes de dérogations déposées et près de 440 000 accordées, précise le ministère, soit en moyenne 73 000 dérogations obtenues chaque année pour 105 000 demandes.
C'est finalement assez peu. Mais à la vérité, les dérogations peuvent s'obtenir avec des moyens beaucoup moins officiels. Le plus simple - pour ceux qui le peuvent - étant encore de se domicilier là où l'on veut que ses enfants soient scolarisés.Ces chiffres concernent "pour un peu moins de deux tiers l'entrée en sixième et pour un gros tiers l'entrée en seconde". Les dérogations accordées représentent environ 7,5 % des élèves scolarisés. Parmi les demandes de dérogation, moins de 2 % concernent un handicap, les bourses sociales "n'ont jamais dépassé 10 %", tandis que les "parcours particuliers", officiellement fondés sur des considérations pédagogiques, "représentent à la rentrée 2011 près de 19 % des demandes", indique la Rue de Grenelle.
C'était prévisible, mais la vérité, c'est que les ghettos n'ont pas attendu cet assouplissement, malheureusement.Le ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon, qui prône la mixité sociale et scolaire, souhaite revenir sur l'assouplissement de la carte scolaire, sous une forme qui reste à définir. Une mission devra rendre ses conclusions "prochainement". Un rapport du Sénat publié en juin a qualifié d'"échec" l'assouplissement de la carte scolaire intervenu en 2007, car il a "ghettoïsé" des établissements défavorisés.
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Loys écrit: C'est finalement assez peu. Mais à la vérité, les dérogations peuvent s'obtenir avec des moyens beaucoup moins officiels. Le plus simple - pour ceux qui le peuvent - étant encore de se domicilier là où l'on veut que ses enfants soient scolarisés.
A-t-on des statistiques sur ce phénomène ? Il y a évidemment les gens qui choisissent leur domicile en fonction d'une stratégie scolaire, mais je pense surtout aux gens qui se font domicilier chez un ami, un cousin, ou à l'adresse d'un local inhabitable pour entrer dans la carte d'un bon établissement. Sait-on combien de passage en 6e sont touchés par ce phénomène ?
Sinon, il y a tout simplement le passage dans le privé.
S'il est difficile d'évaluer l'importance de chaque tactique, on peut en revanche très facilement mesurer leur importance globale : à partir de la carte scolaire et des effectifs des écoles primaires, les rectorat savent, pour chaque collège, combien d'enfants devraient entrer en 6e. Ils connaissent aussi les effectifs réels. Dans l'est parisien, on voit trouve facilement des collèges pour lesquels le rapport est de 3/4 : sur 4 élèves, 3 seulement restent dans le collège du secteur, 25% des effectifs du primaire disparaissant d'une façon ou d'une autre.
Naturellement, ces chiffres sont secrets. Les proviseurs, en particulier, détestent les voir sortir.
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J'avais lu des chiffres impressionnants il y a quelques années sur toutes les stratégies d'évitement, mais je ne sais pas quel crédit leur accorder. Il faudrait que je remette la main dessus.archeboc écrit: A-t-on des statistiques sur ce phénomène ? Il y a évidemment les gens qui choisissent leur domicile en fonction d'une stratégie scolaire, mais je pense surtout aux gens qui se font domicilier chez un ami, un cousin, ou à l'adresse d'un local inhabitable pour entrer dans la carte d'un bon établissement.
Sinon, la méthodologie consistant à étudier combien d'enfants d'un secteur sont finalement affectés dans le collège qui correspond pourrait effectivement être instructive, mais elle néglige les adresse fictives ou les déménagements en vue d'un contournement.
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Loys écrit: J'avais lu des chiffres impressionnants il y a quelques années sur toutes les stratégies d'évitement, mais je ne sais pas quel crédit leur accorder. Il faudrait que je remette la main dessus.
Je suis intéressé.
Loys écrit: Sinon, la méthodologie consistant à étudier combien d'enfants d'un secteur sont finalement affectés dans le collège qui correspond pourrait effectivement être instructive, mais elle néglige les adresse fictives ou les déménagements en vue d'un contournement.
Si le déménagement a lieu dans l'année qui précède le passage en 6e, il est compté dans la statistique : l'élève de CM2 va manquer en 6e. De même pour la domiciliation fictive : on passe en domiciliation fictive quelques mois avant le passage en 6e.
Le seul problème de la méthode, c'est qu'elle compte comme "évitement scolaire" toutes les causes de déménagements (par exemple pour cause d'agrandissement de la famille) lorsqu'ils ont lieu juste avant le passage en 6e. Mais le biais doit être facile à compenser.
Loys écrit: [..] pourrait effectivement être instructive,
Le conditionnel est de trop : cette méthode est utilisé par les rectorats pour faire leurs prévisions de flux d'élèves entrant en 6e dans chaque collège. C'est à partir de ces prévisions que les cartes scolaires sont redécoupées. Tout ce qui manque, c'est que les rectorats publient les chiffres.
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Dans "Le Figaro" du 15/04/13 : "La course au contournement de la carte scolaire bat son plein à Paris ".
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cache.media.education.gouv.fr/file/2013/..._scolaire_263153.pdf
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C'était prévisible (p. 39) :
Objectif de lutte contre les inégalités sociales atteint !Les familles indifférentes au choix sont parfois celles qui sont peu investies dans le parcours scolaire de leurs enfants, mais elles représentent une faible minorité des familles d’enfants entrant en sixième. La méconnaissance du choix pose en revanche le problème du niveau d’information dont disposent les familles à la fois sur la procédure de dérogations et sur leur capacité à entrer dans cette procédure, avec ce qu’elle requiert, fût-ce a minima, d’intérêt, de connaissances de l’institution ou de gestion d’une demande. Il y a fort à craindre que certaines familles de milieux défavorisés, à cause par exemple d’une maîtrise mal assurée de la langue française, n’aient ni eu accès à l’information, ni pu concevoir qu’elles seraient capables de gérer un dossier
p. 40
Un exemple en Gironde, avec l'effet de domino (p. 41)si la mission a pu constater quelques situations, comme celle d’un collège de Concarneau, où l’évitement a pu déclencher
le ressaisissement d’un collège qui a décidé de réagir, elle a constaté que, dans la plupart des cas, les transferts d’élèves autorisés par les dérogations ont plus souvent renforcé des déséquilibres préexistants ou en ont créé de nouveaux.
p. 46On s’aperçoit que, quantitativement, le collège public le plus évité perd plus de 26 % d’élèves potentiels au profit des autres collèges publics (à bonne réputation), dont deux perdent respectivement 37 % et 56 % de leur potentiel d’élèves au profit des établissements privés proches. Tout se passe comme si les dérogations entrantes accordées à ces deux collèges compensaient (partiellement) leurs pertes d’élèves en direction du privé. Le système local de fait ainsi créé renforce l’évitement dont fait l’objet le collège A. Camus.
p. 50-51L’effet de la concurrence sur les établissements évités En dehors de ces effets de répartition différentielle de la population scolaire dans toutes ses composantes, les flux dérogatoires ont aussi des effets sur la vie pédagogique des établissements ou sur l’efficacité du parcours des élèves. On citera notamment l’effet de démoralisation des équipes dans certains collèges évités, alors même que leur travail assure des réussites objectives pour les élèves. Ces équipes expriment un double sentiment,
d’abandon par les pouvoirs publics et d’impuissance devant l’évitement de leurs collèges, sans compter l’image négative que cela leur renvoie de leur action d’une façon ressentie comme injuste. D’abandon, parce qu’ils n’ont pas (à tort ou à raison) l’impression que leurs établissements reçoivent un accompagnement à la hauteur des enjeux, mais aussi parce que pour eux, l’assouplissement de la carte scolaire, en donnant priorité aux logiques individuelles au détriment des enjeux collectifs de l’école, est un renoncement du service public. D’impuissance, parce qu’ils ont l’impression que leur action n’a pas de prise sur leur réalité.
Le risque est alors grand que ces équipes ne finissent par s’épuiser, avec comme conséquences des demandes de mutations hors de ces établissements, induisant un turn-over important de la population enseignante, dont toutes les études montrent qu’il est préjudiciable à l’efficacité pédagogique. Les collèges évités ont d’ailleurs souvent des enseignants en service partagé, qui de fait sont moins disponibles pour un travail suivi dans ce type d’établissement.
Préconisations :À ce stade, un bilan au niveau national portant sur les collèges RAR fait apparaître que l’évitement de ces collèges, qui était antérieur dans la plupart des cas à l’assouplissement, a continué de 2008 à 2011 en s’accentuant légèrement. Pour les plus évités d’entre eux, comme ceux que la mission a pu étudier, cet état de fait était déjà acquisdès 2007. Divers auteurs ont souligné ce fait, comme Oberti et al. (2011), qui ont montré dans la région parisienne que les collèges concentrant des CSP défavorisées ou des étrangers ont vu leur homogénéité sociale se renforcer depuis 2007, ce qui indique qu’ils ont perdu encore plus d’élèves de classe moyenne, situation que l’on retrouve pour certains collèges RAR. Reste qu’un sentiment de relégation dans ces collèges peut se renforcer pour les familles qui n’ont pu bénéficier de cet assouplissement, compliquant de fait la vie de ces établissements. De plus, la perte d’élèves finit par poser de réels problèmes d’organisation pédagogique interne à ces établissements : un collège des Yvelines a résolument fait le choix de regrouper les quelques élèves issus des CSP moyennes ou favorisées dans une seule classe par niveau, faute de quoi il s’exposait à des demandes de dérogation. Les parents d’élèves rencontrés ont confirmé l’importance déterminante que cet argument de constitution des classes avait eue dans leur choix de ne pas demander de dérogation. On peut du reste être dubitatif sur l’intérêt pédagogique qu’il y aurait à répartir ces quelques élèves à raison d’un ou deux par classe, tant l’isolement ainsi provoqué pourrait être préjudiciable à leur intégration sociale et à leur engagement scolaire. Cela donne aussi les limites d’un certain volontarisme en termes de constitution de classes hétérogènes, avec des collèges qui n’offrent plus l’équilibre social minimal pour que ce type de pratique soit efficace.
p. 54
Fût-il souhaitable, le retour au statu quo ante n’est plus possible, car il apparaîtrait pour beaucoup de familles, qu’elles se soient ou non saisies de la « liberté » nouvelle qui leur était annoncée, comme une régression inexplicable. En outre, de l’avis de la mission, le retour pur et simple à une application stricte de la carte scolaire ne contribuerait en rien à l’amélioration de la situation des collèges en difficulté ni à un meilleur équilibre social des établissements. La mission souhaite en tout état de cause s’écarter d’une réponse en noir ou blanc à la question de savoir s’il faut retourner à un régime strict de carte scolaire ou s’il faut poursuivre
son assouplissement en vue de son effacement.
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- la présence des écoles privées qui annihile de fait toute tentative d'un retour à une vraie mixité. Les familles que l'on contraindrait à rejoindre des collèges pourris, fussent-elles issues de dix générations de radicaux de gauche bouffe-curés et enclines à verser des larmes le poing sur la poitrine dès qu'elles lisent "liberté égalité fraternité", se jetteraient dans les bras de l'enseignement catholique. Ou déménageraient, quitte à d'endetter au-delà du raisonnable, dans un quartier moins populaire.
- d'expérience, je dirais qu'à partir de 6 élèves "en très grande difficulté" dans une classe, il faut renoncer à une grande partie de ses ambitions pédagogiques. Or, la proportion nationales des élèves à problème semble aujourd'hui dépasser le seuil de 20%. Si donc on parvenait (ce que je crois impossible) à homogénéiser la répartition de ces enfants dans toutes les classes (qui comptent 30 élèves et plus), on aboutirait à 100% d'une classe d'âge dans des classes où enseigner est difficile.
La question de la carte scolaire ne peut donc être résolue que si :
- on supprime l'école privée ,
- et si on parvient à réduire à la fin de l'école primaire le nombre d'élèves [strike]perturbateurs analphabètes[/strike] en difficulté en-deçà des 10% d'une classe d'âge.
Autrement dit, mission impossible en l'état actuel du fonctionnement du système éducatif français.
Bon, je caricature un peu , mais je pense être dans le vrai sur le fond.
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- Loys
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Les décisions de la nation sont souveraines et ce retour en arrière, même vers une situation non satisfaisante, me semblerait de toute façon très "explicable" compte tenu des conclusions effarantes du rapport ... Voilà qui me semble caractéristique d'un certain renoncement de l'institution.Fût-il souhaitable, le retour au statu quo ante n’est plus possible, car il apparaîtrait pour beaucoup de familles, qu’elles se soient ou non saisies de la « liberté » nouvelle qui leur était annoncée, comme une régression inexplicable.
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